Cette année encore, les autorités ont soumis des journalistes, des dissident·e·s politiques et des chefs et membres de congrégations religieuses à des détentions arbitraires, qui s’apparentaient dans certains cas à des disparitions forcées. Les personnes appelées au service national obligatoire étaient enrôlées pour une durée indéterminée. Selon des allégations persistantes, des commandants militaires infligeaient des violences sexuelles à des appelées au centre d’entraînement de Sawa. L’Érythrée n’a communiqué aucune information sur son programme de vaccination anti-COVID-19.
Contexte
L’Érythrée, pourtant membre du Conseil des droits de l’homme [ONU], ne coopérait toujours pas avec les mécanismes internationaux relatifs aux droits humains. Elle n’a pas répondu aux demandes de visites formulées par le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, dont le mandat a été établi en 2012, ni légiféré en faveur de la protection des droits humains conformément aux traités qu’elle a ratifiés.
Les forces érythréennes déployées depuis 2020 dans le nord de l’Éthiopie, principalement dans le Tigré occidental, se sont rendues complices de la campagne de nettoyage ethnique menée contre les Tigréen·ne·s, se livrant à des exécutions extrajudiciaires, des détentions arbitraires, des viols et d’autres types de violences sexuelles, ainsi qu’à des déplacements forcés (voir Éthiopie).
Disparitions forcées
Les autorités ont continué de soumettre des journalistes, des dissident·e·s politiques et des chefs et membres de congrégations religieuses à des détentions arbitraires s’apparentant à des disparitions forcées. On ignorait toujours ce qu’il était advenu de 11 membres du « groupe des 15 » (G15) depuis leur arrestation par les forces de sécurité en septembre 2001. Le G15 était un groupe de 15 responsables politiques chevronnés qui s’opposaient au président Issayas Afeworki. Les 11 membres en question avaient été arrêtés après avoir écrit une lettre ouverte au président dans laquelle ils lui demandaient de mettre en œuvre le projet de Constitution et d’organiser des élections pluralistes. On restait également sans nouvelles d’un journaliste suédois, Dawit Isaak, et de 16 autres personnes soupçonnées d’avoir travaillé avec le G15.
Ciham Ali et Berhane Abrehe ont disparu après leur arrestation, respectivement en 2012 et en 2018. Titulaire de la double nationalité érythréenne et américaine, Ciham Ali a été arrêtée à la frontière avec le Soudan en 2012, alors qu’elle n’avait que 15 ans. Elle essayait de fuir l’Érythrée après que son père, Ali Abdu, qui était alors ministre de l’Information, avait fait défection et s’était exilé. Berhane Abrehe, ancien ministre des Finances, a été arrêté en septembre 2018, quelques jours après avoir publié un livre critique à l’égard du gouvernement. Peu avant la publication de ce livre, il avait mis au défi le président de l’affronter lors d’un débat télévisé.
Arrestations et détentions arbitraires
Des milliers de personnes étaient détenues de façon arbitraire. Le patriarche de l’Église orthodoxe d’Érythrée, Antonios, est mort en février à l’âge de 94 ans. Il était illégalement assigné à résidence depuis 2006, après avoir été démis de ses fonctions religieuses par les pouvoirs publics pour avoir ouvertement critiqué les politiques gouvernementales. Il n’avait jamais été inculpé ni reconnu coupable d’aucune infraction pénale dûment reconnue par la loi. Le lendemain de ses funérailles, qui ont eu lieu le 10 février, 11 personnes ayant assisté à la cérémonie ont été arrêtées. Elles ont été libérées sans inculpation au bout de quatre jours.
En octobre, les forces de sécurité ont arrêté trois membres haut placés du clergé catholique. Deux prêtres, Mihretab Stefanos, de la paroisse Saint Michael à Segeneity, une ville du sud du pays, et Abreham, de Teseney, dans l’ouest de l’Érythrée, ont été arrêtés le 11 octobre. L’évêque Fikremariam Hagos, également de Segeneity, a été arrêté à l’aéroport international d’Asmara le 15 octobre, à son retour d’Europe. D’après diverses sources, tous trois ont été placés en détention sans inculpation à la prison d’Adi Abeto. Fikremariam Hagos et Mihretab Stefanos ont été relâchés le 28 décembre.
Travail forcé
Le gouvernement a continué d’enrôler les lycéennes et lycéens dans le programme de service national militaire obligatoire. Les appelé·e·s accomplissaient ce service pendant une durée indéterminée dépassant la limite légale de 18 mois.
Les forces gouvernementales ont mené de multiples coups de filet dans la rue (appelés giffa en tigrinya) pour envoyer les jeunes au service militaire. Des représentants des pouvoirs publics auraient forcé des parents à accompagner leurs enfants ayant échappé à la conscription pour qu’ils s’inscrivent au service national. En juillet, des milliers de lycéen·ne·s, dont beaucoup avaient moins de 18 ans, ont été emmenés au lycée Warsai-Yikealo, au sein du centre d’entraînement militaire de Sawa, pour y suivre leur dernière année d’enseignement. Après avoir passé leurs examens de fin de scolarité, les élèves étaient contraints de rester au centre de Sawa pour y suivre un entraînement militaire. Les élèves accusés d’infractions mineures au règlement du lycée Warsai-Yikealo et les appelé·e·s du centre d’entraînement étaient régulièrement soumis à des châtiments corporels s’apparentant à de la torture et à d’autres mauvais traitements. Les allégations de violences sexuelles commises par des commandants militaires du centre étaient aussi fréquentes. L’objection de conscience au service militaire n’était pas autorisée.
Droit à la santé
L’Érythrée restait le seul pays d’Afrique, et l’un des seuls pays au monde, à ne pas communiquer d’informations sur l’administration des vaccins anti-COVID-19 sur son territoire. Le pays ne s’est pas procuré de vaccins par l’intermédiaire du dispositif COVAX, un mécanisme mondial de partage des risques pour l’achat groupé et la distribution équitable des vaccins anti-COVID-19.