Rapport Annuel 2014/2015

RUSSIE

Fédération de Russie

Chef de l’État : Vladimir Poutine

Chef du gouvernement : Dmitri Medvedev

L’année a été marquée par une nette réduction de la possibilité d’exprimer des opinions dissidentes et par une dégradation du pluralisme dans les médias. Les restrictions apportées en 2012 aux droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association ont été méthodiquement appliquées, voire renforcées. Certaines ONG ont fait l’objet de harcèlement, de campagnes de dénigrement et de pressions destinées à les obliger à se déclarer comme « agents de l’étranger ». Plusieurs manifestants et militants de la société civile ont été condamnés à l’issue de procès non équitables et motivés par des considérations politiques. La torture et, plus généralement, les mauvais traitements étaient toujours utilisés en toute impunité. La situation dans le Caucase du Nord était toujours aussi instable et marquée par de multiples atteintes aux droits fondamentaux de la personne. Les victimes de ces atteintes ne disposaient pas de recours juridiques effectifs et les défenseurs des droits humains, ainsi que les journalistes et les avocats indépendants, continuaient d’œuvrer au péril de leur vie.

CONTEXTE

En février, la Russie a accueilli à Sotchi les Jeux olympiques d’hiver, qui ont rassemblé de nombreux participants et visiteurs. À la fin de l’année, elle se retrouvait de plus en plus isolée sur la scène internationale, du fait de l’annexion de la Crimée auparavant ukrainienne, en mars, et de son soutien aux séparatistes du Donbass, région située dans l’est de l’Ukraine.
Les autorités russes ont adopté face aux pays occidentaux et à l’Ukraine un discours de plus en plus hostile, qui a trouvé un large écho dans les grands médias nationaux contrôlés par l’État. Malgré des difficultés économiques croissantes et la réduction prévue des dépenses sociales (conséquences, du moins en partie, des sanctions imposées par les pays occidentaux et de la chute des prix du pétrole, premier produit d’exportation de la Russie), et malgré la corruption, le gouvernement russe a vu sa popularité se renforcer dans le pays, dans une large mesure sous l’effet de l’annexion extrêmement bien perçue de la Crimée (un territoire qui, au sein de l’Union soviétique, a dépendu de la Russie jusqu’en 1954).
Les combats en Ukraine se sont poursuivis à la suite d’un cessez-le-feu négocié en septembre par l’entremise de la Russie.
Cependant, leur intensité était moins forte. Le gouvernement russe a constamment nié que la Russie ait fourni aux séparatistes du Donbass du matériel militaire, des troupes et d’autres formes d’assistance, en dépit des éléments de plus en plus nombreux prouvant la véracité de ces informations. La législation russe est entrée en vigueur en Crimée occupée et les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association ont été sensiblement réduits en conséquence.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Presse et journalistes Le gouvernement a resserré son emprise sur les grands médias, dont le contenu est devenu nettement moins pluraliste. La plupart des organes de presse qui n’étaient théoriquement pas contrôlés par l’État pratiquaient de plus en plus l’autocensure et n’accordaient plus guère de place aux opinions qui pouvaient déplaire aux autorités. Les médias critiques à l’égard des autorités faisaient l’objet de pressions considérables, sous forme de mises en garde officielles, d’évictions de membres de l’équipe éditoriale ou d’interruptions de relations commerciales. Les médias publics, ainsi que les médias privés pro-gouvernementaux, ont été utilisés pour dénigrer les opposants politiques et les voix critiques, y compris certaines ONG indépendantes.
La chaîne Dojd TV a été interdite d’antenne par les diffuseurs du satellite et du câble fin janvier, parce qu’elle avait ouvert un débat prêtant à controverse sur le siège de Leningrad, pendant la Seconde Guerre mondiale. Le bail des studios qu’elle occupait n’a pas été renouvelé. Bien que des raisons d’ordre commercial aient été invoquées, ces décisions avaient manifestement été prises à la demande des autorités politiques. Dojd TV était connue pour ses émissions politiques d’un ton indépendant, donnant la parole à des personnes d’opinions opposées. Elle avait notamment proposé une couverture fort peu conventionnelle du mouvement de l’Euromaïdan, en Ukraine. Elle a été contrainte de se replier uniquement sur Internet, ne devant sa survie qu’à la pratique du financement participatif.
En mars, le propriétaire du site d’informations en ligne Lenta.ru a changé de rédactrice en chef après avoir reçu une mise en garde officielle, à la suite de la publication d’une interview d’un militant nationaliste ukrainien d’extrême droite qui s’était fait connaître lors des manifestations de l’Euromaïdan. De nombreux membres de la rédaction ont démissionné en signe de protestation et la ligne éditoriale du site, jusque-là indépendante, a sensiblement changé depuis.
Un contrôle renforcé est désormais exercé sur les activités en ligne. Une loi entrée en vigueur en février habilitait le parquet à donner l’ordre à Roskomnadzor, l’autorité de régulation des médias, de bloquer certains sites Internet sans autorisation judiciaire, en invoquant de présumées atteintes à la législation (comme par exemple le fait de publier des appels à participer à des rassemblements publics non autorisés).
En mars, trois sites d’information très fréquentés – Ejednevni Journal (ej.ru), Grani. ru et Kasparov.ru – ont été bloqués après s’être faits l’écho de la dispersion par les forces de sécurité de plusieurs manifestations spontanées et non violentes, à Moscou.
Le parquet a indiqué que la présentation complaisante des manifestations en question constituait de fait un appel à participer à d’autres « actions illégales ». Sa décision a été confirmée lors des différents recours introduits pour la faire annuler, et les sites concernés étaient toujours bloqués à la fin de l’année [1].
Plusieurs organes de presse indépendants ont reçu des avertissements officiels pour avoir publié ou diffusé des contenus « extrémistes » ou plus généralement illégaux.
La station de radio indépendante Echo Moskvy a été contrainte de retirer de son site Internet le texte d’un débat ayant eu lieu en studio le 29 octobre avec deux journalistes témoins des combats sur l’aéroport de Donetsk et qui avaient exprimé des opinions favorables à l’Ukraine. Selon Roskomnadzor, cette émission comportait des « informations tendant à justifier la perpétration de crimes de guerre ». L’animateur du débat visé, Alexandre Plioustchev, a été suspendu un peu plus tard pour une durée de deux mois en raison d’un tweet personnel jugé déplacé. Cette mesure était en fait le fruit d’un compromis conclu entre le rédacteur en chef de la radio, Alexeï Venediktov, et la direction de son principal actionnaire, la société Gazprom Media, qui voulait initialement licencier Alexandre Plioustchev et menaçait de démettre Alexeï Venediktov de ses fonctions.
Des journalistes ont cette année encore été victimes d’agressions. Plusieurs agressions ont ainsi été commises au mois d’août contre des journalistes qui travaillaient sur les funérailles organisées en secret de soldats russes apparemment tués en Ukraine.
Le 29 août, Lev Chlosberg, l’éditeur de Pskovskaïa Goubernia, le premier journal à avoir fait état de ces obsèques secrètes, a été roué de coups et a dû être hospitalisé pour des blessures à la tête. L’enquête n’a pas permis d’identifier ses trois agresseurs et elle a été suspendue à la fin de l’année.
Timour Kouachev, un journaliste de Kabardino-Balkarie qui travaillait en étroite collaboration avec les défenseurs des droits humains de la région, a été retrouvé mort le 1er août. Aucune explication n’a été donnée à ce décès, mais il aurait été provoqué par une injection mortelle. Les meurtres de plusieurs autres journalistes perpétrés ces dernières années dans le Caucase du Nord, et notamment de Natalia Estemirova, Hadjimourad Kamalov et Akhmednabi Akhmednabiev, n’ont pas donné lieu à des enquêtes véritablement approfondies et leurs assassins n’avaient toujours pas été identifiés.
En juin, cinq hommes ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour l’assassinat de la journaliste d’investigation Anna Politkovskaïa, tuée à Moscou en octobre 2006, mais les commanditaires n’avaient toujours pas identifiés.

MILITANTS

Les personnes et les groupes exprimant des opinions différentes de la ligne officielle continuaient également de se voir privés de leur liberté d’expression. Les minorités sexuelles faisaient partie des groupes visés, notamment depuis l’adoption en 2013 d’une loi fédérale interdisant la « propagande auprès de mineurs en faveur de relations sexuelles non conventionnelles ». Celles et ceux qui militaient pour les droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI) étaient régulièrement empêchés d’organiser des rassemblements pacifiques, y compris dans des lieux spécialement désignés en vue de la tenue de réunions publiques n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation préalable (le plus souvent certains parcs publics peu fréquentés). Le droit des militants LGBTI à se rassembler pacifiquement a été reconnu à trois reprises par des tribunaux statuant sur des manifestations qui avaient été interdites, mais ces jugements n’ont pas eu de conséquence sur les décisions prises par la suite.
La militante Elena Klimova, de Nijni Taguil, a été accusée en janvier de « propagande » en raison de son projet en ligne « Deti-404 » (également appelé « Children-404 »), destiné à venir en aide aux adolescents LGBTI [2].
Des poursuites ont été engagées contre elle, puis abandonnées, avant d’être relancées, menaçant la survie même de « Deti-404 ». Au mois d’avril, la projection à Moscou d’un film consacré à « Deti-404 » a été perturbée par des manifestants qui se sont introduits de force dans la salle, en scandant des slogans injurieux. Ils étaient accompagnés de policiers armés qui ont insisté pour contrôler l’identité de toutes les personnes présentes, afin de vérifier qu’aucune n’était mineure.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Il y a eu moins de manifestations cette année que les années précédentes, hormis en février et en mars, puis de nouveau en décembre, pour protester contre le procès des manifestants de la place Bolotnaïa, contre l’implication militaire de la Russie dans les événements en Ukraine, contre la réforme annoncée du système de santé et enfin contre la condamnation des frères Alexeï et Oleg Navalny.
La tenue de rassemblements publics restait soumise à une procédure d’autorisation contraignante. À de rares exceptions près, la plupart des manifestations ont été sévèrement restreintes, interdites ou dispersées. En juillet, les sanctions pour atteintes répétées à la Loi sur les réunions publiques ont été considérablement alourdies et les contrevenants présumés sont devenus passibles de poursuites au pénal et de peines d’emprisonnement [3].
Les autorités ont mené à son terme le procès des personnes poursuivies pour des faits liés à la manifestation de la place Bolotnaïa, qui avait eu lieu en mai 2012. Dix prévenus ont été condamnés à des peines allant de deux ans et demi à quatre ans et demi d’emprisonnement pour leur participation à cette manifestation qualifiée de « troubles de grande ampleur » et pour des actes de violence qui auraient été commis à cette occasion. Sergueï Oudaltsov et Leonid Razvozjaïev ont pour leur part été reconnus coupables d’avoir organisé ces prétendus « troubles de grande ampleur ».
Les 20 et 24 février, la police a violemment dispersé plusieurs centaines de manifestants pacifiques rassemblés devant le tribunal de Moscou où étaient jugés les accusés de la place Bolotnaïa, ainsi que plusieurs autres rassemblements qui s’étaient produits par la suite dans le centre de la capitale russe. Plus de 600 personnes ont été arbitrairement arrêtées. La plupart se sont vu infliger une amende. Au moins six d’entre elles ont été condamnées à des peines de cinq à 13 jours d’« arrestation administrative ».
Lors des semaines qui ont suivi, de nombreux manifestants non violents ont été interpellés, mis à l’amende et, dans certains cas, placés en détention pour leur participation à des actions de protestation contre l’engagement militaire russe en Ukraine et l’annexion de la Crimée. En revanche, des manifestations favorables à la politique du gouvernement envers l’Ukraine ont été autorisées au cœur des villes, dans des quartiers centraux où les opposants s’étaient fréquemment vu interdire de se réunir ou de défiler.
À Samara, plusieurs militants qui avaient mené le 2 mars une série d’actions individuelles (seule forme de protestation ne demandant pas d’autorisation préalable) ont reçu des menaces de mort anonymes [4].
En août, trois femmes ont été brièvement placées en détention dans un poste de police de Moscou pour s’être habillées en bleu et jaune, les couleurs du drapeau ukrainien.
Plusieurs épisodes analogues ont été signalés dans le pays.
En fin d’année, des manifestations de faible ampleur contre les coupes prévues dans les dépenses de santé se sont déroulées dans plusieurs villes sans que, la plupart du temps, les forces de sécurité s’y opposent. À Moscou, toutefois, quatre manifestants ont été condamnés à des peines allant de cinq à 15 jours de détention pour avoir causé une brève interruption de la circulation.
Plus de 200 personnes ont été arrêtées à Moscou le 30 décembre, lors de l’annonce, deux semaines plus tôt que prévu, du jugement rendu à l’égard du militant Alexeï Navalny et de son frère Oleg à l’issue d’un procès pénal à caractère politique, cette annonce ayant donné lieu à des manifestations spontanées. Deux de ces personnes ont été condamnées à 15 jours de détention. Soixante-sept autres ont passé la nuit derrière les barreaux, avant d’être libérées dans l’attente de leur procès, qui devait se tenir en janvier 2015.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Les militants de la société civile restaient exposés à des manœuvres de harcèlement et à des mises en cause publiques de leur intégrité, voire, dans certains cas, à des poursuites judiciaires.
Tout au long de l’année, des organisations indépendantes de la société civile ont été soumises à des pressions croissantes, en raison de la Loi dite « sur les agents de l’étranger ». Adoptée en 2012, cette loi contraint les ONG recevant des fonds de l’étranger et se livrant à des « activités politiques » (terme ouvert à des interprétations très larges) à se faire enregistrer comme « organisations exerçant les fonctions d’un agent de l’étranger », en indiquant cette « qualité » sur les documents qu’elles publient. En 2013 et 2014, des centaines d’ONG ont fait l’objet d’« inspections » officielles très inquisitrices et des dizaines d’entre elles se sont retrouvées empêtrées dans de longues procédures judiciaires pour tenter d’échapper à cette obligation. En mai, la loi a été modifiée pour permettre au ministère de la Justice d’enregistrer une ONG comme « agent de l’étranger » sans son consentement.
Cet organisme avait à la fin de l’année officiellement classé « agent de l’étranger » 29 ONG, dont plusieurs organisations de défense des droits humains de premier plan [5].
Harcelées au titre de la « Loi sur les agents de l’étranger », au moins cinq ONG ont préféré mettre fin à leurs activités.
Les membres de l’ONG Veille écologique pour le Caucase du Nord (Ekovakhta), qui dénonçaient les dommages infligés à l’environnement par les Jeux olympiques de Sotchi, ont subi de la part des organes de sécurité une véritable offensive de harcèlement dans la période qui a précédé les Jeux [6]. Deux d’entre eux, Evgueni Vitichko et Igor Khartchenko, se sont vu imputer des infractions de type administratif sur la base d’éléments fabriqués de toutes pièces et ont été arrêtés et maintenus en détention pendant l’ouverture des Jeux. Pendant cette détention, Evgueni Vitichko a été débouté de l’appel qu’il avait interjeté dans une autre affaire, pénale celle-là. Les faits qui lui étaient reprochés étaient largement exagérés et la procédure visait à réduire au silence ce militant et son ONG. Condamné à trois ans d’emprisonnement, il a été directement transféré dans une colonie pénitentiaire pour y purger sa peine [7]. Les activités d’Ekovakhta ont été suspendues par une décision de justice au mois de mars et l’ONG a été dissoute par une autre décision intervenue en novembre, pour un manquement mineur à la réglementation.
Le ministère de la Justice a demandé aux tribunaux de faire fermer le centre russe Memorial, sous prétexte que l’organisation aurait mal rempli un formulaire lors de son enregistrement. L’audience prévue a été différée, pour permettre à l’ONG de remédier au problème.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Des allégations de torture et d’autres mauvais traitements venant des quatre coins du pays ont cette année encore été enregistrées.
Ceux qui tentaient d’obtenir des réparations de tels actes subissaient bien souvent des pressions visant à leur faire retirer leur plainte. Les enquêtes dans ce genre d’affaires ne donnaient presque jamais de résultat.
Les « aveux » obtenus sous la torture étaient considérés comme recevables par les tribunaux. Seules quelques affaires, dans lesquelles des ONG de défense des droits humains étaient généralement impliquées, ont donné lieu à des poursuites contre des responsables de l’application des lois.
Les membres d’une commission de surveillance publique indépendante ont recueilli à plusieurs reprises des éléments d’où il ressortait que des détenus de la colonie pénitentiaire et du centre de détention provisoire IK-5, dans la région de Sverdlovsk, avaient subi des mauvais traitements pouvant aller jusqu’à la torture. Ils ont demandé en juillet aux autorités d’enquêter sur des allégations selon lesquelles E.G., détenu dans ce centre dans l’attente de son procès, aurait été torturé, produisant à l’appui de leur requête des photos des lésions présentées par cette personne. Un représentant du parquet leur a répondu par courrier qu’il apparaissait, après enquête auprès du personnel de l’IK-5 et examen des archives de l’établissement, que E.G. n’avait fait l’objet d’aucune violence lors de son séjour dans celui-ci et que les lésions qu’il présentait étaient antérieures à son arrivée. Aucune autre enquête n’a été menée.

CAUCASE DU NORD

La situation dans le Caucase du Nord restait très instable. Des groupes armés s’en prenaient de façon sporadique aux forces de sécurité locales. Les nombreux accrochages signalés auraient coûté la vie à plus de 200 personnes, dont plusieurs dizaines de civils. Les opérations de sécurité menées au Daghestan, en Kabardino-Balkarie, en Tchétchénie et ailleurs ont été marquées par de graves violations des droits humains - on peut citer des détentions illégales, actes de torture et autres mauvais traitements, disparitions forcées présumées et exécutions extrajudiciaires.
Le 4 décembre, des combattants armés ont attaqué des bâtiments officiels à Grozny, la capitale de la Tchétchénie, tuant au moins un civil et 14 policiers. Le lendemain, Ramzan Kadyrov, président de la république de Tchétchénie, a juré en public de bannir de Tchétchénie les proches des membres de ce groupe armé et de démolir leurs maisons. Au moins 15 maisons, qui abritaient des dizaines de personnes, dont de très jeunes enfants, ont été détruites par le feu ou démolies [8].
Lors d’une conférence de presse qui se tenait à Moscou, le 11 décembre, des œufs ont été jetés sur les défenseurs des droits humains qui condamnaient cette pratique et demandaient une enquête. Ramzan Kadyrov a accusé sur les réseaux sociaux Igor Kaliapine, leader du Groupe commun mobile pour la Tchétchénie, de soutenir les terroristes. Le bureau de cette organisation à Grozny a été détruit le 14 décembre par un incendie manifestement criminel. Ses deux permanents ont été fouillés et retenus pendant plusieurs heures par la police sans explication. Leurs téléphones, appareils photo et ordinateurs leur ont été confisqués.
Les victimes d’atteintes aux droits humains n’avaient pour ainsi dire aucun recours, le système judiciaire restant inopérant et soumis à des pressions politiques exercées depuis les plus hautes sphères du pouvoir, le plus souvent en sous-main. Ramzan Kadyrov n’hésitait pas, cependant, à réprimander ouvertement les magistrats et les jurés de Tchétchénie ayant rendu des décisions trop clémentes à son goût.
La dénonciation des atteintes aux droits humains restait un exercice difficile et souvent dangereux. Nombre d’atteintes n’étaient vraisemblablement pas signalées. Les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants et les avocats qui travaillaient sur des affaires concernant des atteintes aux droits fondamentaux étaient en butte à des menaces et à des actes de harcèlement de la part des responsables de l’application des lois, ainsi que d’individus non identifiés.
Arrêté en février pour détention d’héroïne, sur la base d’éléments forgés de toutes pièces, le militant de la société civile Rouslan Koutaev a affirmé avoir été torturé, notamment à l’électricité, et roué de coups. Des observateurs indépendants ont pu rendre compte avec précision des lésions qu’il portait sur le corps [9]. Or, les services chargés de l’enquête ont accepté l’explication donnée par ses tortionnaires présumés, selon lesquels Rouslan Koutaev s’était blessé en tombant, et ont refusé de pousser plus loin les investigations. Rouslan Koutaev a été condamné en juillet à Ourous-Martan (Tchétchénie) à quatre ans d’emprisonnement, après un procès non équitable. Sa peine a été réduite de deux mois en appel, au mois d’octobre.
Violemment agressée par la police en 2010 dans un poste de police où elle était venue rendre visite à une cliente qui s’y trouvait détenue, l’avocate daghestanaise Sapiat Magomedova continuait de recevoir des menaces de mort anonymes, ainsi que des avertissements plus ou moins voilés de la part d’autorités chargées de l’enquête. Aucune des plaintes qu’elle avait déposées n’avait donné lieu à une véritable enquête. Elle restait préoccupée pour sa sécurité, ainsi que pour celle de ses collaborateurs et de sa famille, mais refusait de renoncer à son travail [10]. L’enquête sur les violences dont elle a été victime en 2010 aux mains de la police a été officiellement rouverte, mais les autorités n’ont donné aucun signe indiquant que celle-ci progressait ni qu’elles avaient réellement l’intention de poursuivre les agresseurs en justice

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