Kazakhstan - Rapport annuel 2022

République du Kazakhstan
Chef de l’État : Kassym-Jomart Tokaïev
Chef du gouvernement : Alikhan Smaïlov (a remplacé Askar Mamine en janvier)

Les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association ont été limités de manière injustifiée, notamment lors des grandes manifestations du mois de janvier. Les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive contre des manifestant·e·s pacifiques, faisant plusieurs dizaines de morts et de blessés. Des manifestant·e·s ont été arrêtés arbitrairement et torturés en détention. De manière générale, les responsables de l’application des lois jouissaient d’une totale impunité en cas de violences et de mauvais traitements sur la personne de manifestant·e·s. Des journalistes qui couvraient les manifestations ont été pris pour cible et certain·e·s ont été arrêtés. Le Kazakhstan a aboli la peine de mort pour tous les crimes.

Contexte

Des manifestations ont éclaté en janvier dans tout le pays après la suppression des prix subventionnés du carburant. Les affrontements et le recours par les autorités à une force létale ont fait plus de 200 morts parmi la population civile.

Le 5 janvier, le président de la République, Kassym-Jomart Tokaïev, a dissous le gouvernement et renvoyé plusieurs hauts responsables considérés comme proches de l’ancien chef de l’État, Noursoultan Nazarbaïev, qui a quant à lui été démis de ses fonctions à la tête du Conseil de sécurité et de Nour Otan, le parti au pouvoir.

Deux séries de modifications constitutionnelles ont été adoptées, le 8 juin et le 17 septembre. Celles-ci restreignaient les pouvoirs du chef de l’État, qui ne pouvait plus exercer qu’un seul mandat d’une durée de sept ans, créaient un poste de défenseur des droits, modifiaient la structure du gouvernement et redonnaient à la capitale du pays, un temps rebaptisée Nour-Soultan, son ancien nom d’Astana.

Lors d’élections anticipées, le 20 novembre, Kassym-Jomart Tokaïev a été réélu président du Kazakhstan, avec officiellement 81 % des voix. Les observateurs et observatrices de l’OSCE ont critiqué l’absence de pluralisme de ce scrutin et noté que les restrictions pesant sur le droit à la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information avaient limité la possibilité pour les électeurs et électrices de faire leur choix en connaissance de cause.

Liberté de réunion

Des manifestations de grande ampleur ont éclaté le 2 janvier, après une forte augmentation du prix du carburant. Rapidement, les revendications, initialement économiques, se sont étendues au domaine politique et à la lutte contre la corruption. De nombreux manifestant·e·s exigeaient notamment que l’ancien président, Noursoultan Nazarbaïev, qui conservait une influence politique et économique considérable malgré sa démission en 2019, soit réellement écarté du pouvoir.

Les manifestant·e·s étaient majoritairement pacifiques, mais un certain nombre ont commis des actes de violence dans plusieurs villes, dont Almaty. Les autorités ont répondu à la contestation par des vagues d’arrestations arbitraires et un recours excessif à la force. Elles ont notamment utilisé des balles en caoutchouc et tiré à balles réelles. Le 5 janvier, le président Kassym-Jomart Tokaïev a décrété l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire national, avec instauration d’un couvre-feu la nuit. Il a qualifié les manifestant·e·s de « terroristes » et a déployé l’armée pour les disperser. Plus de 10 000 manifestant·e·s ont été arrêtés. Nombre d’entre eux ont été maltraités, notamment roués de coups et détenus dans des conditions inhumaines. Plus de 3 000 personnes ont été placées en détention administrative pour des durées pouvant atteindre 15 jours. Environ 1 600 ont fait l’objet de poursuites judiciaires, généralement pour « participation à des émeutes » et diverses autres infractions impliquant des violences.

Le 27 octobre, le Parlement a adopté une loi d’amnistie en faveur des personnes poursuivies pour leur rôle dans les événements de janvier. Selon les pouvoirs publics, jusqu’à 1 071 prévenu·e·s ont bénéficié de cette amnistie, qui ne s’appliquait pas aux personnes accusées de terrorisme, d’extrémisme, d’avoir organisé des d’émeutes, de corruption ou de torture.

La législation relative aux rassemblements pacifiques était toujours abusivement restrictive. Elle autorisait les pouvoirs publics à interdire arbitrairement les manifestations indésirables sous des prétextes vagues ou purement techniques, ce qu’ils faisaient fréquemment. Selon plusieurs groupes locaux de défense des droits humains, le pouvoir aurait refusé d’autoriser au moins 154 manifestations pacifiques en 2022. Les forces de l’ordre procédaient régulièrement à des « arrestations préventives » de manifestant·e·s potentiels, souvent de façon arbitraire.

Recours excessif à la force

En janvier, les forces de sécurité ont fait usage de balles de caoutchouc et d’armes à feu, de manière indiscriminée et illégale, aussi bien contre des manifestant·e·s pacifiques et de simples passant·e·s que contre des groupes violents ou des personnes se livrant à des pillages. Le président de la République a de fait approuvé cette pratique en déclarant publiquement, le 7 janvier, qu’il avait ordonné à la police et à l’armée de tirer sans sommation. Selon les chiffres officiels, au moins 219 civil·e·s et 19 membres des forces de l’ordre ont été tués pendant ces événements.

L’armée a été déployée pour assurer des fonctions de maintien de l’ordre face au mouvement de contestation, alors qu’elle ne disposait ni de la formation ni des équipements nécessaires pour ce type de tâche. De nombreux cas de personnes abattues par des hommes armés alors qu’elles circulaient à pied ou en voiture pendant le couvre-feu ont été signalés. Au moins une partie de ces tirs serait imputable à des membres des forces gouvernementales. La plupart de ces actes n’avaient toujours pas fait l’objet d’enquêtes à la fin de l’année. L’amnistie adoptée le 27 octobre risquait de permettre aux agents responsables de ces homicides d’échapper aux poursuites judiciaires.

Torture et autres mauvais traitements

Nombre de personnes arrêtées en raison de leur participation aux manifestations de janvier ont subi des mauvais traitements, dont des actes de torture, aux mains de responsables de l’application des lois. Beaucoup ont été détenues dans des lieux qui n’étaient pas conçus à cet effet, tels que des gymnases, ou dans des cellules bondées, contraintes de rester debout dans des positions inconfortables, de dormir à même le sol, sans nourriture ni eau ou presque, et privées de soins médicaux, entre autres violations de leurs droits. Il était fréquent que des agents des forces de sécurité, souvent vêtus d’uniformes noirs dépourvus de tout insigne, frappent les détenu·e·s à leur arrivée dans les centres de détention, puis tout au long de leur incarcération.

Selon plusieurs groupes locaux de défense des droits fondamentaux, des centaines de personnes ont été torturées et, plus généralement, maltraitées en détention, dans le but de leur arracher des « aveux » ou de punir certains individus en particulier. Parmi les pratiques signalées, citons les coups, les décharges électriques, les brûlures infligées avec un fer à vapeur, la suffocation à l’aide d’un sac en plastique sur la tête, ou encore les aiguilles plantées sous les ongles. Les autorités ont reconnu que six personnes étaient mortes en détention au mois de janvier des conséquences de « méthodes d’interrogatoire non autorisées ».

Les pouvoirs publics n’ont pas mené d’enquêtes effectives, impartiales et approfondies sur les allégations de torture et d’autres mauvais traitements, y compris en cas de décès. Même lorsqu’une enquête était officiellement ouverte, elle débouchait rarement sur des poursuites. Selon les autorités, plus de 300 cas de torture faisaient l’objet d’investigations. Or, au mois d’octobre, seuls 49 responsables de l’application des lois avaient été poursuivis pour des faits commis en relation avec les événements de janvier. Le procès à Taldykorgan de cinq policiers accusés d’avoir torturé 24 détenu·e·s, dont deux mineurs, faisait figure d’exception.

Le 12 janvier, les autorités ont arrêté la défenseure des droits humains Raïgoul Sadyrbaïeva, qui surveillait en qualité d’observatrice le déroulement des manifestations dans la ville de Semeï, et l’ont inculpée de façon mensongère de participation à une émeute. Placée en détention au secret pendant deux semaines, elle a été maltraitée, soumise à un simulacre d’exécution, menacée de viol et privée de soins médicaux, dans le but de la contraindre à s’accuser elle-même. Elle est restée en détention provisoire jusqu’au 14 mars, date à laquelle elle a été placée en résidence surveillée. Elle a été remise en liberté au mois de septembre mais soumise à une interdiction de voyager. La procédure engagée contre elle était toujours en cours à la fin de l’année. Les autorités auraient refusé en octobre d’enquêter sur ses allégations de torture, prétextant l’absence d’éléments constitutifs d’une infraction pénale.

Liberté d’expression

Des responsables de l’application des lois ont procédé à l’arrestation arbitraire de journalistes qui couvraient les manifestations de janvier. Plusieurs de ces journalistes ont été placés en détention administrative pour « participation à une manifestation publique illégale ».

Les restrictions imposées à la presse ont persisté toute l’année. Des membres des forces de l’ordre ont arrêté le 3 juillet le journaliste indépendant Makhambet Abjan, accusé d’avoir extorqué de l’argent à un homme d’affaires local. Il était à craindre que ces accusations soient en réalité destinées à le punir pour son attitude critique à l’égard des autorités. Il se trouvait toujours en détention à la fin de l’année.

Liberté d’association

La participation aux activités d’organisations arbitrairement qualifiées d’« extrémistes » restait une infraction sanctionnée par l’article 405 du Code pénal, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à six ans d’emprisonnement. Seize personnes ont été traduites en justice pour ce motif entre janvier et octobre, contre 66 au cours de la même période en 2021.

Le 25 février, la police a arrêté Janbolat Mamaï, chef du Parti démocratique du Kazakhstan, un parti d’opposition. Cet homme a dans un premier temps été placé en état d’« arrestation administrative » pour avoir organisé un rassemblement pacifique à la mémoire des personnes tuées lors des événements de janvier. Inculpé de plusieurs infractions pénales, il a ensuite été transféré en détention provisoire le 14 mars, puis assigné à domicile le 2 novembre. Il était toujours en résidence surveillée à la fin de l’année. Janbolat Mamaï était accusé de « diffusion de fausses informations en connaissance de cause », d’« outrage à fonctionnaire » et de « violation de la réglementation relative à l’organisation et à la tenue de rassemblements pacifiques ». Toutes ces accusations concernaient en fait la manière dont il avait légitimement exercé ses droits fondamentaux.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Des milliers de Russes ont fui vers le Kazakhstan après l’invasion de grande ampleur de l’Ukraine par la Russie le 24 février. Ils y bénéficiaient d’une autorisation d’entrée et de séjour de 90 jours sur simple présentation de leur passeport national. Environ 20 000 d’entre eux sont arrivés au Kazakhstan avant le 21 septembre, date du début de la mobilisation en Russie, et jusqu’à 200 000 après. Beaucoup sont cependant repartis par la suite ou ont gagné d’autres pays.

Les autorités du Kazakhstan ont promis assistance aux personnes arrivant de Russie et se sont généralement efforcées de leur trouver un hébergement, notamment en créant des centres d’enregistrement supplémentaires et en ouvrant des foyers d’accueil temporaires. Elles ont proposé en octobre de conditionner l’octroi d’un permis de séjour aux ressortissant·e·s russes à la présentation d’un passeport international, document délivré par les autorités russes aux personnes se rendant à l’étranger et dont seule une minorité de Russes disposait. Si une telle modification était adoptée, de nombreuses personnes seraient contraintes de repartir en Russie ou de demander l’asile dans le cadre d’une procédure qui restait longue et inefficace.

Peine de mort

Adoptées en décembre 2021, les modifications du Code pénal supprimant toute référence à la peine de mort sont entrées en vigueur le 8 janvier.

Les changements constitutionnels intégrant l’abolition de la peine capitale dans la Constitution ont pris effet le 8 juin.

La ratification par le Kazakhstan du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, visant à abolir la peine de mort, est devenue effective le 24 juin.

Lutte contre la crise climatique

Le secteur énergétique du Kazakhstan dépendait toujours presque exclusivement des combustibles fossiles. En matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement n’a pas actualisé sa contribution déterminée au niveau national datant de 2016.

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