Niger - Rapport annuel 2021

carte Niger rapport annuel amnesty

République du Niger
Chef de l’État : Mohamed Bazoum (a remplacé Mahamadou Issoufou en avril)
Chef du gouvernement : Ouhoumoudou Mahamadou (a remplacé Brigi Rafini en avril)

Des groupes armés ont continué de commettre des atteintes aux droits humains, y compris des crimes de guerre. L’État islamique au Grand Sahara (EIGS) a lancé plusieurs attaques contre la population civile dans la région de Tillabéri, tandis que l’acheminement de l’aide humanitaire a été restreint par des mesures administratives. L’insécurité a entamé encore plus profondément les droits des femmes et des enfants, ainsi que le droit à l’éducation et le droit à la santé. En outre, les droits des personnes réfugiées ou migrantes ont été bafoués cette année encore. Des informations ont été recueillies sur des coupures d’Internet et d’autres violations de la liberté d’expression.

Contexte

Des manifestations de grande ampleur, parfois violentes, ont eu lieu dans les jours qui ont suivi l’élection du président Mohamed Bazoum, en février.

Des groupes d’autodéfense se sont formés dans le nord de la région de Tillabéri et dans l’est de la région de Tahoua (commune de Tillia) en réaction aux homicides perpétrés par l’EIGS.
La situation humanitaire demeurait critique en raison du conflit armé qui se poursuivait, principalement autour du lac Tchad et dans la région de Tillabéri. En décembre, le HCR dénombrait 264 257 personnes déplacées du fait des violences et 249 816 réfugié·e·s originaires de pays voisins.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Le conflit dans l’ouest du Niger a connu une escalade, avec une recrudescence des attaques menées par l’EIGS et d’autres groupes armés contre la population civile, principalement dans la région de Tillabéri. Les attaques visant des personnes civiles ou lancées sans discrimination constituaient des crimes de guerre.

Le 2 janvier, l’EIGS a attaqué les villages de Tchoma Bangou et de Zaroumdareye (région de Tillabéri), faisant au moins 103 morts parmi la population civile. Il a lancé une autre attaque le 15 mars, cette fois contre des commerçant·e·s, entre Banibangou et Sinégodrar (région de Tillabéri), laquelle a fait 58 morts. Le 21 mars, 137 personnes ont été tuées lors d’attaques visant des villageois·es et des personnes réfugiées originaires du Mali dans la commune de Tillia (région de Tahoua), selon les autorités. Parmi les victimes figuraient 29 enfants, dont trois filles.

L’EIGS a revendiqué officiellement ces attaques en mai, les justifiant par l’émergence de milices progouvernementales dans les communes prises pour cible. Selon la Base de données sur le lieu et le déroulement des conflits armés (ACLED), l’EIGS était responsable de 66 % des décès imputables à la violence organisée au Niger et de 79 % des attaques contre des personnes civiles ayant eu lieu au cours du premier semestre de l’année.

En août, des tireurs non identifiés ont attaqué le village de Darey-dey (région de Tillabéri), tuant 37 personnes, dont 14 enfants.

Des groupes armés ont aussi détruit des infrastructures publiques et incendié des greniers à grain.

Droits des enfants

Les droits des enfants étaient fortement mis en péril par l’insécurité, entre autres facteurs. En septembre, au moins 60 enfants avaient été tués dans des attaques lancées contre des villages par l’EIGS et d’autres groupes armés. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) a recruté des enfants dans plusieurs communes du département de Torodi (région de Tillabéri).

En mai, une attaque menée par une faction de l’EIGS à Tillia (région de Tahoua) a entraîné un déplacement de grande ampleur et a donné lieu à l’enlèvement de quatre garçons.

Droit à l’éducation

Les groupes armés, parmi lesquels Boko Haram, l’EIGS et le GSIM, ont continué à interdire l’enseignement « occidental » et à commettre des crimes de guerre en attaquant des écoles, empêchant ainsi des enfants de jouir de leur droit à l’éducation. En mai, environ 700 enseignant·e·s n’occupaient plus leur poste dans la région de Tillabéri et, en juin, 377 établissements scolaires étaient fermés dans le pays. Au moins 31 728 élèves, dont 15 518 filles, n’étaient pas scolarisés, selon l’UNICEF et des sources gouvernementales.
Toujours selon l’UNICEF, plus de 50 % des enfants de sept à 16 ans n’étaient inscrits dans aucun établissement en juin.

Droits des femmes et des filles

Les droits des femmes et des filles étaient encore fréquemment bafoués, en particulier dans le contexte du conflit armé. Sous l’influence du droit coutumier, les mariages d’enfants demeuraient courants.

En avril, des membres du contingent tchadien du G5 Sahel ont menacé plusieurs femmes et filles et ont violé trois d’entre elles, dont une fillette de 11 ans à Téra (région de Tillabéri). Les militaires ont été rapatriés et le G5 Sahel a annoncé l’ouverture d’une enquête.

Le GSIM et l’EIGS ont continué à restreindre le droit des femmes et des filles de circuler librement dans les départements nigériens frontaliers du Mali et du Burkina Faso, et ont fait pression sur certaines pour qu’elles se marient.

Recours excessif à la force

En novembre, un convoi militaire français a été bloqué à Téra par des manifestant·e·s s’opposant à la présence militaire française au Sahel. Au moins trois manifestants ont été tués et plus de 12 blessés lorsque des coups de feu ont été tirés pour disperser la foule. Les autorités nigériennes ont annoncé l’ouverture d’une enquête.

Impunité

Les autorités judiciaires n’ont pas enquêté ni engagé de poursuites s’agissant des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires de 72 civils dont l’armée se serait rendue coupable dans le département d’Ayerou (région de Tillabéri) entre mars et avril 2020. Pourtant, la Commission nationale des droits humains avait mené des investigations et avait conclu que l’armée était responsable de ces crimes.

Privation d’aide humanitaire

Les autorités ont exigé que les convois humanitaires circulent sous escorte militaire, en particulier dans les départements frontaliers du Mali et du Burkina Faso. Elles ont parfois obligé ces convois à rebrousser chemin en invoquant des raisons de sécurité.

En mai, un nouveau décret a été promulgué, qui conférait des pouvoirs étendus aux autorités régionales pour ce qui était de déterminer les conditions d’accès des organisations humanitaires et d’acheminement de l’aide dans les départements où des groupes armés étaient actifs, ce qui a contribué à améliorer la fourniture de cette aide.
Le même mois, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires [ONU] a déclaré que 500 000 personnes avaient besoin d’une aide humanitaire dans la région de Tillabéri.

Droits des personnes réfugiées ou déplacées

Les droits des personnes réfugiées et des personnes déplacées ont été bafoués par des parties au conflit. En mars, l’EIGS a attaqué une zone accueillant des personnes réfugiées originaires du Mali à Intikane (région de Tahoua), faisant des dizaines de morts.

Après qu’environ 10 000 personnes ont été déplacées du département d’Anzourou vers la ville de Tillabéri en raison d’attaques et de menaces imputables à l’EIGS, les autorités leur ont fait du chantage pour qu’elles retournent dans leurs villages respectifs en mai. Selon des sources humanitaires, les autorités ont menacé de les priver d’aide humanitaire si elles ne repartaient pas.

Droit à la santé

Le conflit a considérablement réduit l’accès de la population aux soins de santé dans la région de Tillabéri. Des groupes armés ont pillé des établissements de santé et les autorités ont restreint les déplacements des personnes civiles, les empêchant ainsi d’obtenir de l’aide. Les taux d’immunisation ont chuté et des maladies telles que la rougeole ont connu une recrudescence, selon des sources humanitaires.

En décembre, 971 636 doses de vaccin contre le COVID-19 avaient été administrées, et 464 000 personnes avaient reçu deux doses (1,9 % de la population).

Liberté d’expression et de réunion

En réaction aux manifestations organisées par l’opposition à Niamey après les élections, les autorités ont bloqué l’accès à Internet pendant plusieurs semaines entre février et mars.

Les autorités ont continué à harceler judiciairement des journalistes travaillant sur des affaires publiques. Moussa Aksar, journaliste d’investigation et directeur de publication du journal L’Événement, a été déclaré coupable de diffamation en mai, après une série d’articles parus en septembre 2020 qui portaient sur un détournement de fonds publics du ministère de la Défense, commis entre 2017 et 2019. Il a été condamné à payer une amende de 200 000 francs CFA (environ 362 dollars des États-Unis) et à verser un million de francs CFA (environ 1 810 dollars des États-Unis) de dommages et intérêts.

Les autorités ont continué de s’en prendre à la journaliste Samira Sabou après qu’elle a repris un rapport publié en mars par l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GITOC), selon lequel de la drogue saisie par les autorités nigériennes avait été restituée aux membres d’un cartel quelques semaines plus tard. Elle a été poursuivie en septembre pour « diffamation » et « dissémination de données de nature à troubler l’ordre public » en vertu de la Loi de 2019 portant répression de la cybercriminalité.

En décembre, cinq membres de Tournons La Page Niger (TLP-Niger), une organisation de la société civile, ont été arrêtés pour attroupement illégal après avoir organisé une caravane avec des taxis afin de sensibiliser l’opinion publique à la situation des droits humains au Niger. Ils ont tous été remis en liberté provisoire deux jours plus tard.

« Je n’ai plus rien, à part moi-même ». Niger. Les répercussions croissantes du conflit sur les enfants dans la région de Tillabéri (AFR 43/4627/2021), 13 septembre

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