Les mesures adoptées par le gouvernement pour faire face à la pandémie de COVID-19 ont suscité de vives préoccupations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne le droit à la santé, l’application de la législation d’exception sans contrôle parlementaire, et l’utilisation par la police de cagoules anticrachat. Un nombre accru de personnes ont eu accès à des services d’avortement au titre de la loi de 2018, mais des lacunes subsistaient. Le Comité européen pour la prévention de la torture a critiqué les dispositifs de soutien aux détenu·e·s souffrant de troubles mentaux. Le gouvernement s’est engagé à remplacer le système de logements partagés mis en place au titre de la « prise en charge directe » pour les personnes sollicitant une protection internationale, et à organiser un référendum constitutionnel sur la question du logement.
Droit à la santé
La Commission spéciale sur la riposte au Covid-19 – une commission parlementaire créée pour examiner les mesures initiales prises par le gouvernement face à la pandémie − a jugé « totalement disproportionné » le nombre de décès dus au COVID-19 survenus dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (56 % du nombre total de morts enregistrés dans le pays en lien avec la pandémie). Elle a recommandé l’ouverture d’une enquête publique et dénoncé un recours excessif à la prise en charge en établissements aux dépens d’autres solutions pour les personnes âgées.
Elle a également pointé les difficultés rencontrées par les demandeurs et demandeuses d’asile logés dans des centres de « prise en charge directe », notamment en termes de distanciation physique et de possibilités d’auto-isolement, en particulier pour les soignant·e·s hébergés dans ces structures.
La Commission a aussi recommandé l’ouverture d’une enquête sur les usines de transformation de viande, à l’origine de plusieurs foyers épidémiques, compte tenu des inquiétudes relatives à la protection de leur personnel contre l’infection. Elle a relevé que les personnes travaillant dans ce secteur étaient particulièrement exposées à de mauvaises conditions de travail susceptibles d’accroître le risque de contracter le COVID-19.
Cagoules anticrachat
L’utilisation par la police nationale de cagoules anticrachat destinées à empêcher les personnes interpellées de contaminer les policiers et policières en leur crachant dessus a été jugée préoccupante. Ces cagoules ont été utilisées alors qu’il a été prouvé qu’elles n’empêchaient pas la transmission du virus par aérosols et qu’elles pourraient même accroître le risque de contamination pour la police et pour la population en général [1] . Leur utilisation sur des enfants et des personnes atteintes de troubles mentaux a suscité une inquiétude particulière.
Mesures abusives prises par l’État
La Commission spéciale sur la riposte au COVID-19 a critiqué la législation d’exception qui autorisait le gouvernement à adopter des mesures réglementaires sans l’examen ni l’approbation du Parlement irlandais (Oireachtas). Elle a également recommandé que toutes les mesures d’urgence proposées soient analysées sous l’angle des droits humains.
Droits sexuels et reproductifs
En juin, le premier rapport annuel sur l’application de la loi de 2018 élargissant les conditions d’accès aux services d’interruption de grossesse a montré que 6 666 personnes enceintes avaient bénéficié d’un avortement en 2019, contre 32 en 2018. Les statistiques publiées en juin par le ministère britannique de la Santé et des Affaires sociales ont révélé que, en 2019, 375 femmes vivant en Irlande s’étaient rendues en Angleterre ou au Pays de Galles pour y avorter. Ce chiffre mettait en évidence la persistance de lacunes et d’obstacles, tels que l’impossibilité de bénéficier légalement d’une interruption de grossesse en cas de malformation grave, mais non mortelle, du fœtus.
Surveillance internationale
En novembre, le Comité européen pour la prévention de la torture a publié son rapport sur sa visite de 2019 en Irlande. Il a salué les récentes mesures abolissant la détention à l’isolement, mais a recommandé que des mesures soient prises pour régler le problème de la détention à l’isolement de fait. Il s’est dit préoccupé, entre autres, par le fait que des migrant·e·s continuaient d’être placés en détention avec des personnes condamnées ou en détention provisoire et se trouvaient, dans certains cas, exposés à des violences et du harcèlement. Le Comité a constaté un très bon accès aux soins médicaux, mais a déploré de mauvaises conditions de prise en charge et un traitement inadapté dans les unités de soutien renforcé pour les détenu·e·s souffrant de troubles mentaux. Il s’est aussi inquiété du nombre croissant de sans-abri souffrant de graves problèmes de santé mentale envoyés en prison. Le Comité a par ailleurs jugé que le système de dépôt de plainte mis à la disposition des détenu·e·s n’était pas satisfaisant.
Droits des personnes réfugiées ou demandeuses d’asile
En raison de préoccupations de longue date relatives aux mauvaises conditions de vie dans les centres d’hébergement destinés, au titre du système de « prise en charge directe », aux personnes demandant une protection internationale, notamment en ce qui concernait l’isolement, le non-respect des droits à la dignité et à la vie privée, ainsi que les répercussions de ces conditions sur la santé mentale, le nouveau gouvernement s’est engagé en juin à remplacer ces structures par un système d’hébergement plus respectueux des droits humains. En octobre, un groupe consultatif mandaté par le gouvernement a formulé des recommandations pour une stratégie d’hébergement et de soutien sur le long terme, et pour l’amélioration de la procédure de demande d’asile. Le gouvernement a entrepris de publier un document présentant ses projets de réforme.
Droits en matière de logement
Le nouveau gouvernement s’est engagé à programmer un référendum constitutionnel sur la question du logement. On ignorait toutefois si ce référendum allait proposer de consacrer le droit au logement, comme cela avait été recommandé en 2014 par la Convention constitutionnelle créée par le gouvernement d’alors.
Droits des travailleuses et travailleurs du sexe
Une étude publiée par HIV Ireland en septembre a montré que la loi de 2017 érigeant en infraction pénale l’achat de services sexuels avait des incidences négatives sur la sécurité, la santé et le bien-être des travailleuses et travailleurs du sexe.
En septembre, le gouvernement a chargé un expert indépendant d’évaluer la mise en œuvre de cette loi. Par ailleurs, ce texte considérait toujours comme une infraction pénale la « tenue d’une maison close », ce qui continuait d’avoir des répercussions négatives sur les personnes exerçant le travail du sexe. Les conclusions de l’évaluation indépendante étaient attendues en 2021.