Un an auparavant, la Belgique s’était également dotée d’un ambitieux Plan d’action national (PAN) de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre, reprenant des dizaines de recommandations en partie formulées par la société civile, mais qui manquaient d’un élément de taille : un budget précis et détaillé, mesure par mesure. Ce plan a pris fin en 2019 et le futur plan 2020-2024, en cours d’élaboration, ne sera pas mis en œuvre par le gouvernement en affaires courantes. Il reviendra au nouveau gouvernement de le valider et de le mettre en œuvre. Et nous savons tous que cela peut encore durer des mois.
20 % des dispositions de la Convention d’Istanbul appliquées
Pourtant, les femmes ont plus que jamais besoin que la lutte contre les violences dont elles sont spécifiquement la cible bénéficie d’un cadre. En témoigne encore un tout nouveau sondage réalisé par l’Institut Dedicated pour Amnesty International et SOS Viol, qui révèle notamment qu’une femme sur cinq a été victime de viol et que 23% ont été forcées d’avoir des relations sexuelles par leur partenaire. Par ailleurs, les victimes qui portent plainte pour viol ne sont pas prises en charge de manière optimale et voient leur dossier classé sans suite dans plus de la moitié des cas. Et ce malgré les divers engagements pris par la Belgique, malgré le dernier PAN et malgré Ia Convention d’Istanbul dont seules environ 20% des dispositions sont en réalité appliquées.
Les femmes ont plus que jamais besoin que la lutte contre les violences dont elles sont spécifiquement la cible bénéficie d’un cadre
Nos parlementaires paraissent se saisir à bras le corps de la problématique des violences sexuelles, mais de manière désorganisée. Rongeant leur frein quant au futur PAN, ils·elles en profitent pour tenter de faire passer des mesures et réformes législatives ayant peu d’impact en termes de coût. Les propositions de loi foisonnent sans cadre cohérent, rendant leur suivi véritablement ardu pour la société civile, aussi bien que pour les parlementaires eux·elles-mêmes. Sans parler de la titanesque réforme en cours du Code pénal, qui prévoit également de nombreuses modifications des différents articles concernant les violences sexuelles. Cela ne fait que souligner la nécessité de se doter au plus vite d’un PAN, permettant aux parlementaires de proposer des réformes dans un cadre clair et concerté.
Des annonces trop rarement suivies d’effet
On peut, c’est vrai, se réjouir de voir les ministres sans cesse questionné·e·s à ce sujet. Le gouvernement fédéral semble aller dans la bonne direction en confirmant l’ouverture d’un Centre de prise en charge des violences sexuelles par province ; en annonçant la participation à une enquête européenne sur la violence sexiste ; ou encore en plaidant pour une formation plus solide des agent·e·s de police et du personnel judiciaire. Toutes ces annonces vont dans le bon sens et nous ne pouvons que les saluer. Mais d’une part, s’il y a bien un constat que nous faisons en ce qui concerne les violences faites aux femmes, c’est que les annonces sont légion, et qu’elles ne sont que trop rarement suivies d’effet. Des mesures importantes du PAN précédent n’ont pas été réalisées, soit parce que les moyens accordés n’étaient pas adéquats, soit parce que le vocable retenu était “faible”, car non contraignant. C’est par exemple le cas de la formation de la police, qui apparaissait certes comme prioritaire, mais pour laquelle aucune obligation n’était donnée aux écoles de police. Nous voulons que le prochain PAN soit réaliste, contraignant et budgétisé. Et nous voulons qu’il puisse voir le jour au plus vite, afin que les réformes qui s’imposent pour lutter contre le fléau que sont les violences faites aux femmes puissent être mises en oeuvre rapidement.
Nous voulons que le prochain PAN soit réaliste, contraignant et budgétisé. Et nous voulons qu’il puisse voir le jour au plus vite
En ratifiant la Convention d’Istanbul, la Belgique acceptait l’obligation de prendre “les mesures législatives et autres nécessaires pour adopter et mettre en œuvre des politiques nationales effectives, globales et coordonnées, incluant toutes les mesures pertinentes pour prévenir et combattre toutes les formes de violence… et offrir une réponse globale à la violence à l’égard des femmes”. Cette obligation ne disparaît pas quand le monde politique ne parvient pas à former un gouvernement. C’est pourquoi nous appelons à un rassemblement de toutes les bonnes volontés pour faire avancer les choses en l’absence de gouvernement fédéral de plein exercice. Pour que la Belgique se dote des mécanismes permettant enfin de protéger efficacement les femmes contre le viol et les violences sexuelles.