Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement bien connu, a été arrêté à plusieurs reprises au cours de la décennie passée, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011. Mohamed Baker est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il est le directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014. Mohamed Baker et Alaa Abdel Fattah ont été arrêtés le 29 septembre 2019 et placés en détention provisoire dans l’attente d’une enquête pour de fausses accusations liées au terrorisme, dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019 instruite par le service du procureur général de la sûreté de l’État, une division du parquet spécialisée dans les enquêtes sur les menaces pour la sécurité nationale.
Le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert des investigations à leur encontre pour des charges similaires dans le cadre d’une nouvelle affaire (n° 1228/2021), recourant à une stratégie de plus en plus utilisée par les autorités, connue sous le nom de « rotation », pour contourner la durée maximale de détention provisoire autorisée par la législation égyptienne, fixée à deux ans, et prolonger indéfiniment la détention des militants. Leur procès dans l’affaire n° 1228/2021 a débuté le 28 octobre 2021, avec un troisième prévenu : le blogueur et militant Mohamed Ibrahim Radwan, alias Mohamed « Oxygen », également accusé de « diffusion de fausses informations » en raison de publications sur les réseaux sociaux, et condamné à quatre ans de prison.
Les procédures qui se déroulent devant les tribunaux d’exception sont intrinsèquement iniques, car les décisions de ces tribunaux ne sont pas susceptibles d’appel devant une juridiction supérieure. Les avocats de la défense n’ont pas été autorisés à communiquer en privé avec les accusés ni à photocopier les dossiers et actes d’inculpation. Le 3 janvier 2022, le président a ratifié le jugement rendu contre les trois hommes. Selon un document qu’Amnesty International a pu consulter, l’application de leur peine a débuté à compter de la date de ratification, et non de la date de leur arrestation.
Alaa Abdel Fattah et Mohamed Baker ont été détenus dans des conditions inhumaines à la prison de haute sécurité n° 2 de Tora, au Caire, à partir de septembre 2019 et respectivement jusqu’en mai et octobre 2022. Les autorités carcérales les ont placés dans des cellules exiguës et mal ventilées, sans lit ni matelas. En outre, ils ont été privés de tout support de lecture, d’exercice physique dans la cour, de vêtements adaptés, de radio, de montre, d’eau chaude et d’effets personnels, notamment de photos de famille. Le 12 mai 2022, Alaa Abdel Fattah a dit à sa mère que le directeur adjoint de la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora l’avait battu alors qu’il était menotté.
Le 18 mai, il a été transféré à la prison de Wadi el Natroun à la suite de pressions considérables exercées par le public. Le 2 octobre 2022, Mohamed Baker a quant à lui été transféré à la prison Badr 1, où les prisonniers se plaignent d’être constamment sous vidéosurveillance et soumis à des lumières trop vives. Le 10 avril 2023, les autorités de la prison Badr 1 l’ont déshabillé, frappé et maltraité, avant de le placer en détention à l’isolement. Par ailleurs, son épouse, Neama Hisham, a également été arrêtée le 17 avril et gardée pendant 13 heures, parce qu’elle avait dénoncé les violences subies par son mari.
Depuis la réactivation par le président en avril 2022 de la Commission des grâces présidentielles, les autorités égyptiennes ont libéré des prisonniers et prisonnières d’opinion de premier plan, ainsi que des centaines de personnes détenues pour des raisons politiques. Cependant, des milliers d’autres personnes sont toujours détenues arbitrairement pour avoir simplement exercé leurs droits humains ou à la suite de procès manifestement iniques ou sans fondement juridique. Avant la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27), des centaines de personnes ont été arrêtées et placées en détention provisoire dans l’attente des résultats d’une enquête, en raison de leurs appels à manifester pacifiquement le 11 novembre.
Durant la COP27, des voix se sont élevées pour appeler les autorités égyptiennes à libérer Alaa Abdel Fattah, qui menait une grève de la faim depuis sept mois lorsque la conférence a débuté le 6 novembre 2022. Le 8 novembre, le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Volker Türk a notamment exprimé un profond regret face à la détention prolongée d’Alaa Abdel Fattah et a demandé sa libération immédiate, en exhortant les autorités à lui apporter tous les soins nécessaires. Alaa Abdel Fattah a débuté sa grève de la faim le 2 avril 2022, pour protester contre son incarcération injuste et contre la privation de visites consulaires dont il fait l’objet.
Le 1er novembre 2022, il a intensifié sa grève de la faim et cessé de consommer les 100 calories qu’il recevait quotidiennement depuis le mois d’avril. Le 6 novembre, il a cessé de boire de l’eau. Le 11 novembre, il a perdu connaissance sous la douche, et lorsqu’il est revenu à lui, il était tenu par un codétenu, entouré par une large foule, et un tube avait été inséré dans son corps. Après cette expérience de mort imminente, il a décidé de ne pas reprendre sa grève de la faim tout de suite, mais a promis de continuer « si aucune avancée réelle n’était faite sur son dossier ».
Le 24 mars 2023, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a publié ses observations finales sur le respect par l’Égypte de ses obligations au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), mettant en avant plusieurs points soulevés depuis 2013 par Amnesty International et d’autres groupes égyptiens et internationaux de défense des droits humains, notamment la détention arbitraire et l’utilisation abusive de la législation antiterroriste en vue de réduire au silence les détracteurs avérés ou supposés des autorités égyptiennes.