Le droit à la liberté d’expression n’était toujours pas respecté. Les juifs et les Roms continuaient de se heurter à des discriminations. Les victimes et proches de victimes de crimes commis par le passé n’avaient toujours qu’un accès limité à la justice et à de véritables réparations, en raison d’un manque de volonté politique pour agir au niveau de tout le territoire, en dégageant les moyens nécessaires.
CONTEXTE
Le Conseil des ministres de Bosnie- Herzégovine et le gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine (l’une des entités constitutives du pays) ont été formés fin mars, cinq mois après les élections législatives de 2014. L’Accord de stabilisation et d’association conclu entre l’Union européenne (UE) et la Bosnie-Herzégovine est entré en vigueur le 1er juin.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
L’Assemblée nationale de la Republika Srpska a adopté en février une Loi sur l’ordre public qui inclue Internet et les réseaux sociaux dans sa définition de la « sphère publique ». Plusieurs ONG et le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias se sont inquiétés de la possibilité ainsi ouverte d’engager des poursuites contre des personnes pour atteinte à l’ordre public en raison de leurs activités en ligne.
Des journalistes ont cette année encore fait l’objet de menaces et d’agressions. En octobre, la voiture d’un journaliste travaillant pour une station de radio locale a été incendiée. Les attaques électroniques ciblées contre des sites d’information se sont poursuivies. Au cours des 10 dernières années, seules 15 % des affaires concernant des agressions contre des journalistes et portées devant les tribunaux ont été résolues.
DISCRIMINATION
L’arrêt rendu en 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sejdi ?-Finci c. Bosnie-Herzégovine, qui concluait que les dispositions sur le partage du pouvoir énoncées dans la Constitution étaient discriminatoires, est resté lettre morte. Aux termes de ces dispositions, les citoyens – juifs et roms notamment – qui ne se déclarent pas comme appartenant à l’un des trois peuples constitutifs du pays (Bosniaques, Serbes et Croates) ne peuvent pas se présenter aux élections pour exercer un mandat législatif ou exécutif. L’application de cet arrêt constituait une condition préalable à la signature de l’Accord de stabilisation et d’association. Cette condition a toutefois été abandonnée en juin, ce qui laissait peu d’espoir de voir un jour la décision de la Cour européenne s’appliquer.
CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL
Le procès de l’ancien général Ratko Mladi ?, inculpé de génocide, de crimes contre l’humanité et de violations des lois et coutumes de la guerre, commis notamment à Srebrenica, s’est poursuivi devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Concernant le procès de l’ancien dirigeant bosno-serbe Radovan Karadzi ?, le tribunal n’avait toujours pas rendu son verdict à la fin de l’année.
L’Assemblée parlementaire de Bosnie- Herzégovine a adopté en mai une série d’amendements au Code pénal. Ceux-ci font de la disparition forcée une infraction à part entière et donnent une définition plus précise de la torture. Ils mettent en outre la définition de la violence sexuelle en tant que crime de guerre en conformité avec les normes internationales, en supprimant la nécessité de prouver le recours à la force pour que le crime soit établi. Les tribunaux des entités, ainsi que ceux du district de Br ?ko, ont toutefois continué d’appliquer l’ancien Code pénal, ce qui empêchait les poursuites engagées devant ces juridictions pour ce type d’infractions d’aboutir. Or, de plus en plus d’affaires leur étaient désormais confiées.
La législation ne permettait toujours pas aux victimes d’obtenir de véritables réparations. Ainsi, il n’existait pas, notamment, de programme global en faveur des victimes de crimes de droit international, ni de services d’aide juridique gratuite pour les victimes de torture et les victimes civiles de la guerre. L’harmonisation des lois des différentes entités concernant les droits des victimes civiles du conflit n’avait toujours pas été menée à terme.
Sur les plus de 500 personnes inculpées de crimes de guerre depuis 10 ans, environ la moitié l’ont été au cours des deux dernières années. Cette accélération notable a cependant été stoppée par la décision de l’Union européenne (UE) de ne plus prendre en charge les coûts de fonctionnement des services et des tribunaux chargés de juger les crimes de guerre, jusqu’à l’adoption, au mois de septembre, de la nouvelle Stratégie de réforme du secteur judiciaire pour 2014-2018. Le processus avait été retardé par le refus de la Republika Srpska d’apporter son soutien à cette stratégie, contrairement aux deux autres entités constitutives du pays. En décembre, la Republika Srpska a annoncé sa décision de suspendre sa coopération avec la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine, restreignant les possibilités d’enquêtes efficaces et de poursuites contre les responsables présumés de crimes de guerre susceptibles de se cacher sur son territoire1. Aucun accord n’avait été trouvé à la fin de l’année sur un plan d’action commun de mise en œuvre de cette stratégie.
Pour la première fois, en juin, un tribunal bosnien a accordé une indemnisation financière à une victime de viol commis en temps de guerre, condamnant les auteurs du crime, deux anciens soldats bosno-serbes, à 10 ans d’emprisonnement. Les victimes étaient auparavant contraintes d’engager des procédures civiles pour demander des réparations, ce qui les obligeait à révéler leur identité.
En novembre, les chefs de gouvernement serbe et bosnien ont signé un protocole de coopération sur la recherche des personnes portées disparues, dont le nombre s’élevait à plus de 8 000 en Bosnie-Herzégovine depuis la guerre.
1.Bosnie-Herzégovine. 20 ans de déni et d’injustice (nouvelle, 14 décembre)