Écrire Un défenseur des droits humains victime de disparition forcée

Le 1er décembre, Daouda Diallo, secrétaire général du Collectif Contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), a été enlevé par des membres des forces de sécurité en civil, alors qu’il renouvelait son passeport au bureau des passeports à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Il a été emmené dans un lieu tenu secret. Trois jours plus tard, une photo sur laquelle il portait un uniforme militaire et était armé a circulé sur les réseaux sociaux.

Début novembre, Daouda Diallo, ainsi que plusieurs personnalités de la société civile et des médias, dont des militant·e·s, des journalistes et des syndicalistes, a été enrôlé par le gouvernement. Les autorités nationales s’appuient sur un décret d’avril 2023 sur la mobilisation générale pour combattre les groupes armés pour sanctionner et réduire au silence les membres de la société civile et les défenseur·e·s des droits humains qui critiquent publiquement le gouvernement. Elles doivent cesser de procéder à des disparitions forcées, libérer immédiatement Daouda Diallo s’il est encore en détention, mettre fin à la conscription ciblée pour réprimer les détracteurs et permettre à tous de contester les ordres de conscription devant les autorités judiciaires indépendantes.

Daouda Diallo est le secrétaire général du Collectif Contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC). Le CISC a été fondé au lendemain des homicides de Yirgou perpétrés en janvier 2019 : au moins 43 personnes ont été tuées lors des attaques menées par un groupe armé d’« autodéfense » appelé koglweogo, qui agit souvent aux côtés de l’armée du pays. Ces homicides ont déclenché une crise humanitaire au Burkina Faso, poussant des milliers de survivants à se réfugier à Barsalogho et à Kaya en quête de protection. Le CISC est d’abord né comme un groupe informel pour répondre aux besoins des victimes et se mobiliser en faveur de la justice, avant de devenir plus établi.

En 2022, Daouda Diallo s’est vu décerner le prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’Homme.

En avril 2023, le gouvernement a promulgué un décret « portant sur la mobilisation générale et la mise en garde » qui confère aux autorités « le droit de requérir les personnes, les biens et les services ; le droit de soumettre à contrôle et à répartition les ressources au ravitaillement et, à cet effet, d’imposer aux personnes physiques ou aux personnes morales en leurs biens, les sujétions indispensables ; le droit d’appel à l’emploi de défense, à titre individuel ou collectif ». Tous les Burkinabès âgés de 18 ans et plus peuvent désormais être enrôlés s’ils sont jugés physiquement aptes et si les autorités compétentes en formulent le besoin.

Le décret portant sur la mobilisation générale et la mise en garde est utilisé pour réprimer et réduire au silence les défenseur·e·s des droits humains et les journalistes et autres militant·e·s de la société civile, malgré les dispositions prises en matière de contestation prévue lorsque les biens et services sont réquisitionnés ou quand les personnes sont mobilisées pour le service militaire (article 13).

Cette méthode répressive à l’encontre des détracteurs a déjà soulevé de vives préoccupations avant l’adoption du décret, concernant l’enrôlement forcé au sein des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), un groupe armé d’autodéfense au Burkina Faso mis sur pied par le gouvernement pour combattre les groupes armés.

Un mois seulement avant sa promulgation, Boukaré Ouedraogo, président d’Appel de Kaya, une organisation de la société civile, a été enrôlé de force par l’armée en tant que Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), malgré ses problèmes de vue. Une semaine avant, il avait critiqué le gouvernement au sujet de l’absence d’eau potable à Kaya, une ville du Burkina Faso, et pour sa réponse inadéquate à la situation en matière de sécurité.
Dans un discours prononcé lors d’une visite à Kaya en mars 2023, le président Ibrahim Traoré a évoqué la situation de Boukaré Ouedraogo, l’a accusé d’avoir divulgué « un point névralgique » dont l’attaque avait fait des victimes au sein de l’armée, et a par la même occasion menacé tous les membres des organisations de la société civile d’enrôlement forcé dans les VDP en cas de communication publique considérée comme critique par les autorités.

En septembre 2023, Arouna Louré, anesthésiste et ancien membre du Conseil national de transition (organe législatif intérimaire établi conformément à la Charte de la transition), a lui aussi été enrôlé pour un mois et écarté de l’hôpital où il travaillait pour être déployé. Quelques jours plus tard, des photos d’Arouna Louré avec le crâne rasé et en uniforme militaire ont été publiées sur les réseaux sociaux ; déployer des civil·e·s sans leur consentement et prendre des photos d’eux pour les diffuser sur les réseaux sociaux est la même méthode que celle utilisée dans l’affaire Boukaré Ouedraogo, filmé dans une vidéo glorifiant le régime militaire.

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