Les pouvoirs publics n’ont pas pris les mesures nécessaires pour accompagner les milliers de personnes réfugiées, demandeuses d’asile et migrantes bloquées dans le pays. La Cour constitutionnelle a estimé que les restrictions de déplacement imposées aux personnes âgées et aux enfants en raison de la pandémie de COVID-19 étaient disproportionnées. Les mesures prises au titre de l’état d’urgence ont restreint davantage encore les droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression. Des données personnelles de patient·e·s atteints de COVID-19 ont été illégalement divulguées, en violation du droit au respect de la vie privée. Les poursuites engagées contre des auteurs présumés de crimes de guerre ont encore été reportées.
Personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes
La Bosnie-Herzégovine n’a pas fourni d’accès effectif à l’asile ni de conditions d’accueil décentes aux milliers de personnes migrantes et demandeuses d’asile qui ont transité par le pays pour rejoindre l’Union européenne. En dépit d’une diminution du nombre de personnes en transit en mars et en avril en raison des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19, près de 10 000 personnes étaient toujours bloquées dans le pays à la fin de l’année, la plupart dans le canton d’Una-Sana, à la frontière avec la Croatie.
Le système d’asile demeurait largement inefficace à cause de lacunes institutionnelles persistantes, en particulier le manque de moyens du ministère de la Sécurité, ce qui a entraîné une accumulation importante de dossiers en souffrance et de personnes qui attendaient l’enregistrement de leur demande.
En raison de l’inaction politique du Conseil des ministres et de la réticence des pouvoirs publics à coopérer à tous les échelons, les autorités ont manqué à leur devoir de trouver des hébergements convenables supplémentaires. En outre, le transfert aux autorités de Bosnie-Herzégovine de la gestion des centres d’accueil existants, jusqu’alors assurée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), n’a pas pu avoir lieu.
En août, invoquant le manque de soutien de la part du gouvernement national, les autorités du canton d’Una-Sana ont interdit les nouvelles arrivées sur leur territoire et ont imposé des mesures strictes ciblant les personnes migrantes et demandeuses d’asile qui ne vivaient pas dans les centres d’accueil officiels. Ces mesures comprenaient des restrictions drastiques du droit de circuler librement, une interdiction de se rassembler dans les lieux publics et de prendre les transports en commun, ainsi que l’interdiction de louer un logement à des migrant·e·s [1] .
En septembre, les autorités du canton d’Una-Sana ont expulsé de force des habitant·e·s du centre d’accueil officiel géré par l’OIM à Bihac, laissant près de 400 personnes sans abri ni assistance, alors que les conditions climatiques se dégradaient [2] . À la fin du mois de décembre, environ 900 personnes migrantes ou demandeuses d’asile étaient toujours bloquées dans des conditions inhumaines, privées d’accès à la nourriture, à l’eau et à l’électricité, dans le camp provisoire de Lipa, du fait que les autorités ne s’étaient pas accordées sur le transfert de ces personnes au sein d’infrastructures plus adaptées dans d’autres régions du pays. La Commission européenne a fermement condamné ces actes, soulignant qu’ils portaient atteinte à l’état de droit et mettaient des vies en danger.
À la fin de l’année, environ 3 000 personnes demandeuses d’asile et migrantes vivaient dans des squats, des maisons abandonnées et des forêts dans tout le canton d’Una-Sana.
Droit de circuler librement
En application des mesures d’urgence prises en mars contre la pandémie de COVID-19, les pouvoirs publics ont imposé un couvre-feu général 24 heures sur 24 aux enfants et aux personnes de plus de 65 ans. Ce couvre-feu a été assoupli au bout de plusieurs semaines, mais plus de 300 personnes accusées de ne pas avoir respecté les règles ont reçu des amendes dont le montant pouvait dépasser celui de la retraite mensuelle moyenne. En avril, la Cour constitutionnelle a jugé que ces mesures étaient disproportionnées et enfreignaient le droit de circuler librement consacré par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme.
Liberté d’expression
L’Association des journalistes de Bosnie-Herzégovine a recensé près de 30 cas de graves violations de la liberté de la presse, notamment des agressions physiques et des menaces de mort contre des journalistes et d’autres professionnel·le·s des médias.
Des journalistes et d’autres personnes qui avaient critiqué les dispositions prises par le gouvernement contre la pandémie de COVID-19 ont fait l’objet de réactions hostiles et de censure. Dans plusieurs cantons, des journalistes indépendants se sont vu refuser l’accès à des conférences de presse du gouvernement sur la crise sanitaire. En mars, le gouvernement de la Republika Srpska a pris un décret interdisant l’« incitation à la panique et au désordre », qui prévoyait de lourdes amendes en cas d’infraction. Au moins 18 personnes ont été inculpées en application de ce décret avant son abrogation fin avril, dont une femme médecin qui s’était inquiétée sur les réseaux sociaux du manque d’équipements et de moyens dans les hôpitaux locaux. Les autorités de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ont activement surveillé des comptes privés sur les réseaux sociaux et ont engagé des poursuites pénales contre au moins cinq personnes pour « diffusion de fausses informations et incitation à la panique » en mars. À la fin de l’année, aucune information crédible ne permettait de savoir si certaines de ces poursuites avaient été abandonnées. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a attiré l’attention sur le fait que ces mesures limitaient le droit à la liberté d’expression.
Liberté de réunion
D’après la Commission européenne, les lois réglementant les rassemblements étaient contraires au droit international, car elles restreignaient fortement l’accès aux lieux publics pour y manifester et faisaient peser une charge disproportionnée sur les personnes qui organisaient ces rassemblements, qui devaient couvrir les frais relatifs à la sécurité renforcée et aux mesures d’urgence.
Droit au respect de la vie privée
En mars, les autorités de plusieurs régions du pays ont invoqué des raisons de santé publique pour justifier la divulgation d’informations personnelles relatives à des personnes, mineures dans certains cas, qui avaient été déclarées positives au coronavirus ou qui avaient reçu l’ordre de s’isoler. L’Agence de protection des données de Bosnie-Herzégovine a affirmé que cela allait à l’encontre de la législation nationale sur la protection des données et a interdit toute nouvelle divulgation publique de données personnelles par les autorités.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
En septembre, le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine a adopté une version révisée de la Stratégie relative aux crimes de guerre, différée depuis longtemps, qui fixait de nouvelles échéances pour le traitement des affaires en souffrance. À la fin de l’année 2020, plus de 600 affaires étaient en instance devant différents tribunaux de Bosnie-Herzégovine.
Les poursuites relatives aux crimes de guerre étaient toujours retardées en raison de déficiences systémiques du ministère public.
En mars, une victime de viol commis pendant la guerre à Novi Travnik a reçu, pour la première fois dans le cadre de telles procédures pénales, une indemnisation financière.
En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a statué sur un cas de viol commis pendant la guerre, jugeant que la Bosnie-Herzégovine n’avait pas diligenté d’enquête impartiale et efficace ni offert de réparations adéquates à la victime. Le Comité a demandé à la Bosnie-Herzégovine d’apporter un soutien total et immédiat aux victimes de violence sexuelle pendant la guerre.
En juillet, le pays a célébré le 25e anniversaire du génocide de Srebrenica, lors duquel plus de 8 000 hommes et garçons musulmans de Bosnie avaient été tués. Les personnes ayant survécu se heurtaient toujours à des obstacles insurmontables pour obtenir la justice, la vérité et des réparations [3] .
Plus de 7 200 personnes étaient toujours portées disparues depuis le conflit armé. Les pressions politiques et le manque de ressources ont cette année encore gêné le travail de l’Institut national des personnes disparues de Bosnie-Herzégovine.