Bulgarie - Rapport annuel 2022

République de Bulgarie
Chef de l’État : Roumen Radev
Chef du gouvernement : Galab Donev (a remplacé Kiril Petkov en août)

La liberté des médias s’est encore dégradée, des journalistes ayant fait l’objet de menaces, d’actes d’intimidation et de poursuites abusives. Des personnes migrantes ou demandeuses d’asile ont subi des renvois forcés illégaux (pushbacks). La violence domestique a augmenté. Les tribunaux ont estimé que des Roms avaient été victimes de discriminations lors d’émeutes en 2019. Les personnes en situation de handicap étaient victimes de discriminations persistantes.

Contexte

La coalition réformatrice dirigée par Kiril Petkov a été renversée par une motion de censure au mois de juin, ce qui a entraîné des élections législatives anticipées en octobre. Galab Donev a endossé le rôle de Premier ministre intérimaire à partir du mois d’août. Le parti de l’ancien Premier ministre Boïko Borissov, le GERB, est arrivé en tête des législatives, sans toutefois obtenir une nette majorité des sièges, plongeant le pays dans une crise politique qui semblait appelée à durer.

Liberté d’expression

Les journalistes et les collaborateurs·trices d’organes de presse indépendants travaillant sur la criminalité organisée, la corruption ou les droits des minorités faisaient l’objet de menaces persistantes et d’actes de harcèlement. Ils étaient fréquemment victimes d’actions en justice abusivement intentées par des responsables des pouvoirs publics et des personnalités du monde des affaires. Selon une enquête de l’Association des journalistes européens, un·e journaliste sur deux avait fait l’objet de pressions et un·e sur 10 avait été menacé de poursuites devant les tribunaux. Ce climat avait un effet dissuasif sur les journalistes, qui avaient de plus en plus tendance à se censurer. Les journalistes et les défenseur·e·s des droits humains vivant ailleurs que dans la capitale, Sofia, étaient particulièrement susceptibles d’être victimes d’actes d’intimidation.

Les grands organes de presse restaient contrôlés par des personnalités politiques et des oligarques, ce qui compromettait davantage encore l’indépendance de leur ligne éditoriale et limitait l’accès à l’information.

Le Parlement a adopté en novembre, en première lecture, un certain nombre de modifications destinées à mettre le Code pénal en conformité avec les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la liberté d’expression. Ces modifications prévoyaient la suppression d’une disposition indiquant que la diffamation à l’encontre d’un·e responsable des pouvoirs publics était une circonstance aggravante, ainsi que la réduction des montants disproportionnés des amendes infligées pour diffamation.

En novembre, le parti Renaissance a soumis une proposition de loi aux termes de laquelle les personnes et organisations recevant un soutien financier de sources étrangères seraient désormais publiquement qualifiées d’« agents de l’étranger », soumises à une amende en cas de non-divulgation de dons reçus de l’étranger et interdites de toute activité politique ou pédagogique. Plusieurs organisations de la société civile ont mis en garde contre ce texte qui, s’il était adopté, constituerait une menace pour la liberté d’expression et d’association.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Le nombre de personnes réfugiées et migrantes se présentant à la frontière turque a fortement augmenté. Les autorités ont enregistré plus de 85 000 arrivées, soit plus de deux fois plus qu’en 2021. Les renvois sommaires, parfois accompagnés de violences, restaient très fréquents.

Plusieurs organisations de défense des droits fondamentaux ont dénoncé les pratiques discriminatoires qui continuaient d’avoir cours au sein du dispositif d’asile, les demandes des ressortissant·e·s de certains pays, comme l’Afghanistan, l’Algérie, le Bangladesh, le Maroc ou la Tunisie étant systématiquement rejetées.

La Bulgarie a accueilli près d’un million de personnes de nationalité ukrainienne, essentiellement des femmes et des enfants, et accordé l’accès aux soins de santé, aux services sociaux et à l’éducation aux 150 000 personnes qui avaient fait une demande de protection temporaire. De nombreuses personnes réfugiées sont parties après septembre, sur fond d’incertitude croissante quant à la prolongation du programme d’hébergement en hôtel mis en place par le gouvernement. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a instamment prié les autorités de trouver une solution d’hébergement durable pour les réfugié·e·s.

À plusieurs reprises, les autorités bulgares ont installé à titre provisoire des réfugié·e·s ukrainien·ne·s, y compris des familles avec enfants, dans un centre d’hébergement temporaire situé à Elkhovo. Or, ce centre avait été initialement conçu pour placer en détention des personnes entrées clandestinement sur le territoire. Le Comité Helsinki de Bulgarie (ONG) a dénoncé les conditions de vie inappropriées et indignes qui y régnaient.

En août, une cour d’appel de Varna a annulé une décision prise par un tribunal de district, qui s’était prononcé en faveur de l’extradition vers la Russie d’Alexeï Altchine, un ressortissant russe qui avait critiqué l’invasion de l’Ukraine par son pays. La cour d’appel a estimé qu’étant donné ses convictions politiques, Alexeï Altchine risquait d’être victime de violations de ses droits fondamentaux à son retour.

Violences sexuelles ou fondées sur le genre

Les cas de violence domestique, qui avaient fortement augmenté pendant la pandémie de COVID-19, ont continué de se multiplier.

Les modifications de la Loi relative à la protection contre les violences domestiques et du Code pénal, destinées à mieux harmoniser la législation nationale avec les normes internationales et à renforcer la protection des victimes, n’avaient toujours pas été adoptées à la fin de l’année.

La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a demandé aux autorités de se consacrer de toute urgence au problème que posait le manque aigu de services de soutien aux victimes de la violence domestique partout en Bulgarie.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

En juin, un tribunal de Sofia a condamné Boyan Rassate, candidat de l’Union nationale bulgare aux élections présidentielles de 2021, à une amende de 3 000 leva, soit l’équivalent de 1 500 euros, pour le saccage d’un centre associatif LGBTI, le Rainbow Hub, en 2021. Les locaux de ce centre avaient été vandalisés et une militante agressée. Boyan Rassate a cependant été relaxé du chef d’agression.

La Cour européenne des droits de l’homme a demandé en juin à la Bulgarie de verser une indemnisation à la mère d’un jeune homme tué en 2008 lors d’une attaque homophobe.

Conformément à la décision de la Cour, le Conseil des ministres a proposé en décembre de modifier le Code pénal en vue de faire reconnaître l’homophobie comme une circonstance aggravante dans le cas de certaines infractions commises contre des personnes, notamment le meurtre.

Les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour élaborer une stratégie et un plan d’action de portée nationale destinés à lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Discrimination

La Cour européenne des droits de l’homme a estimé en octobre que les autorités bulgares avaient violé le droit à la vie privée et à une vie de famille des habitant·e·s roms de la localité de Voïvodinovo, qui avaient été chassés de chez eux lors de violentes manifestations hostiles à cette communauté, en 2019. La Cour a ordonné à la Bulgarie d’indemniser les victimes. La Commission pour la protection contre la discrimination a estimé en août que l’expulsion des Roms de Voïvodinovo constituait un acte de discrimination.

La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance a instamment prié les autorités de faire preuve de plus de résolution dans la lutte contre les discours de haine et les préjugés à l’égard des Roms.

Droit au respect de la vie privée

La Cour européenne des droits de l’homme a estimé, dans un arrêt pris au mois de janvier, que la législation de la Bulgarie sur la surveillance secrète était contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a considéré que cette législation n’apportait pas les garanties nécessaires permettant d’éviter les cas de surveillance arbitraire ou abusive, et que les contrôles censés éviter l’accès non nécessaire et disproportionné aux données enregistrées n’étaient pas suffisants.

Droits des personnes en situation de handicap

La Cour européenne des droits de l’homme a émis deux arrêts, dans des affaires distinctes, concluant que la Bulgarie avait violé le droit de vote de deux personnes en situation de handicap mental et sous curatelle. Elle a estimé que l’interdiction totale, de fait, pour les personnes en situation de handicap mental de voter était disproportionnée et injustifiée. La Cour constitutionnelle bulgare a refusé de procéder à l’interprétation de la législation nationale concernant le droit de vote des personnes en situation de handicap mental, déclarant que les dispositions pertinentes inscrites dans la Constitution étaient suffisamment claires.

Les autorités ont réitéré leur volonté de fermer les institutions spécialisées pour adultes en situation de handicap. Plusieurs organisations de défense des droits fondamentaux ont cependant souligné que le gouvernement devait améliorer les services de proximité, pour fournir une solution digne susceptible de remplacer les institutions d’accueil collectif.

En juin, le Comité européen pour la prévention de la torture a instamment prié la Bulgarie de prendre de toute urgence des mesures pour remédier aux conditions de vie et à l’hygiène déplorables qui régnaient dans les foyers d’accueil.

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