La liberté des médias et la liberté d’association se sont encore réduites, les autorités s’en prenant aux personnes qui les critiquaient et aux journalistes, et réprimant les manifestations antigouvernementales. Des communautés roms ont été soumises à des mesures obligatoires de confinement dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et leurs déplacements ont été strictement limités. Des représentant·e·s de l’État ont tenu des propos ouvertement racistes envers les Roms. La violence domestique demeurait très répandue, et les ressources pour soutenir les victimes étaient insuffisantes. Les personnes LGBTI étaient en butte à la discrimination et à l’exclusion sociale.
Liberté d’expression
Dans le cadre des mesures d’urgence adoptées en mars pour combattre la pandémie de COVID-19, le gouvernement a présenté un projet de loi portant modification du Code pénal qui aurait donné lieu à de lourdes amendes et à des peines d’emprisonnement pour les personnes déclarées coupables d’avoir diffusé de fausses informations. Le chef de l’État a toutefois mis son veto au projet avant son adoption, invoquant ses effets négatifs sur la liberté d’expression.
La liberté des médias a continué de s’étioler ; les journalistes qui enquêtaient sur la criminalité organisée et la corruption faisaient l’objet d’intenses pressions exercées par la sphère politique et le parquet, et prenant la forme de menaces et de manœuvres d’intimidation.
En juillet, le journaliste d’investigation Nikolaï Staïkov a été interrogé par le bureau du procureur et menacé de poursuites judiciaires après qu’il eut publié un documentaire impliquant ledit bureau dans des malversations financières.
Plusieurs journalistes qui couvraient les manifestations antigouvernementales en septembre dans la capitale, Sofia, ont été agressés par la police. L’un d’entre eux a été maintenu plusieurs heures en garde à vue. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a qualifié d’« inacceptables » ces agissements et engagé les autorités à enquêter sur ces violences.
Dans le rapport sur l’état de droit qu’elle a publié en septembre, la Commission européenne s’est dite très préoccupée par le manque de transparence qui caractérisait la propriété des médias et a noté que ces derniers demeuraient soumis à un contrôle politique systématique. La Bulgarie était toujours l’État membre de l’UE le plus mal placé au classement mondial de la liberté de la presse, occupant la 111e place sur 180 pays.
Liberté d’association
Les Patriotes unis, petit parti partenaire de la coalition au pouvoir, ont présenté en juillet des propositions de modification de la Loi relative aux personnes morales sans but lucratif, qui soumettraient les organisations recevant des financements étrangers à une surveillance disproportionnée et à de lourdes obligations déclaratives. Une coalition d’ONG s’est alarmée de la non-conformité des modifications proposées avec la Convention européenne des droits de l’homme et le droit de l’UE, et a signalé qu’elles créeraient un environnement hostile pour les organisations de la société civile.
Plusieurs dizaines de personnes, dont des journalistes et des policiers, ont été blessées et des centaines d’autres ont été arrêtées en septembre, dans le cadre des opérations menées par les unités antiémeutes pour disperser de force les manifestations antigouvernementales qui se déroulaient à Sofia depuis des mois. La police a utilisé du gaz poivre, du gaz lacrymogène et des canons à eau contre les protestataires, qui réclamaient la démission du Premier ministre et du procureur général, ainsi qu’une refonte de la gouvernance de l’État. Le Parlement européen a vivement critiqué les « opérations de police violentes et disproportionnées » et demandé aux autorités d’enquêter sur les allégations de recours excessif à la force.
Les autorités ont pris pour cible des entreprises et des personnes associées aux manifestations qui, selon les informations reçues, ont été visées par des audits financiers et des poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques. Le mouvement de protestation antigouvernementale se poursuivait en décembre.
Violences faites aux femmes et aux filles
Les violences domestiques restaient très fréquentes, et le nombre de cas signalés était largement en deçà de la réalité. Des organisations de défense des droits des femmes ont indiqué que la pandémie de COVID-19 avait aggravé la situation et que huit femmes au moins avaient été tuées par leur partenaire lors du confinement imposé sur tout le territoire pendant deux mois, de mars à mai.
Pour que des faits de violence domestique soient considérés comme une infraction grave et passible de sanctions, le Code pénal exigeait qu’ils aient été commis dans un contexte de « violence endémique » ou fassent suite à trois actes distincts de violence perpétrés par le même auteur. En conséquence, les victimes demeuraient longuement en danger, et la possibilité pour elles de se tourner vers la justice était limitée. Les personnes qui subissaient des violences rencontraient des difficultés pour bénéficier de services de prise en charge et d’une aide juridique, tandis que les capacités des centres d’accueil existants restaient insuffisantes. Le gouvernement a adopté en mai un programme national de prévention de la violence domestique en vue d’améliorer la coordination entre les différentes institutions et organisations intervenant à cet égard.
La définition pénale du viol n’incluait pas le viol conjugal et exigeait des preuves de la résistance physique opposée par la victime, ce qui était contraire aux normes internationales. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes a engagé la Bulgarie à modifier le Code pénal pour y faire figurer une disposition relative au viol qui soit fondée sur l’absence de consentement et couvre explicitement le viol conjugal. Un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu en 2018 et déclarant la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) incompatible avec la Constitution bulgare continuait de bloquer la ratification de ce traité.
Discrimination
La pandémie de COVID-19 et le confinement décrété à l’échelle nationale ont aggravé la discrimination déjà généralisée dont étaient victimes les Roms.
Entre les mois de mars et de mai, les autorités locales de Sofia, Nova Zagora, Kazanlak, Yambol et Sliven ont mis en place un régime spécial, instaurant notamment pour l’ensemble des résident·e·s une quarantaine obligatoire, qui a touché de façon disproportionnée les seuls quartiers à majorité rom [1] . Pour faire appliquer cette mesure, des policiers et policières armés ont installé des barrages routiers et empêché les gens de sortir de ces quartiers. Dans le même temps, les autorités n’ont rien fait pour fournir un accès sûr et satisfaisant à l’eau, à des installations sanitaires, à des fournitures médicales et à des denrées alimentaires pendant les quarantaines, faisant ainsi courir un risque accru de pauvreté et de contamination par le COVID-19 à de nombreuses familles.
À Bourgas, les pouvoirs publics ont eu recours à des drones équipés de capteurs thermiques pour prendre à distance la température d’habitant·e·s de quartiers roms et surveiller leurs déplacements. La municipalité de Yambol a envoyé des avions « désinfecter » le quartier rom, où des cas de COVID-19 avaient été recensés. Ces mesures n’ont visé que les communautés roms [2] .
Le discours hostile aux Roms s’est intensifié pendant la pandémie, des représentant·e·s de l’État ayant tenu ouvertement des propos haineux. Le Mouvement national bulgare (VMRO-BND) a présenté les Roms comme une menace collective pour le reste de la population, tandis que des membres du gouvernement se sont prononcés en faveur d’un dispositif de lutte contre le COVID-19 plus strict pour les Roms, laissant entendre qu’ils bafouaient délibérément les mesures de distanciation physique.
En mai, deux titulaires de mandats de procédures spéciales des Nations unies, la rapporteuse spéciale sur le racisme et le rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités, ont demandé aux autorités de faire barrage aux discours de haine et de mettre fin aux restrictions ciblant les quartiers roms, déclarant que celles-ci étaient contraires au droit à l’égalité et à la liberté de mouvement des habitantes et habitants de ces quartiers.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Une attaque homophobe a eu lieu à Plovdiv en septembre. De jeunes supporters de football ont agressé et insulté plusieurs adolescent·e·s qu’ils estimaient être LGBTI, à dessein semble-t-il de « nettoyer » le centre-ville des personnes LGBTI. Certaines des victimes n’avaient que 14 ans. Une information judiciaire a été ouverte par le procureur de Plovdiv ; elle se poursuivait à la fin de l’année.
D’après une enquête conduite par l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, plus de 70 % des personnes LGBTI vivant en Bulgarie se sentaient contraintes de dissimuler leur orientation sexuelle, et 40 % d’entre elles évitaient certains lieux par crainte d’être agressées ou menacées.