Les Roms et les Égyptiens se voyaient refuser l’accès à un logement décent et étaient victimes d’expulsions forcées. La pauvreté a poussé plusieurs milliers d’Albanais à solliciter l’asile dans l’Union européenne. La protection contre la violence domestique demeurait insuffisante.
CONTEXTE
En novembre, la Commission européenne a demandé à l’Albanie de protéger les droits fondamentaux, de réformer son système judiciaire et de combattre la corruption et la criminalité organisée, conditions préalables à l’ouverture de négociations d’adhésion du pays à l’Union européenne (UE). Une commission parlementaire a fait état en juin d’une corruption généralisée dans les forces de police, le ministère public et la magistrature. En décembre, quelque 50 000 personnes sont descendues dans la rue à l’appel de l’opposition pour dénoncer la corruption des pouvoirs publics et l’accroissement de la pauvreté. Une loi adoptée en mai a donné aux personnes ayant fait l’objet d’une surveillance de la part du service de sécurité du régime communiste (la Sigurimi) la possibilité de consulter leur dossier.
DISPARITIONS FORCÉES
Les autorités n’ont pas progressé dans leurs démarches en vue de traduire en justice les responsables présumés de la disparition forcée, en 1995, de Remzi Hoxha, un membre de la communauté albanaise de Macédoine, et d’établir l’endroit où se trouve sa dépouille. L’ancien agent du service de sécurité de l’État Ilir Kumbaro, condamné en 2012 pour avoir torturé à mort Remzi Hoxha, était toujours en fuite. Il ne s’était pas présenté à une audience concernant sa procédure d’extradition au Royaume-Uni. Un bureau des personnes portées disparues, chargé de localiser les dépouilles des Albanais victimes d’une disparition forcée sous le régime communiste (1944-1991), a été créé en mars.
LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION
La pratique de l’autocensure, les pressions exercées par l’État sur les organes de presse et les menaces visant les journalistes mettaient en péril l’indépendance des médias. La journaliste Aurora Koromani s’est vu accorder une protection policière après avoir reçu des menaces émanant, semble-t-il, du groupe armé État islamique (EI), à la suite de ses investigations sur les filières de recrutement de l’EI en Albanie. Plusieurs journalistes ont sollicité l’asile dans l’UE et en Norvège, au motif que les autorités étaient incapables de les protéger. Le militant de la société civile Nderim Lushi a été condamné en décembre pour organisation d’un rassemblement illégal et incitation à la violence « contre l’ordre constitutionnel » à la suite d’une manifestation pacifique tenue en mai à Kukës. Les contestataires demandaient au gouvernement d’annuler les dettes en matière d’électricité et encourageaient les Albanais à ne pas quitter le pays. La police avait fait usage d’une force excessive à leur encontre.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES
Selon les chiffres de la police nationale, 1 696 cas de violence familiale ont été signalés au cours des six premiers mois de l’année, donnant lieu à 993 demandes de mesures de protection. Sur les 406 demandes déposées auprès de tribunaux de la capitale, Tirana, entre les mois de janvier et d’août, seules 118 ont reçu une réponse favorable. À la suite de pressions de l’auteur des violences ou de membres de leur famille, 251 personnes ont retiré leur demande ou ne se sont pas présentées au tribunal. À Tirana, les personnes poursuivies pour violence familiale ont été condamnées dans 185 affaires sur 190 entre les mois de janvier et de juin. Elles avaient, pour la plupart, plaidé coupable.
DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT
De nombreux Roms et « Égyptiens », ainsi que des jeunes quittant le système public de prise en charge, n’atteignaient pas le seuil de revenus nécessaire pour bénéficier d’un logement social. Beaucoup de Roms n’ont pas réussi à faire légaliser leur logement au regard de la loi de 2014 relative à la légalisation des biens immobiliers, qui autorisait la démolition des « constructions illégales ». Soixante-dix maisons, où vivaient essentiellement des familles roms, ont été détruites à Selita (Tirana) en juillet, lors d’une expulsion forcée organisée pour des travaux de construction d’une route.
IMPUNITÉ
En juin, le ministère public a estimé que le refus par l’ancien directeur de la police nationale Hysni Burgaj et son adjoint Agron Kuliçaj d’exécuter les mandats d’arrêt décernés à l’encontre de membres de la Garde républicaine, soupçonnés d’avoir abattu quatre contestataires lors d’une manifestation antigouvernementale en janvier 2011, ne constituait pas une infraction pénale. Plusieurs condamnations ont été prononcées pour la mort de trois des manifestants, mais l’impunité persistait dans l’affaire concernant le quatrième, Aleks Nika.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Les suspects étaient très fréquemment victimes de mauvais traitements dans les postes de police. Les policiers et le personnel médical ne signalaient pas ces faits, alors qu’ils étaient tenus de le faire. Le médiateur a dénoncé en juillet la surpopulation chronique, l’insuffisance des soins médicaux et les mauvaises conditions qui régnaient dans les lieux de détention.
Les migrants et les réfugiés
En 2015, plusieurs dizaines de milliers d’Albanais ont sollicité l’asile dans un État membre de l’UE ; 54 762 ont déposé leur demande en Allemagne, qui en a rejeté 99 %. Des milliers de personnes ont été renvoyées en Albanie par l’Allemagne et la Suède.