Écrire Une défenseure des droits humains tuée

La défenseure des droits humains Juana Raymundo a disparu le 27 juillet au soir dans le département du Quiché (nord-ouest du Guatemala). Son corps a été retrouvé le lendemain. Âgée de 25 ans, elle était membre du Comité de développement paysan (CODECA). Il s’agit de la huitième personne défendant les droits humains à être tuée au Guatemala en moins de trois mois.

La défenseure des droits humains Juana Raymundo était infirmière et cheffe de file à Nebaj, dans le département du Quiché, dans le nord-ouest du Guatemala. Elle avait rejoint le groupe Jeunes du CODECA en 2013 et avait récemment été élue au sein du comité exécutif du Mouvement pour la libération des peuples (MLP). Elle encourageait d’autres femmes à rejoindre le mouvement et participait à leur formation. Elle a disparu dans la soirée du 27 juillet. Son corps a été retrouvé près d’un petit cours d’eau entre Nebaj et Acambalam, le 28 juillet, par des voisins qui ont alerté la police.

Le CODECA a appelé le gouvernement à diligenter une enquête sur les homicides dont ont été victimes des défenseurs des droits humains appartenant au CODECA et au Comité des paysans des hautes terres (CCDA). Le CODECA est une organisation de défense des droits humains basée dans le département de Suchitepéquez. Ses membres œuvrent en faveur de l’amélioration des conditions de rémunération des agriculteurs, d’une réforme agraire et de la nationalisation de l’énergie électrique dans le pays. Ils sont en permanence pris pour cible en raison de leur travail. Juana Raymundo est la huitième personne agissant pour la défense des droits humains à être tuée en moins de trois mois.

Au Guatemala, les personnes qui défendent les droits humains mènent leurs activités dans un contexte extrêmement hostile, en particulier lorsqu’elles travaillent sur les droits fonciers, territoriaux et environnementaux. Elles sont constamment la cible de menaces, de manœuvres d’intimidation, d’agressions, de campagnes de diffamation et de stigmatisation.

En 2017, l’Unité de protection des défenseures et défenseurs des droits humains au Guatemala (UDEFEGUA), une ONG guatémaltèque, a recensé 496 attaques contre des défenseur-e-s des droits humains. En mai 2018, la procureure générale a adopté en interne l’Instruction générale présentant des lignes directrices afin d’enquêter efficacement sur les attaques visant les défenseurs des droits humains. Lors d’une récente mission au Guatemala, Amnesty International a rencontré des membres du CODECA qui lui ont fait part de leur inquiétude face au nombre de défenseurs et défenseures des droits territoriaux, fonciers et environnementaux pris pour cible (harcelés ou tués) au cours des trois derniers mois, et aux faibles avancées des enquêtes sur les attaques.

Le CCDA est une organisation paysanne fondée en 1982 qui promeut l’accès aux terres et les droits du travail des paysans mayas. Elle a signalé être déjà la cible d’attaques et de manœuvres d’intimidation. En juin 2016, le dirigeant autochtone Daniel Choc Pop a été tué à San Juan Tres Ríos. Plusieurs attaques contre les locaux et des dirigeants du CCDA ont eu lieu en juin 2017. En mai 2018, José Can Xol et Mateo Chamám Paau, deux dirigeants locaux du CCDA, ont été assassinés dans les communautés de Choctún Basilá et San Juan Tres Ríos. Tous deux étaient mobilisés pour la protection et la défense de leurs communautés dans le cadre d’un litige foncier de longue durée. Ils avaient participé à une table ronde de négociation et de dialogue pour trouver des solutions, en collaboration avec les autorités nationales, au sujet des multiples conflits fonciers touchant les communautés dans la région.

En mai 2018, Luis Arturo Marroquin, membre de la coordination nationale du Comité de développement paysan (CODECA) a été abattu à San Luis Jilotepeque, dans le centre-est du Guatemala. Les faits ont eu lieu une semaine après que le président Jimmy Morales s’est montré irrespectueux envers le CODECA et a discrédité ses activités dans un discours public, le 2 mai.

En 2014, dans la décision rendue dans l’affaire Défenseur des droits de l’Homme et autres c. Guatemala, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné au Guatemala d’adopter et de mettre en œuvre une politique complète de protection des défenseurs des droits humains. Malgré quelques progrès, cette politique publique est toujours en cours d’élaboration. L’impunité demeure la règle dans la plupart des cas de menaces et d’agressions visant des défenseurs guatémaltèques.

Il est fréquent que le système judiciaire soit détourné pour incriminer des défenseurs des droits humains et tenter ainsi de démanteler les mouvements et les organisations, en épuisant les militants et en les évinçant de l’espace public. Pour en savoir plus, voir le rapport d’Amnesty International intitulé “We are defending the land with our blood” : Defenders of the land, territory and environment in Honduras and Guatemala (https://www.amnesty.org/en/documents/amr01/4562/2016/en/), et le document Americas : State Protection Mechanisms for Human Rights Defenders (https://www.amnesty.org/en/documents/amr01/6211/2017/en/).

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