Écrire L’audience a été fixée pour le prisonnier torturé en détention

Ali Aarrass va comparaître devant la Cour de cassation du Maroc le 29 mars, quatre ans après avoir déposé son recours. Il purge une peine de 12 ans d’emprisonnement prononcée injustement contre lui sur la base d’éléments obtenus au moyen de la torture. Il est maintenu à l’isolement depuis octobre 2016.

Le 29 mars, le prisonnier belgo-marocain Ali Aarrass comparaîtra devant la Cour de cassation, à Rabat. En 2011, la cour d’appel de Rabat l’a déclaré coupable, à l’issue d’un procès manifestement inéquitable, d’appartenir à un groupe criminel et de lui avoir fourni des armes. Ali Aarrass a nié ces accusations, basées sur des « aveux » qui, selon lui, lui ont été extorqués sous la torture.

Les autorités judiciaires ont ordonné des investigations sur ses allégations de torture en 2011 et en 2014, qui ont conclu qu’il n’avait pas été torturé, mais les experts du Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture ont estimé que les examens médicaux qui avaient été pratiqués étaient loin d’être conformes aux normes internationales. Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le médecin légiste indépendant qui se sont rendus auprès d’Ali Aarrass en 2012 l’ont examiné et ont décelé des traces de torture.

En 2013, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a demandé aux autorités marocaines de libérer immédiatement Ali Aarrass, après avoir conclu qu’il avait été déclaré coupable uniquement sur la base d’« aveux » arrachés sous la torture. En 2014, le Comité des Nations unies contre la torture a également conclu que ces « aveux » avaient joué un rôle déterminant dans sa déclaration de culpabilité, en l’absence d’une enquête digne de ce nom sur ses allégations de torture.

Ali Aarrass a été maintenu en détention à l’isolement pendant près de six mois, ce qui représente une détention à l’isolement prolongée aux termes de l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela), et ce, malgré les lettres envoyées par Amnesty International aux autorités marocaines, et les visites du Conseil des droits de l’homme marocain. Depuis son transfert de la prison de Salé II à celle de Tifelt II, le 10 octobre 2016, il est détenu à l’isolement, dans un quartier quasiment vide de la prison. Selon ses proches et ses avocats, il dort sur une dalle en béton, n’a pas de quoi se couvrir suffisamment, n’a droit qu’à une heure de promenade par jour dans la cour de la prison, ne peut prendre qu’une douche par semaine et ne reçoit pas suffisamment de nourriture. Ces conditions de détention très difficile, et le fait qu’il soit tenu à l’écart des autres détenus, ont gravement nui à sa santé déjà fragilisée par six années de détention.

Ali Aarrass a des contacts très limités avec les autres détenus et il est maintenu dans sa cellule individuelle 22 à 23 heures par jour depuis le 10 octobre 2016. Ces conditions s’apparentent à un isolement prolongé au titre de l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela). La détention à l’isolement prolongée et pour une durée indéterminée s’apparente à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au titre des règles Mandela, et ne doit être imposée sous aucun prétexte.

Les autorités marocaines ont à plusieurs reprises nié détenir Ali Aarrass à l’isolement, déclarant qu’il est simplement placé dans une cellule individuelle dans une prison faiblement peuplée. Amnesty International a toutefois expliqué, dans une lettre adressée en novembre 2016 à la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion du Maroc exposant les motifs de préoccupation de l’organisation, que cet isolement constitue une détention à l’isolement même quand il n’a pas un caractère punitif.

Le Maroc a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2014 et il devrait créer d’ici la fin de l’année un mécanisme national de prévention chargé de contrôler tous les lieux de détention.
La détention au Maroc d’Ali Aarrass a débuté après son arrestation le 14 décembre 2010, quand l’Espagne l’a extradé vers le Maroc à la demande des autorités marocaines, et malgré les avertissements du Comité des droits de l’homme de l’ONU et d’Amnesty International, qui avaient signalé qu’il risquait dans ce pays d’être torturé. En juillet 2014, le Comité des droits de l’homme a conclu que l’Espagne avait bafoué ses obligations aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en extradant Ali Aarrass au Maroc.

Le Comité a demandé à l’Espagne d’accorder à Ali Aarrass des réparations satisfaisantes et de faire tout son possible auprès des autorités marocaines afin que sa détention au Maroc soit conforme aux dispositions du droit international et des normes internationales. En 2015, le Comité contre la torture a également déploré l’extradition d’Ali Aarrass en 2010, et demandé à l’Espagne d’enquêter sur les actes de torture qu’il aurait subis. Malgré les nombreuses décisions confirmant les violations des droits humains subies par Ali Aarrass, les autorités marocaines et espagnoles n’ont jusqu’à présent pas accordé de réparations à cet homme.

Par ailleurs, les autorités belges ont demandé à plusieurs reprises – la dernière fois en juin 2016 – à pouvoir rendre visite en prison à Ali Aarrass, mais les autorités marocaines ne leur ont pas répondu favorablement. Ali Aarrass demande depuis plusieurs années aux autorités belges de lui accorder une aide consulaire, ce qu’elles n’ont pas fait dans un premier temps en prétextant sa double nationalité. Or, en septembre 2014, la cour d’appel de Bruxelles leur a ordonné de lui accorder cette aide. Les autorités belges ont déposé un recours contre la décision de la cour d’appel devant la Cour de cassation de la Belgique, qui devrait rendre sa décision au cours des prochains mois.

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