Écrire UNE DÉFENSEURE DES DROITS HUMAINS LIBÉRÉE MAIS TOUJOURS EN DANGER

Maria Chin Abdullah, arrêtée le 18 novembre pour avoir organisé un rassemblement en faveur d’élections libres et équitables, a été remise en liberté le 28 novembre mais risque toujours d’être poursuivie pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Maria Chin Abdullah, présidente de Bersih 2.0, la Coalition malaisienne pour des élections propres et équitables, a été libérée le 28 novembre après avoir passé 10 jours en détention provisoire dans un lieu indéterminé. Durant sa détention, elle a été maintenue à l’isolement dans une cellule dépourvue de lit, de ventilation et de fenêtre, avec une lumière vive allumée en permanence. Elle a été interrogée six à huit heures par jour, les autorités cherchant à obtenir des informations sur les activités de Bersih 2.0. Elle était menottée et forcée à porter des lunettes noires opaques à chaque fois qu’on la faisait sortir de sa cellule pour l’interroger. Pendant les deux premiers jours ayant suivi son arrestation, elle a été privée de tout contact avec ses proches et ses avocats. Bien qu’elle ait été remise en liberté, l’enquête ouverte à son encontre se poursuit et l’inspecteur général de la police a déclaré qu’elle pourrait être à nouveau arrêtée au titre de la Loi relative aux rassemblements pacifiques de 2012.

Maria Chin Abdullah a été arrêtée le 18 novembre dans les locaux de Bersih 2.0, à Petaling Jaya, dans l’État de Selangor, pour avoir « tenté de se livrer à des activités préjudiciables à la démocratie parlementaire », au titre de l’article 124C du Code pénal. Elle a été placée en détention en vertu de la Loi sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales) de 2012, qui permet aux autorités de priver des personnes de liberté pour une durée pouvant atteindre 28 jours sans qu’elles ne soient inculpées ni traduites devant un tribunal. Ses avocats ont introduit un recours en habeas corpus devant les tribunaux afin de remettre en cause la légalité et les conditions de sa détention, qui devait être examiné le 29 novembre, mais ils ont finalement abandonné cette procédure puisqu’elle a été libérée la veille. Lors de sa libération, la police a menacé d’arrêter encore d’autres personnes liées au mouvement Bersih 2.0.
Au cours de sa détention, une lettre de menaces de mort rédigée à la main indiquant : « RIP Marina [sic] et sa famille », accompagnée d’une balle de 45 mm, a été déposée à son domicile, où résident ses jeunes fils. C’est la troisième fois en quelques mois que Maria Chin Abdullah est menacée de mort.

Maria Chin Abdullah, présidente de la Coalition malaisienne pour des élections propres et équitables (Bersih 2.0), a été la cible de harcèlement et de manœuvres d’intimidation de la part des autorités malaisiennes et d’acteurs non étatiques. En novembre 2015, elle a été inculpée au titre de la Loi relative aux rassemblements pacifiques parce qu’elle n’avait pas prévenu les autorités au moins dix jours avant la tenue d’une manifestation. En octobre 2016, Maria Chin Abdullah et sa famille proche, ainsi que le responsable du secrétariat de Bersih 2.0, Mandeep Singh, et son ancienne présidente, Ambiga Sreenevasan, ont reçu des menaces de mort sous la forme d’images dérangeantes dans un message WhatsApp. Les coupables n’ont toujours pas été traduits en justice (voir https://www.amnesty.org/fr/documents/asa28/5014/2016/fr/).

Lors des quatre précédents rassemblement Bersih, qui ont eu lieu entre 2007 et 2015, des cas d’arrestations, de violences, de harcèlement et d’intimidation contre des organisateurs, des militants et des membres de l’opposition ont été observés.
Le 18 novembre 2016, Mandeep Singh et Maria Chin Abdullah ont été arrêtés au titre de l’article 147 du Code pénal, qui sanctionne les émeutes, en amont du rassemblement Bersih 5. Anthony Loke, un parlementaire de l’opposition, a été arrêté en vertu de la Loi de 1948 relative à la sédition. Ronnie Liu, un homme politique, a été arrêté au titre de l’article 153 du Code pénal pour « provocation gratuite visant à provoquer des émeutes ». S. Arutchelvam, membre du comité du Parti socialiste malaisien, a été appréhendé avec deux autres membres de l’opposition, Lee Khai Ming et Jimmy Wong, et trois militants étudiants, Anis Syafiqah, Luqman Nul Hakim Zul Razali et Safwan Anang. Des membres des « chemises rouges » ont aussi été arrêtés, dont Jamal Mohammed Yunus, le leader de la contre-manifestation, ainsi que Razali Zakaria et Hairol Nizam. Le 19 novembre, les militants Hishamuddin Rais, Fahmi Reza et Luqman Nul Hakim ont été appréhendés à l’issue du rassemblement Bersih 5, tandis que les parlementaires de l’opposition Zuraida Kamaruddin, Howard Lee et Chua Tian Chang ont été arrêtés pour des discours qu’ils ont tenus pendant ce rassemblement. Ils ont tous été libérés, mais les enquêtes les visant sont toujours en cours.

Le 28 novembre à 13 heures, les locaux de l’organisation féministe EMPOWER (Centre d’information de la population) ont été perquisitionnés par les autorités en vertu de l’article 124C du Code pénal. Les agents qui ont procédé à cette intervention ont invoqué la Loi sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales) de 2012 et menacé les membres du personnel de les placer en détention pendant 48 heures sans possibilité de contacter leurs avocats et leurs proches s’ils ne coopéraient pas. EMPOWER, une ONG qui vise à encourager la participation des femmes à la vie politique en Malaisie, a été fondée par Maria Chin Abdullah et a partagé des locaux avec Bersih 2.0 jusqu’en 2015. Les autorités ont indiqué qu’elles enquêtaient sur les financements étrangers reçus par l’Open Society Foundation, une organisation visée par une enquête pour avoir financé un certain nombre d’ONG malaisiennes faisant la promotion de la participation civile et politique, parmi lesquelles a figuré Bersih 2.0. Cette perquisition semble être une manœuvre de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de Bersih 2.0 et des organisations liées.

La Loi sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales) de 2012 précise qu’aucune personne ne doit être arrêtée pour des « activités politiques » ou des « convictions » et que son recours est strictement limité aux cas relevant de l’ordre public et de la sécurité nationale. Cependant, ce texte est formulé de manière vague et large, si bien qu’il se prête à une utilisation abusive. Amnesty International pense que la détention de Maria Chin Abdullah fait partie d’une tentative concertée et motivée par des considérations politiques visant à intimider et réduire au silence les militants pacifiques et les détracteurs du gouvernement.

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