Boznie-Herzégovine - Rapport annuel 2022

Bosnie-Herzégovine
Chef·fe·s de l’État : présidence tripartite tournante exercée par Denis Bećirović, Željko Komšić et Željka Cvijanović
Cheffe du gouvernement : Borjana Krišto (a remplacé Zoran Tegeltija en décembre)

Les menaces visant les journalistes et les défenseurs·es des droits humains ont persisté. Les conditions d’accueil des personnes réfugiées et migrantes se sont améliorées, mais nombre d’entre elles dormaient encore dehors. Le Conseil des ministres a adopté des plans d’action en faveur de l’intégration des Roms et pour les droits des personnes LGBTI. Les victimes civiles de la guerre avaient toujours beaucoup de mal à obtenir justice et à se voir accorder des réparations.

Contexte

La Bosnie-Herzégovine restait plongée dans une crise politique. Plusieurs partis politiques de la Republika Srpska ont menacé de démanteler les institutions étatiques. Le gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine est parvenu au terme de son mandat, réduit à la gestion des affaires courantes. Au mois d’octobre, le haut représentant a imposé plusieurs modifications à la Constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et à la Loi électorale de la Bosnie-Herzégovine, avec pour objectif d’« améliorer la fonctionnalité » des institutions de la Fédération. Certaines voix se sont élevées pour dénoncer le fait que ces changements étaient susceptibles d’aggraver les clivages ethniques. L’UE a attribué en décembre à la Bosnie-Herzégovine le statut officiel de candidate à l’adhésion à l’UE.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Les organes de presse et les journalistes travaillant sur des affaires de corruption ou de crimes de guerre continuaient de faire l’objet de pressions politiques, d’actes de harcèlement et de menaces. Plusieurs personnalités politiques se sont livrées à des campagnes de dénigrement des journalistes, les exposant à un regain de menaces, proférées en ligne ou en personne. Le directeur de la police de la fédération, Zoran Čegar, a été suspendu en novembre, après avoir menacé une journaliste de lui « trancher la gorge ».

La Cour constitutionnelle a estimé en septembre que la chaîne de radiotélévision publique de la Republika Srpska RTRS s’était rendue coupable de diffamation à l’égard du journaliste Vladimir Kovačević, agressé et grièvement blessé alors qu’il couvrait des manifestations de masse dans la ville de Banja Luka, en 2018. Les actes dont cet homme a été victime pourraient être la conséquence de la campagne de dénigrement dont il avait fait l’objet.

Dans le classement mondial de la liberté de la presse, la Bosnie-Herzégovine est passée de la 58e à la 67e place.

Des personnalités politiques et des entreprises ont intenté des actions en diffamation pour intimider des journalistes et des défenseur·e·s des droits humains. En avril, une entreprise belge a attaqué en justice deux militantes écologistes qui s’étaient inquiétées de l’impact des centrales hydroélectriques de cette société sur la rivière Kasindolska. Elle leur a réclamé des dommages et intérêts abusifs.

La législation sur le droit à la liberté de réunion pacifique variait selon les régions et, de manière générale, n’était pas conforme aux normes internationales. Au mois de mai, la police de la Republika Srpska a interdit un défilé pacifique destiné à marquer le 30e anniversaire des persécutions dont ont été victimes les Bosniaques et les Croates à Prijedor pendant la guerre. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a estimé que la décision de la police constituait une violation du droit à la liberté de réunion pacifique.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Les autorités ont enregistré environ 27 000 arrivées cette année, contre 16 000 en 2021. Quelque 1 300 personnes, originaires essentiellement d’Afghanistan, étaient toujours présentes en Bosnie-Herzégovine à la fin de l’année.

De manière générale, les conditions d’accueil se sont améliorées, mais les institutions clés chargées des questions de migration ne disposaient toujours pas de moyens suffisants et avaient beaucoup de mal à gérer les centres d’accueil sans l’aide de l’Organisation internationale pour les migrations. Les autorités manquaient à leur devoir de partager la responsabilité de l’hébergement des demandeurs et demandeuses d’asile sur l’ensemble du territoire, et la plupart se retrouvaient bloqué·e·s dans le canton d’Una-Sana.

L’augmentation inattendue des arrivées à partir du mois d’août et le taux de renouvellement élevé observé dans les centres d’accueil ont également eu des conséquences pour la mise en place d’un soutien sur le long terme des personnes hébergées.

Si la plupart des personnes réfugiées ou migrantes ont pu être logées dans des centres d’accueil, plusieurs centaines, dont des familles avec enfants, ont dormi dehors près de la frontière, essentiellement dans le canton d’Una-Sana, sans accès suffisant aux services les plus essentiels, tels que l’eau, la nourriture, des installations sanitaires, le chauffage ou les soins médicaux. Des militant·e·s ont signalé que les pouvoirs publics les avaient empêchés de distribuer de l’aide humanitaire à des personnes qui se trouvaient hors des centres d’accueil.

Les mesures discriminatoires imposées par les autorités cantonales en 2020 restaient en vigueur. Les personnes réfugiées ou migrantes n’avaient pas le droit de circuler librement, de se rassembler dans les lieux publics et de prendre les transports en commun.

Le système d’asile restait largement inefficace, le traitement des demandes durant en moyenne plus de 400 jours. Le nombre de réponses positives était toujours aussi faible : pas une seule personne n’a obtenu le statut de réfugié·e en 2022.

À l’inverse, les demandes des Ukrainiens et Ukrainiennes qui sollicitaient la protection de la Bosnie-Herzégovine étaient rapidement traitées. Les personnes originaires d’Ukraine se sont vu délivrer une protection subsidiaire, plutôt que le statut de réfugié·e. Cette situation ne leur donnait pas accès à l’ensemble des droits les plus élémentaires, comme le droit au regroupement familial ou le droit de disposer de documents de voyage.

Discrimination

Roms

Le Conseil des ministres a adopté en avril un plan d’action destiné à favoriser l’intégration sociale des Roms, afin de réduire les inégalités dont souffraient ces personnes en matière d’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation et aux services de santé.

Les autorités n’ont pas donné suite à plusieurs arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, qui concluaient que les dispositions sur le partage du pouvoir énoncées dans la Constitution étaient discriminatoires. Celles-ci interdisaient aux personnes n’appartenant pas à l’un des trois peuples dits « constitutifs » du pays (les Bosniaques, les Croates et les Serbes) de se porter candidates à des fonctions législatives ou exécutives.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Le Conseil des ministres a adopté en juillet son premier plan d’action en faveur des droits des personnes LGBTI, destiné à renforcer la protection contre les discriminations dont elles faisaient l’objet.

Un tribunal de Sarajevo a confirmé qu’une ancienne membre de l’Assemblée cantonale de la ville s’était rendue coupable de discrimination à l’égard de personnes LGBTI. C’était la première fois qu’une cour de justice de Bosnie-Herzégovine se prononçait sur des faits de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

Près de 500 affaires portant sur des crimes de droit international perpétrés pendant le conflit armé de 1992-1995 et impliquant plus de 4 000 suspect·e·s étaient toujours en attente devant les tribunaux. Le manque de moyens, les lacunes systémiques des différents parquets et une coopération régionale erratique continuaient d’entraîner de très importants retards et amenuisaient les espoirs de bien des victimes d’obtenir un jour justice, de savoir la vérité et de bénéficier de réparations de leur vivant.

Les autorités n’ont pas mis en place de programme de réparations d’ampleur nationale en faveur des victimes civiles de la guerre. L’accès à un soutien social, et notamment à une allocation d’invalidité, dépendait du lieu de résidence de la victime et variait considérablement selon les différentes régions du pays.

Les autorités n’ont pas appliqué la décision prise en 2019 par le Comité contre la torture [ONU], qui priait instamment la Bosnie-Herzégovine d’accorder des réparations immédiates et complètes à toutes les personnes qui avaient été victimes de violences sexuelles pendant la guerre.

En Republika Srpska, des personnes victimes de viol pendant la guerre qui ont perdu leur procès en indemnisation devant les tribunaux civils du fait des délais de prescription en vigueur ont dû s’acquitter de frais de justice exorbitants, et certaines ont même fait l’objet de saisies. La commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a demandé à ce qu’il soit mis un terme à cette pratique de toute urgence.

Plus de 7 500 personnes étaient toujours portées disparues en raison du conflit armé.

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