Rapport Annuel 2016

Grèce

République hellénique
Chef de l’État : Prokopis Pavlopoulos (a remplacé Karolos Papoulias en mars)
Chef du gouvernement : Alexis Tsípras (a remplacé en septembre Vassiliki Thanou Christophilou, Premier ministre par intérim depuis la démission d’Alexis Tsípras en août)

Le système de premier accueil, déjà largement inefficace, a été totalement submergé par l’augmentation spectaculaire des arrivées de demandeurs d’asile et de migrants en situation irrégulière sur les îles de la mer Égée. Les expulsions collectives se sont poursuivies à la frontière gréco- turque. De nouveaux cas de torture et autres mauvais traitements, ainsi que de recours excessif à la force par la police, ont été signalés. Une loi étendant l’union civile aux couples de même sexe a été adoptée à la fin de l’année.

CONTEXTE

Fin juin, le gouvernement a imposé aux banques un contrôle des mouvements de capitaux. Lors d’un référendum organisé en juillet, 61,3 % des électeurs ont dit non au plan de sauvetage drastique proposé par les créanciers de la Grèce. Quelque temps plus tard, après plusieurs mois d’intenses négociations, le gouvernement s’est mis d’accord sur un nouveau plan de sauvetage avec les institutions européennes et le Fonds monétaire international.
En octobre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] s’est déclaré préoccupé par les graves conséquences de la crise financière sur les droits au travail, à la sécurité sociale et à la santé, en particulier pour certains groupes défavorisés.
Le procès de 69 membres et sympathisants du parti Aube dorée, dont son dirigeant et ses députés, s’est ouvert en avril. Les prévenus étaient poursuivis pour direction d’une organisation criminelle et participation à une telle organisation, ainsi que pour d’autres infractions, telles que de nombreuses agressions racistes et le meurtre du chanteur antifasciste Pavlos Fyssas en 2013. En septembre, le dirigeant d’Aube dorée, Nikos Mihaloliakos, a reconnu lors d’une interview que sa formation avait une responsabilité politique dans ce meurtre. Le même mois, le parti est arrivé en troisième position aux élections législatives, remportant 18 sièges.

RÉFUGIÉS, DEMANDEURS D’ASILE ET MIGRANTS

Au moins 851 319 réfugiés, demandeurs d’asile et migrants ont traversé la Méditerranée et sont arrivés sur les îles de la mer Égée durant l’année. Pendant la même période, au moins 612 personnes, dont de nombreux enfants, ont trouvé la mort ou ont été portées disparues après le naufrage de leur embarcation en tentant cette traversée.
Cette année encore, la police a procédé à des expulsions collectives à la frontière gréco- turque ; plusieurs réfugiés et demandeurs d’asile ont raconté avoir été victimes de renvois forcés illégaux (push-backs) accompagnés de violences. Les renvois forcés illégaux en pleine mer se sont également poursuivis. Des informations ont fait état de 11 renvois de ce type survenus aux frontières terrestres et maritimes entre la Grèce et la Turquie entre novembre 2014 et fin août 2015. En octobre, le procureur de la cour d’appel de Thessalonique a ordonné à la Direction des affaires internes de la police d’ouvrir une enquête pénale sur une série d’expulsions collectives de réfugiés et de migrants par la police dans l’Évros, dénoncées par des ONG.
De nouvelles dispositions définissant les conditions d’attribution de la nationalité grecque aux enfants de migrants ont été adoptées en juillet (Loi 4332/2015).

Conditions d’accueil
Le système de premier accueil, déjà peu efficace, s’est révélé incapable de faire face à l’augmentation spectaculaire du nombre de réfugiés et de migrants arrivant sur les îles de la mer Égée. La crise humanitaire sur ces îles était exacerbée par une mauvaise planification, une utilisation inefficace des fonds européens et la grave crise financière qui frappait le pays. Des ONG, militants et bénévoles locaux, ainsi que le Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), s’efforçaient de combler les immenses lacunes dans l’aide humanitaire aux réfugiés1.
Les conditions d’accueil sur certaines îles, telles que Lesbos et Kos, étaient inhumaines. Ces îles manquaient notamment de policiers et de gardes-côtes, de tentes et de nourriture, et les conditions d’hygiène y étaient déplorables. La plupart des nouveaux arrivants ne bénéficiaient pas de services de premier accueil.
Mi-octobre, les autorités grecques ont mis en place un programme pilote de filtrage des arrivants par l’agence européenne chargée des frontières et la police grecque. Ce « hotspot » a été installé dans le centre de détention pour migrants de Moria, sur l’île de Lesbos. Cependant, les conditions d’accueil dans ce centre demeuraient rudes2.
Athènes, la capitale, manquait cruellement d’infrastructures et de solutions d’hébergement pour les réfugiés et les migrants. Des centaines de personnes, dont des familles, étaient contraintes de vivre et de dormir pendant plusieurs jours dans les parcs de la ville. En août, les autorités ont ouvert un centre d’accueil dans le quartier d’Elaionas, à Athènes, afin d’y héberger provisoirement les nouveaux arrivants. Trois stades situés dans l’Attique ont également été utilisés à certaines périodes pour y abriter temporairement des réfugiés et des migrants.
En novembre et en décembre, les conditions d’accueil du camp informel de réfugiés d’Idomeni se sont sérieusement dégradées après la mise en place par les autorités macédoniennes de contrôles à la frontière à l’issue desquels les réfugiés et migrants de certaines nationalités seulement étaient autorisés à entrer sur le territoire3. Le camp a été évacué à l’issue d’une opération de police à la mi-décembre. Les personnes qui n’avaient pas été autorisées à passer la frontière ont été transférées en bus vers Athènes, où on leur a proposé un hébergement temporaire dans un stade.


Détention de demandeurs d’asile et de migrants

En février, les ministres de la Politique migratoire et de la Protection des citoyens ont pris des mesures visant à réformer la politique de détention systématique et prolongée des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière. Les autorités ont en particulier cessé de recourir à la détention pour une durée illimitée – une pratique très décriée – et ont remis en liberté de nombreux demandeurs d’asile et migrants en situation irrégulière détenus depuis plus de six mois.
Les mineurs non accompagnés étaient souvent détenus avec des adultes et pouvaient rester privés de liberté pendant plusieurs semaines, dans des conditions déplorables. Les conditions dans les espaces réservés à la détention des migrants, notamment dans les postes de police, s’apparentaient souvent à une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. À la fin de l’année, les ressortissants des pays du Maghreb ont commencé à être placés en détention au titre des dispositions sur l’immigration.
Qu’elles soient placées en détention ou non, les personnes en quête d’asile se heurtaient toujours à des obstacles pour avoir accès à la procédure.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Cette année encore, des cas de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés, notamment contre des réfugiés et des migrants dans les lieux de détention ou lors d’opérations de renvois forcés.
En septembre, des avocats ont indiqué que neuf personnes, dont des enfants, avaient été maltraitées par des policiers de l’unité spéciale DELTA après leur arrestation dans le quartier d’Exarcheia, à Athènes. Une enquête pénale a été ouverte par la Direction des affaires internes de la police.
Le tribunal à jury mixte d’Athènes a condamné en avril deux policiers pour des actes de torture commis en mars 2007 sur la personne de Christos Chronopoulos, un homme souffrant d’un handicap mental. Les deux policiers ont été condamnés à huit ans d’emprisonnement, mais ont obtenu un sursis en appel.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Cette année encore, des cas de recours excessif à la force par la police ont été signalés. En août, plus de 2 000 réfugiés et migrants ont été enfermés dans le stade de Kos, dans des conditions inhumaines. Selon certaines informations, la police n’aurait pas réussi à gérer la foule et l’aurait dispersée en l’aspergeant avec des extincteurs. Sur l’île de Lesbos, à plusieurs reprises entre août et octobre, les policiers antiémeutes auraient utilisé des gaz lacrymogènes et frappé des réfugiés et des migrants qui attendaient leur tour au point de filtrage du centre de détention de Moria, ainsi que d’autres qui se faisaient enregistrer dans le port de Mytilène.

DISCRIMINATION

Crimes de haine
Cette année encore, des agressions racistes visant des réfugiés et des migrants ont été recensées. En juillet, la cour d’appel du Pirée a reconnu le propriétaire d’une boulangerie coupable d’avoir, en 2012, enlevé un travailleur migrant égyptien, Walid Taleb, et de l’avoir grièvement blessé et dépouillé de ses biens. Elle a prononcé une peine de 13 ans et deux mois d’emprisonnement. Reconnus coupables de complicité, trois autres hommes ont été condamnés à des peines de prison, avant d’obtenir un sursis en appel.
Le 3 septembre, entre 15 et 25 hommes, semble-t-il membres d’Aube dorée, ont agressé des réfugiés sur l’île de Kos et ont menacé des militants. La police n’a rien fait pour empêcher cette attaque, et les policiers antiémeutes ne sont intervenus que quand les agresseurs ont commencé à s’en prendre physiquement à leurs victimes.
En 2015, l’ONG Colour Youth a enregistré dans le cadre de son projet « Dis nous ! » 73 agressions motivées par la haine visant des membres de la communauté LGBTI, contre 22 pour toute l’année 2014. Deux hommes ont été condamnés le 24 septembre à 19 mois d’emprisonnement pour avoir agressé une femme transgenre dans un bar de Thessalonique le 19 septembre.
À la fin de l’année, l’enquête sur l’agression homophobe et raciste perpétrée en août 2014 contre un Grec, Costas, et son compagnon n’avait guère progressé. Les auteurs n’avaient toujours pas été retrouvés ni même identifiés.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

Le Parlement a adopté le 22 décembre une loi étendant l’union civile aux couples de même sexe. Elle donne aux couples de même sexe le bénéfice de certains droits octroyés aux couples mariés, dont le droit de décision dans les situations médicales d’urgence et les droits en matière de succession, mais pas le droit à l’adoption ni le droit pour les personnes transgenres de faire reconnaître leur identité de genre à l’état civil.

Les Roms
Les enfants roms étaient confrontés à la ségrégation ou à l’exclusion du système scolaire dans de nombreuses parties du pays, notamment dans les villes d’Asprópyrgos, de Sofades et de Kardítsa. Malgré l’arrêt rendu en 2013 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Lavida et autres c. Grèce, les enfants roms restaient scolarisés dans une école spéciale à Sofades, une ville du centre du pays.
En avril, le rapporteur spécial des Nations unies sur le racisme s’est inquiété des conditions de vie dans un camp de roms à Spata, une ville proche d’Athènes, dénonçant notamment l’absence d’électricité et ses implications pour l’éducation et la santé des enfants roms.

DROITS DES FEMMES

En octobre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a exprimé une nouvelle fois sa préoccupation quant au nombre élevé de cas de violence domestique et au faible taux de poursuites, ainsi qu’à la sous-représentation des femmes dans la vie politique et publique.

OBJECTEURS DE CONSCIENCE

Le service civil de remplacement conservait un caractère punitif et discriminatoire. Les objecteurs de conscience qui refusaient d’effectuer un service civil de remplacement continuaient de s’exposer à des poursuites devant un tribunal militaire pour insubordination ; ils encouraient deux ans d’emprisonnement et de fortes amendes.

1.La crise humanitaire s’intensifie face à un système de soutien aux réfugiés arrivé à son point de rupture (communiqué de presse,
25 juin)
2.Grèce. Les réfugiés sont confrontés à des conditions très difficiles sur les îles grecques (EUR 25/2798/2015)
3.Peur et barbelés. La stratégie de l’Europe pour tenir les réfugiés à distance (EUR 03/2544/2015)

Toutes les infos

L’avortement est un droit. Parlementaires, changez la loi !

L’avortement est un droit humain et un soin de santé essentiel pour toute personne pouvant être enceinte. Ceci sonne comme une évidence ? Et bien, ce n’est pourtant pas encore une réalité en (…)

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit