Peine de mort : la dynamique abolitionniste, plus forte que jamais

Dix ans après le premier appel de l’ONU en faveur d’un moratoire sur les exécutions, la dynamique abolitionniste est plus forte que jamais

Dix ans après l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies de sa première résolution appelant à un moratoire sur l’application de la peine de mort, la tendance mondiale à l’abolition de ce châtiment est toujours aussi forte. À l’occasion de cet anniversaire, Amnesty International appelle à nouveau les États qui maintiennent la peine capitale à prendre immédiatement des mesures pour contribuer à débarrasser le monde de ce châtiment, le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

Un appel puissant

Le 18 décembre 2017 marque le dixième anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies – principal organe délibérant de l’ONU réunissant l’ensemble de ses membres – de la résolution 62/149, un texte novateur qui appelait les États maintenant la peine de mort à instaurer un moratoire sur les exécutions en vue de l’abolition, à terme, de ce châtiment. Bien que cette résolution ne soit pas juridiquement contraignante pour les États, l’appel puissant ainsi lancé par cet organe de l’ONU a eu un poids moral et politique considérable. Une majorité écrasante d’États l’ont proposée et lui ont apporté un soutien transrégional, et elle a clairement fait figurer l’abolition de la peine de mort au nombre des priorités de la communauté internationale en matière de droits humains.

Depuis 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté cinq autres résolutions à ce sujet, la dernière en date remontant au 19 décembre 2016. Centrées sur l’appel à un moratoire sur les exécutions, ces résolutions adressaient également des demandes importantes aux États. Elles les invitaient, entre autres, à renforcer la protection et la promotion des droits fondamentaux des personnes passibles de la peine de mort, notamment en adoptant les mesures suivantes : limitation du nombre d’infractions punissables de la peine de mort, publication d’informations sur toute exécution programmée, non-imposition de la peine de mort à des personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits reprochés, à des femmes enceintes ou à des personnes présentant un handicap mental ou intellectuel, et garantie de la possibilité pour les condamnés à mort d’exercer leur droit de solliciter une grâce ou une commutation de peine via des procédures de demande de clémence équitables et transparentes.

Une dynamique croissante

L’adoption de la résolution de 2007 a été un événement marquant, car elle a également donné un nouvel élan à la campagne mondiale contre l’utilisation de de châtiment. L’examen et l’adoption de telles résolutions tous les deux ans par l’Assemblée générale des Nations unies ont donné à la société civile et aux autres acteurs abolitionnistes de nouvelles occasions de s’adresser aux gouvernements et de promouvoir l’ouverture de débats sur l’abolition là où ce dialogue n’existait pas auparavant. Une plateforme permanente a ainsi été crée pour des échanges importants sur la peine de mort, transformant la perception de ce châtiment  : autrefois envisagé comme une question de justice pénale, il est désormais considéré comme directement lié à la protection et à la promotion des droits humains. L’appel à un moratoire sur les exécutions a également trouvé un écho dans des déclarations contre la peine capitale prononcées ces dernières années par des organisations internationales et régionales telles que l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ou encore des organisations professionnelles internationales, comme l’Association médicale mondiale.

Dans le contexte du mouvement contre la peine de mort, les résolutions adoptées à l’Assemblée générale des Nations unies ont bénéficié d’un soutien croissant, passant de 104 voix pour en 2007 à 117 ces dernières années. On retrouve une évolution comparable en ce qui concerne le nombre d’États qui ont aboli la peine de mort depuis 2007 : 14 pays ont totalement aboli la peine de mort dans leur droit interne et deux autres sont devenus abolitionnistes pour les crimes de droit commun uniquement. Ces dix dernières années, 20 autres pays se sont engagés de manière irréversible au regard du droit international à abolir la peine capitale, et plusieurs autres ont pris des mesures importantes pour aller dans cette direction.

La cause de l’abolition

Il ne fait aucun doute que le monde continue à progresser sur la voie de l’abolition et que ce n’est qu’une question de temps avant que la peine de mort ne soit plus qu’un chapitre des livres d’histoire. Cependant, les difficultés constatées dans la minorité isolée de pays qui procèdent encore à des exécutions ne sauraient mieux illustrer la nécessité d’une action renouvelée en faveur d’un moratoire sur toutes les exécutions, à titre de première étape. Selon les chiffres compilés par Amnesty International, en 2016, aucune exécution n’a eu lieu dans 172 (89 %) des 193 États membres de l’ONU, et à sa connaissance, 11 pays seulement ont procédé à des exécutions chaque année au cours des cinq dernières années.

Une poignée d’États − l’Arabie saoudite, la Chine, l’Irak, l’Iran et le Pakistan − sont responsables de plus de 90 % des exécutions recensées.

C’est un fait bien établi que des violations graves du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes vont souvent de pair avec l’utilisation de la peine capitale, y compris dans des pays qui ont pris volontairement des engagements en ratifiant des instruments internationaux. Dans de nombreux cas, cette peine est prononcée à l’issue de procédures contraires au droit à un procès équitable (notamment lorsque les accusés ont été soumis à des actes de torture ou à d’autres mauvais traitements destinés à leur arracher des « aveux » qui sont ensuite souvent utilisés comme base pour les déclarer coupables), contre des personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés, ou contre des personnes qui présentent une déficience mentale ou intellectuelle. Dans certains pays, ce châtiment est imposé pour des infractions qui ne relèvent pas de la catégorie des « crimes les plus graves », auxquels son application doit être limitée en vertu du droit international, et il constitue souvent une peine obligatoire.

Amnesty International a exprimé à maintes reprises sa préoccupation au sujet du secret qui entoure l’utilisation de la peine de mort dans un certain nombre de pays, notamment dans celui qui procède au plus grand nombre d’exécutions : la Chine.

L’organisation constate avec inquiétude que les personnes appartenant à des milieux socioéconomiques vulnérables continuent à être désavantagées lorsqu’elles ont affaire à la justice pénale à travers le monde.

Il est temps d’agir

Les événements, notamment ceux de ces dernières semaines, par exemple en Irak, ont montré que certains États faisaient preuve d’un mépris complet à l’égard des obligations qui leur incombent au titre du droit international dans ce contexte. Cette situation requiert une condamnation et une action internationales.

Malgré tous les obstacles, il ne fait aucun doute que l’humanité continuera à s’acheminer sur la voie de l’abolition de la peine de mort.

Alors que nous attendons avec impatience 2018 et la prochaine résolution sur un moratoire sur l’application de la peine de mort que l’Assemblée générale des Nations unies examinera probablement à sa 73e session, Amnesty International encourage tous les États à coopérer et à soutenir les initiatives qui contribueront à mettre fin définitivement à l’utilisation de ce châtiment.

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