Confronté à des manifestations en faveur de la démocratie et contre les violences policières, le gouvernement a lancé une campagne de répression brutale des droits humains. Des lois répressives ont été utilisées pour réduire au silence l’opposition et sanctionner les activités de personnes qui manifestaient pacifiquement, parmi lesquelles des enfants. Les violences contre les femmes et les filles se sont accrues dans le cadre des restrictions liées à la pandémie de COVID-19. Les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe constituaient toujours une infraction pénale. Des centaines de familles restaient menacées d’expulsion forcée.
Liberté d’expression et de réunion
Face à des protestataires qui réclamaient l’arrêt des violences policières et la mise en place de réformes démocratiques, le gouvernement a lancé en mai une campagne brutale de répression des droits humains. C’est la mort suspecte d’un étudiant de 25 ans, Thabani Nkomonye, décédé selon certaines informations alors qu’il était aux mains de fonctionnaires de la police royale d’Eswatini, qui a déclenché les manifestations. Celles-ci ont été menées par de jeunes militant·e·s, des défenseur·e·s des droits humains et des groupes politiques ou issus de la société civile, qui exigeaient que cesse la répression politique conduite depuis des années.
Les autorités ont eu recours à des lois répressives, notamment la Loi de 1938 relative à la sédition et aux activités subversives et la Loi de 2008 relative à la répression du terrorisme, pour réduire au silence les personnes qui critiquaient le régime. Des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s politiques ont été poursuivis en justice et emprisonnés ; ils vivaient dans la crainte de subir des représailles pour avoir dénoncé la répression. En octobre, plus de 1 000 personnes, dont 38 mineur·e·s, avaient fait l’objet d’une arrestation arbitraire depuis le début de l’année. Les parlementaires Mduduzi Bacede Mabuza et Mthandeni Dube ont été arrêtés le 25 juillet et placés en détention sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Ils se sont vu refuser une remise en liberté sous caution.
Le 29 juillet, puis de nouveau le 15 octobre, la Commission des communications d’Eswatini a ordonné aux fournisseurs de réseaux et aux services de télécommunications de bloquer l’accès à Internet3.
Recours excessif à la force
Des milliers de manifestant·e·s pacifiques ont été violemment dispersés par l’armée et la police, qui ont tiré à balles réelles et fait usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes (voir Liberté d’expression et de réunion). On dénombrait en octobre plus de 80 personnes tuées et plus de 200 autres blessées, pour certaines grièvement.
Des dizaines de personnes blessées en juin ou juillet ont gardé une incapacité permanente, un facteur propre à aggraver la situation économique, sociale et culturelle déplorable dans laquelle beaucoup, comme nombre de leurs compatriotes, se trouvaient déjà. Les hôpitaux se sont retrouvés débordés par l’afflux de patient·e·s, et de nombreux cas dans lesquels des fonctionnaires de police ou des militaires ont contraint des membres du personnel médical à leur remettre des éléments de preuve, tels que des projectiles extraits du corps de manifestant·e·s, ont été signalés.
Discrimination
Violences fondées sur le genre
Les violences fondées sur le genre persistaient et une femme sur trois avait subi de telles violences avant d’avoir 18 ans ; au total, 48 % des femmes indiquaient avoir déjà été victimes d’une forme ou d’une autre de violence sexuelle. La Loi de 2018 sur les infractions sexuelles et la violence domestique n’était pas suffisante en soi pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles, en particulier dans un contexte où les conditions économiques et les normes socioculturelles constituaient un obstacle permanent à la justice et permettaient dans une large mesure aux auteurs d’agir en toute impunité. Les mesures de confinement prises dans le cadre de la pandémie de COVID-19 ont entravé l’accès des victimes aux services d’aide et aux mécanismes de justice et ont augmenté le risque de violence.
Les jeunes filles en particulier ont pâti de la fermeture des établissements scolaires, qui s’est traduite par un nombre accru de grossesses chez les adolescentes.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe constituaient toujours une infraction pénale.
Plus d’un an après l’avoir examiné, la Haute Cour ne s’était toujours pas prononcée sur le recours formulé par l’organisation Minorités sexuelles et de genre d’Eswatini, groupe de défense des droits des personnes LGBTI, contre le rejet de sa demande d’inscription au registre des sociétés. Prononcé en 2019, ce refus se fondait sur le fait que les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe étaient « illégales » et « contre nature ».
Droits économiques, sociaux et culturels
Expulsions forcées
Le droit à un logement convenable de centaines de familles du pays était toujours menacé dans un contexte d’expulsions forcées menées par des propriétaires fonciers mobilisés pour récupérer leurs terres. Moins souvent en mesure de contester une éventuelle expulsion, les personnes marginalisées, par exemple les veuves, ou les foyers ayant une femme ou un·e mineur·e à leur tête, étaient les plus touchées.
Les personnes menacées d’une expulsion imminente étaient particulièrement désavantagées par le système de gouvernance foncière profondément défaillant. Des recours juridiques contre des expulsions étaient en cours à Gege depuis 2014 et à Sigombeni depuis 2019 ; ministères, chefferies et tribunaux ne cessaient de se renvoyer les dossiers, ce qui ne faisait que retarder toute décision de justice. Des habitant·e·s de Velezizweni et de Ntontonzi (130 familles au total) ont été menacés d’expulsion en juillet et septembre respectivement.