Loujain al Hathloul a été détenue une première fois en Arabie saoudite pendant 10 semaines, parce qu’elle avait franchi la frontière saoudienne depuis les Émirats arabes unis au volant de sa voiture. Elle a comparu devant le Tribunal pénal spécial, la juridiction qui traite les affaires de terrorisme, pour une série de chefs d’inculpation liés au fait qu’elle ait conduit et à son militantisme sur Internet en faveur de la campagne visant à obtenir que les femmes puissent prendre le volant. Elle a été libérée le 12 février 2015, mais sa situation au regard de la justice demeurait floue. Elle a de nouveau été arrêtée le 4 juin 2017, à l’aéroport international du Roi Fahd, à Dammam, alors qu’elle revenait d’un séjour à l’étranger. Interrogée sur ses activités militantes, elle a été libérée quatre jours plus tard. On ignore les conditions précises de cette remise en liberté.
Iman al Nafjan est une blogueuse et défenseure des droits humains qui s’est mobilisée avec détermination pour le droit des femmes de prendre le volant. Aziza al Yousef est elle aussi une figure du combat pour le droit de conduire et pour l’abolition du système de tutelle masculine en Arabie saoudite. Professeure d’université à la retraite, elle œuvre sans relâche pour aider les femmes ayant fui des violences conjugales et des abus. Les deux femmes ont aussi bravé l’interdiction de conduire en 2013 et ont été à maintes reprises interrogées et harcelées en raison de leur travail en faveur des droits humains.
Deux des autres militants arrêtés sont Ibrahim al Modeimigh et Mohammad al Rabea. Ibrahim al Modeimigh, avocat, est mobilisé en faveur des droits des femmes. Mohammad al Rabea est un jeune militant à l’initiative d’un salon littéraire ouvert aux jeunes hommes et jeunes femmes dans la capitale saoudienne Riyadh.
La récente vague d’arrestations est emblématique de la répression visant les défenseurs des droits humains en Arabie saoudite, dans le but de museler la liberté d’expression, d’association et de réunion. Au cours des derniers mois, plusieurs défenseurs ont comparu devant le Tribunal pénal spécial et ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement, ainsi qu’à des interdictions d’utiliser les réseaux sociaux et de voyager, au titre des dispositions de la loi antiterroriste, de ses décrets de suivi et de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité (voir le communiqué de presse Arabie saoudite.
Premières condamnations de défenseurs des droits humains sous la houlette du prince héritier « réformiste » Mohammad Bin Salman https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/01/saudi-arabia-first-human-rights-defenders-sentenced-under-leadership-of-reformer-crown-prince-mohammad-bin-salman/).
Selon les informations dont dispose Amnesty International, le décret royal n° 44/A de février 2014, l’un des décrets de suivi de la loi antiterroriste, a été invoqué pour la première fois en février 2018 lors du procès de défenseurs des droits humains. En février 2018, Essam Koshak, un militant des droits humains connu pour ses contributions sur les réseaux sociaux appelant à des réformes et au respect des droits fondamentaux en Arabie saoudite, et Issa al Nukheifi, un militant des droits humains, ont été condamnés respectivement à quatre ans de prison assortis d’une interdiction de voyager pendant quatre ans, et à six ans de prison assortis d’une interdiction de voyager pendant six ans.
Dans ces deux affaires, le procureur avait requis la peine maximale pour des chefs d’inculpation qui, aux termes du décret royal n° 44/A, emportent jusqu’à 20 ans de réclusion, notamment pour « l’affiliation à des groupes religieux et intellectuels extrémistes ou à des groupes classés comme organisations terroristes au niveau national, régional ou international ».