Écrire Des avocats incarcérés pour des accusations à caractère politique

L’avocat tadjik Bouzourgmekhr Yorov et son coaccusé, l’avocat Nouriddin Makhkamov, ont été condamnés le 6 octobre à 23 et 21 ans de prison respectivement. Les charges à leur encontre, motivées par des considérations politiques, sont portées à titre de représailles parce qu’ils ont défendu des membres du Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (PRIT), une formation politique interdite.

L’avocat tadjik Bouzourgmekhr Yorov a été condamné le 6 octobre par le tribunal de Douchanbé à 23 ans d’emprisonnement dans une « colonie pénitentiaire à régime sévère ». Son coaccusé, l’avocat Nouriddin Makhkamov, a lui aussi été condamné le 6 octobre pour des accusations similaires à 21 ans de prison. Les charges retenues contre ces deux hommes, motivées par des considérations politiques, sont portées à titre de représailles parce qu’ils ont défendu en tant qu’avocats des membres du Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (PRIT), une formation politique interdite.

Bouzourgmekhr Yorov se trouvait en détention provisoire depuis son arrestation, le 28 septembre 2015, par des policiers de l’unité chargée de lutter contre le crime organisé. À cette époque, il défendait certains des 14 hauts responsables du PRIT qui avaient été arrêtés les 16 et 17 septembre 2015. Bouzourgmekhr Yorov a été initialement inculpé d’escroquerie et de faux, soi-disant sans aucun lien avec le PRIT. Cependant, lors de son arrestation, la police a saisi des documents concernant l’affaire impliquant ses clients du PRIT, en violation du principe de confidentialité de la relation entre un avocat et ses clients. En décembre 2015, des charges supplémentaires liées à l’« extrémisme » ont été portées à son encontre. Bouzourgmekhr Yorov a nié toutes ces accusations, faisant valoir qu’il n’était « pas un extrémiste, mais un avocat ». Dans sa plaidoirie finale le 3 octobre, il a plaidé non coupable. D’après ses proches, il va faire appel de sa condamnation.

Nouriddin Makhkamov a représenté à titre d’avocat l’un des membres du PRIT dans la même affaire et a été arrêté en octobre 2015.

Bouzourgmekhr Yorov a été reconnu coupable d’« incitation à la haine nationale, raciale, locale ou religieuse » (article 189 du Code pénal de la République du Tadjikistan), « escroquerie » (article 247), « appels publics à la réforme violente de l’ordre constitutionnel de la République du Tadjikistan » (article 307), « appels publics à mener des activités extrémistes » (article 307-1) et faux (article 340). Nouriddin Makhkamov a été inculpé des mêmes chefs d’accusation, à l’exception du dernier. Les deux avocats ont perdu leurs licences et se verront interdire d’exercer leur profession après avoir purgé leurs peines.

Le 22 août, une procédure pénale a été ouverte à l’encontre de Jamshed Yorov, le frère de Bouzourgmekhr Yorov et l’un des avocats dans le dossier contre les membres du PRIT, pour « divulgation de secrets d’État » (article 311 du Code pénal de la République du Tadjikistan). Il a été accusé d’avoir divulgué le texte de la décision de la Cour suprême dans le dossier concernant les hauts responsables du PRIT, qui avait été classé document secret. Le 26 août, le tribunal de district de Firdavsi, à Douchanbé, a ordonné son placement en détention provisoire. Le 30 septembre, il a bénéficié d’une amnistie et a été remis en liberté.

Les Principes de base relatifs au rôle du barreau disposent : « Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats [...] puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue » (principe 16). « Les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leurs fonctions » (principe 18). « Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que toutes les communications et les consultations entre les avocats et leurs clients, dans le cadre de leurs relations professionnelles, restent confidentielles » (principe 22).

Les poursuites engagées contre 14 hauts responsables du PRIT sont liées aux violentes émeutes de septembre 2015 au Tadjikistan. Selon les autorités, il s’agissait en fait d’une tentative armée menée par l’ancien vice-ministre tadjik de la Défense Abdoukhalim Nazarzoda et ses partisans pour s’emparer du pouvoir. Les autorités tadjikes affirment que durant ces violents troubles, Abdoukhalim Nazarzoda a agi sur ordre de Moukhiddin Kabiri, dirigeant du PRIT en exil. Moukhiddin Kabiri a nié toute implication dans ces événements et accusé les autorités de forger de toutes pièces des éléments à charge contre des membres du PRIT et lui-même. Le 2 juin, la Cour suprême du Tadjikistan a condamné les 14 cadres du PRIT à de lourdes peines de prison, lors d’un procès non conforme aux règles d’équité que le Tadjikistan est légalement tenu de respecter.

Le 29 septembre 2015, à la suite des violents troubles et de l’arrestation des dirigeants du parti, la Cour suprême du Tadjikistan a qualifié le PRIT d’« organisation terroriste », au motif que plusieurs de ses membres appartenaient de longue date à des groupes faisant la promotion de l’« extrémisme » et qu’il s’était servi des médias, notamment de son journal Salvation, pour diffuser des « idées extrémistes » et inciter à la haine religieuse. Pour en savoir plus, consultez la page : https://www.amnesty.org/fr/documents/eur60/4855/2016/fr/.

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