Écrire Des agriculteurs risquent la prison pour outrage au drapeau national

Deux agriculteurs, Sawin et Sukma, ont été arrêtés et placés en garde à vue par la police le 24 septembre 2018 pour avoir « outragé le drapeau national », ce qu’ils démentent. Les deux hommes protestent contre la création d’une centrale thermique au charbon à proximité de leurs terres agricoles, dans la province de Java-Ouest. Sawin et Sukma sont détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux ; ce sont par conséquent des prisonniers d’opinion, qui doivent en tant que tels être libérés immédiatement et sans condition.

Sawin et Sukma ont été arrêtés et placés en garde à vue par la police du kabupaten (subdivision administrative de la province) d’Indramayu le 24 septembre 2018, puis inculpés au titre de l’article 24(a) de la Loi n° 24/2009 relative au drapeau, à la langue et au symbole de l’État, et à l’hymne national. Les charges étaient fondées sur un rapport indiquant que Sawin et Sukma avaient mis le drapeau national indonésien à l’envers le 14 décembre 2017, ce qu’ils démentent. Le 17 décembre 2017, la police les avait déjà arrêtés, ainsi qu’un autre agriculteur, pour les mêmes charges, mais elle les avait relâchés le jour même après une enquête poussée.

En mai 2015, le bupati (chef administratif) du kabupaten d’Indramayu a délivré un permis environnemental autorisant la construction de la centrale thermique au charbon. En juillet 2017, des personnes affectées par la construction de la centrale, dont Sawin et Sukma, ont saisi le tribunal administratif de Bandung pour demander l’annulation du permis environnemental, faisant valoir qu’il était contraire à certaines lois sur l’environnement. Cette juridiction leur a donné gain de cause le 6 décembre 2017. Pour célébrer la décision du tribunal, Sawin, Sukma et d’autres villageois ont installé des drapeaux nationaux le 14 décembre 2017 sur des terres agricoles. Le lendemain, Sawin a été informé par un autre agriculteur qu’un de ses drapeaux était à l’envers. Certain d’avoir placé le drapeau dans le bon sens, Sawin est allé vérifier sur place et a constaté que certains des drapeaux avaient disparu.

Le 24 septembre 2018, la police les a inculpés d’« outrage au drapeau national ». Ils ont été placés en détention provisoire par le parquet, et leur procès doit s’ouvrir dans quelques semaines. Ils encourent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement ou une amende de 500 millions de roupies indonésiennes (33 500 dollars des États-Unis). C’est la première fois que l’article 24(a) de la Loi n° 24/2009 est utilisé pour incriminer des militants en Indonésie.

Dans la nuit du 16 au 17 décembre 2017, à 1 h 15, quatre policiers du kabupaten d’Indramayu sont venus dans le village de Mekarsari et ont arrêté trois agriculteurs pour avoir « outragé le drapeau national » que ceux-ci avaient installé trois jours auparavant. La police s’est présentée avec un mandat d’arrêt qui concernait uniquement Sawin, mais elle a finalement appréhendé aussi les deux autres agriculteurs, Sukma et Nanto. Selon un témoin, les policiers ont défoncé à coups de pied la porte de la maison de Nanto pour pouvoir l’arrêter.

Onze jours plus tôt, le 6 décembre 2017, le tribunal administratif de la ville de Bandung (province de Java-Ouest) avait décidé d’annuler le permis environnemental de la centrale au charbon d’Indramayu, suspendant de ce fait la construction de la centrale. L’action intentée par les militants du Réseau pour un Indramayu sans fumée (Indramayu Smoke Free Network, JATAYU), dont Sawin et Sukma sont membres, mettait en avant les répercussions de la construction de la centrale électrique sur la rizière et divers problèmes de santé parmi les riverains, comme des infections respiratoires et des maladies de peau. Entre 2015 et 2017, Sawin et Sukma ont organisé une série d’actions de protestation contre la construction de la centrale.

L’article 24(a) de la Loi n° 24/2009 relative au drapeau, à la langue et au symbole de l’État, et à l’hymne national dispose qu’« il est interdit à quiconque de déchirer, piétiner, brûler le drapeau national ou de commettre d’autres actions destinées à le souiller, à l’outrager ou à porter atteinte à sa dignité ». Les infractions à ces dispositions sont passibles d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement ou d’une amende d’un montant maximal de 500 millions de roupies indonésiennes (33 500 dollars des États-Unis).

Les accusations portées contre Sawin et Sukma s’inscrivent dans un contexte plus large. La tendance consistant à harceler les militants ou les défenseurs des droits humains, à les intimider et à les traiter comme des délinquants a contribué à créer un climat de peur. Amnesty International a recueilli des informations montrant que les autorités détournent le système judiciaire indonésien pour intimider les défenseurs des droits humains, au lieu de créer un environnement qui respecte et protège leurs droits fondamentaux et améliore leur capacité à accomplir leur important travail, conformément à la Déclaration de l’Assemblée générale des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, et à leur droit à la liberté d’expression, qui est garanti par la Constitution indonésienne.

Heri Budiawan, militant écologiste connu sous le nom de Budi Pego, a ainsi été condamné à 10 mois d’emprisonnement le 24 janvier 2018 par le tribunal du kabupaten de Banyuwangi (province de Java-Est) pour infraction à l’article 107a du Code pénal indonésien, qui porte sur les « atteintes à la sûreté de l’État ». Il a été déclaré coupable de trois chefs d’accusation principaux : avoir diffusé l’idéologie communiste, ne pas avoir informé la police locale de la tenue d’une manifestation conformément à la Loi n° 9/1998 et, en tant que dirigeant de la manifestation, avoir fait ouvertement la promotion de l’idéologie communiste en affichant le symbole du marteau et de la faucille pendant l’événement. Cette condamnation au titre de dispositions érigeant en infraction la diffusion de l’idéologie communiste, la première depuis que Soeharto a quitté le pouvoir en 1998, établit un précédent dangereux pour les autres militants. Voir également : https://www.amnesty.org/fr/documents/asa21/7884/2018/fr/.

La Constitution indonésienne protège les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Les lois sont cependant régulièrement utilisées pour sanctionner des activités politiques non violentes et emprisonner des personnes ayant simplement exercé de manière pacifique leurs droits aux libertés d’expression, d’opinion, de réunion pacifique, de conscience et de religion.

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