Croatie - Rapport annuel 2020

carte Croatie rapport annuel amnesty

République de Croatie
Chef de l’État : Zoran Milanović (a remplacé Kolinda Grabar-Kitarović en février)
Chef du gouvernement : Andrej Plenković

Des personnes en quête d’une protection internationale se sont vu refuser la possibilité de déposer une demande d’asile ; des migrant·e·s arrivées de façon irrégulière sur le territoire croate ont fait l’objet de renvois forcés illégaux (push-backs) et ont subi des violences de la part de la police. Des améliorations ont été apportées au cadre juridique sur les violences liées au genre, mais des peines légères ont continué d’être prononcées dans ce type d’affaires. L’accès à l’avortement demeurait fortement limité. Les couples de même sexe ont été autorisés à accueillir des enfants dans le cadre d’une procédure de placement familial. Le gouvernement a retiré des modifications législatives qui auraient autorisé le suivi de la position de tous les téléphones mobiles pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Cette année encore, des journalistes ont été la cible de menaces en raison de leurs activités professionnelles.

Personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes

De nombreuses personnes entrées de façon irrégulière en Croatie continuaient d’être privées de la possibilité de déposer une demande d’asile. Des organisations humanitaires ont recueilli des informations sur plus de 15 000 cas de renvois forcés illégaux et d’expulsions collectives, souvent accompagnés de violences et de mauvais traitements. Dans l’un des cas les plus graves, survenu au mois de mai, 16 migrants ont indiqué avoir été menottés et entravés, attachés à un arbre, puis roués de coups et torturés par des policiers portant un uniforme noir et une cagoule [1] . Plusieurs migrants ont été gravement blessés et traumatisés. Le HCR, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants et le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture ont demandé à la Croatie d’enquêter immédiatement sur ces allégations, tandis que la Commission européenne a annoncé la mise en place d’une mission de surveillance des activités frontalières du pays. En août, le Comité européen pour la prévention de la torture [Conseil de l’Europe] a effectué une visite de réaction rapide en Croatie pour y examiner la manière dont les personnes migrantes et demandeuses d’asile étaient traitées par la police croate. Son rapport n’avait pas encore été rendu public à la fin de l’année.

En raison des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, l’accès aux centres d’accueil pour demandeurs et demandeuses d’asile a été limité, ce qui a contraint les ONG assurant gratuitement une assistance juridique et une prise en charge psychosociale à cesser leurs activités. Les personnes réfugiées ayant obtenu une protection internationale et celles dont la demande avait été rejetée n’ont pas été autorisées à séjourner dans ces centres pendant le confinement. Elles n’ont reçu aucune aide de la part de l’État, et certaines se sont retrouvées sans abri.

En novembre, le Parlement a adopté des modifications de la Loi relative aux étrangers qui, selon des ONG, risquaient de restreindre les droits des personnes demandeuses d’asile et migrantes, et d’ériger en infraction des actes de solidarité légitimes.

Violences faites aux femmes et aux filles

En janvier, des modifications législatives mettant la définition du viol dans le Code pénal en conformité avec les normes internationales et alourdissant les peines pour les faits relevant des violences liées au genre sont entrées en vigueur. D’après les chiffres communiqués par les autorités, le nombre de viols signalés a plus que doublé du fait de ces modifications, car elles élargissaient largement le champ d’application de l’infraction. Les procédures engagées étaient toujours aussi longues (entre trois et cinq ans).

À la suite de la requalification pénale de la violence domestique, le nombre de poursuites judiciaires pour ce type d’infraction a nettement augmenté. Néanmoins, dans la majorité des cas, la violence domestique continuait d’être traitée comme un délit mineur, donnant lieu à des peines légères. Les services de police et les tribunaux étaient toujours peu disposés à faire respecter les mesures de protection.

Droits sexuels et reproductifs

Les femmes se heurtaient toujours à de grandes difficultés d’accès aux services et à l’information en matière de santé sexuelle et reproductive. Le refus de pratiquer des avortements largement opposé par des médecins et certains établissements de santé pour des raisons de conscience, ainsi que le coût prohibitif des services dans les établissements habilités et le nombre insuffisant de ces établissements dans certaines régions, constituaient des obstacles insurmontables pour les femmes de milieu modeste. Selon une enquête réalisée par des organisations de défense des droits des femmes, de nombreux établissements de santé ont suspendu les services d’avortement pendant le confinement instauré dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Aucune nouvelle loi visant à remplacer un texte obsolète sur l’interruption de grossesse n’avait été adoptée à la fin de l’année, alors qu’un arrêt rendu en 2017 par la Cour constitutionnelle donnait aux autorités jusqu’à février 2019 pour le faire. En amont des élections législatives tenues en juillet, certains candidats de partis conservateurs, dont l’Union démocratique croate (Hrvatska Demokratska Zajednica), le parti au pouvoir, ont condamné l’avortement et prôné des restrictions d’accès plus strictes à l’interruption volontaire de grossesse, y compris pour les victimes de viol.

Droit au respect de la vie privée

En avril, le gouvernement a retiré des modifications apportées à la Loi relative aux communications électroniques qui auraient permis de suivre la position de l’ensemble des téléphones mobiles dans le cadre du traçage des cas contacts des personnes atteintes du COVID-19. La société civile et les spécialistes du droit constitutionnel avaient très fortement critiqué ces modifications, mettant en garde contre le fait que de tels pouvoirs outrepassaient la protection de la santé publique et n’étaient assortis d’aucune garantie contre d’éventuels abus.

Discrimination

Les Roms étaient toujours en butte à des discriminations dans tous les secteurs, notamment l’éducation, la santé, le logement et l’emploi. Pour nombre de celles et ceux qui habitaient dans des quartiers informels, l’accès à la nourriture et à des produits d’hygiène a été particulièrement difficile en raison de la pandémie de COVID-19, les autorités locales ne leur ayant pas prodigué l’aide nécessaire.

Vivant toujours sans électricité ni connexion Internet, et leurs familles n’étant pas à même de les aider, de nombreux enfants roms n’ont pas pu suivre l’enseignement à distance pendant la fermeture des établissements scolaires, ce qui n’a fait que creuser davantage le fossé entre les élèves roms et les élèves non roms en matière d’instruction scolaire.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Dans un arrêt rendu en janvier et appelé à faire date, la Cour constitutionnelle a estimé que les couples de même sexe avaient le droit de devenir famille d’accueil selon les mêmes conditions que quiconque satisfaisait aux critères d’agrément. En revanche, ils n’étaient toujours pas autorisés à adopter des enfants.

Liberté d’expression

Des journalistes qui enquêtaient sur des affaires de corruption et de criminalité organisée ont cette année encore été la cible de menaces et de manœuvres d’intimidation.

Selon l’Association des journalistes croates (Hrvatsko Novinarsko Društvo), plus de 900 actions en justice ont été intentées contre des journalistes et des médias pour « atteinte à l’honneur et à la réputation ». La Fédération européenne des journalistes a mis en garde contre l’effet paralysant de ces poursuites judiciaires pour les journalistes et les médias.

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