Alexandra Skotchilenko est une célèbre auteure-compositrice et artiste de Saint-Pétersbourg. Elle écrit des chansons, crée des bandes dessinées et des dessins animés et organise des concerts ainsi que des sessions de musique improvisées Elle est également l’auteure du Livre sur la dépression, qui a aidé de nombreuses personnes et a contribué à déstigmatiser les maladies mentales. Cet ouvrage a remporté un immense succès. Réédité à plusieurs reprises et traduit en plusieurs langues, il a inspiré de nombreuses vidéos et expositions.
Il est reproché à Alexandra Skotchilenko d’avoir remplacé des étiquettes de prix dans des supermarchés locaux par des messages pacifistes, évoquant notamment les victimes du bombardement du théâtre de Marioupol. Elle est inculpée de « diffusion publique en connaissance de cause de fausses informations sur l’emploi des forces armées de la Fédération de Russie », en vertu de l’article 207.3(2) du Code pénal, récemment adopté. Elle encourt entre cinq et 10 ans d’emprisonnement si elle est déclarée coupable.
Le 11 avril, la police a perquisitionné le domicile d’Alexandra Skotchilenko et l’a arrêtée, puis interrogée jusqu’à 3 heures le lendemain matin. Le 13 avril, le tribunal du district de Vassileostrov a ordonné son placement en détention provisoire jusqu’au 1er juin 2022. Sa détention provisoire a ensuite été prolongée.
Alexandra Skotchilenko souffre de maladie cœliaque et doit suivre un régime alimentaire spécial, sans gluten. Le 20 avril, il a été signalé que sa santé s’était détériorée, faute d’accès à une alimentation adaptée. Le 21 avril, son conseil a informé Amnesty International que le centre de détention l’avait enfin autorisée à recevoir de sa famille un colis contenant des aliments adaptés à son régime.
Cependant, le 23 avril, Alexandra Skotchilenko a été transférée d’un centre de détention temporaire vers un centre de détention provisoire. Le 25 avril, un de ses conseils lui a rendu visite et a signalé que sa santé se dégradait, car on ne mettait pas à sa disposition les aliments qui lui étaient nécessaires et elle n’était pas autorisée à recevoir de nourriture de sa famille. Alexandra Skotchilenko se sentait faible la plupart du temps. Elle était également soumise à des pressions psychologiques par des membres du personnel du centre de détention chargés de la surveillance et par ses compagnes de cellule.
Le 7 mai, après que les médias eurent publié des informations sur le traitement qui lui était réservé Alexandra Skotchilenko a été transférée dans une cellule pour deux personnes, qu’elle a partagée avec une codétenue qui ne la harcelait pas.
Le 8 juin, Alexandra Skotchilenko a été emmenée dans un hôpital psychiatrique afin qu’une évaluation de sa santé mentale soit réalisée. Elle y restée pendant trois semaines, alors qu’une expertise psychiatrique ne nécessite généralement qu’une journée, et peut être effectuée au centre de détention provisoire. Au cours de son séjour dans cet établissement, sa santé a continué à se détériorer. Le personnel soignant a refusé de communiquer des informations médicales sur Alexandra Skotchilenko à la personne qui vit en couple avec elle au motif qu’il ne s’agissait pas d’un parent proche, alors qu’Alexandra Skotchilenko avait déposé une demande officielle pour que cette personne soit reconnue en tant que telle. L’hôpital a également refusé de transmettre ces informations au conseil d’Alexandra Skotchilenko. Celle-ci s’est plainte de douleurs intenses à la poitrine et à l’abdomen, mais les médecins n’ont procédé à aucun examen, invoquant un manque de personnel.
Le 28 juin, Alexandra Skotchilenko a été renvoyée au centre de détention provisoire. La personne qui vit en couple avec elle a de nouveau demandé son dossier médical, mais les autorités ne le lui ont pas communiqué. Alexandra Skotchilenko s’est une fois de plus vu refuser les soins médicaux dont elle avait besoin.
Le 30 juin, le Centre de lutte contre l’extrémisme (ou « Centre E », un service de police dédié à la surveillance des opposant·e·s politiques et des personnes critiquant le gouvernement, ainsi qu’aux poursuites à leur encontre) a remis un rapport affirmant qu’Alexandra Skotchilenko faisait partie d’un « groupe radical de manifestantes féministes », le « Groupe de la huitième initiative ». Alexandra Skotchilenko dit n’avoir jamais entendu parler de ce mouvement. Ce document a été remis pour justifier la détention prolongée d’Alexandra Skotchilenko. Cependant, l’artiste et ses avocats pensent que les allégations qu’il contient risquent d’être utilisées contre elle ultérieurement.
Au centre de détention provisoire, Alexandra Skotchilenko recevait de la nourriture sans gluten au moins une fois par jour pour le déjeuner, mais elle ne pouvait s’alimenter ni au petit-déjeuner, ni au dîner. Elle a déjà perdu beaucoup de poids, ce qui met sa santé en danger. En outre, l’équipe chargée de l’enquête a désigné la personne qui vit en couple avec elle en tant que témoin dans cette affaire, ce qui exclut toute rencontre entre Alexandra Skotchilenko et cette personne. Celle-ci a déposé plusieurs demandes pour obtenir l’autorisation de lui rendre visite, mais en vain.
Le 1er août, Alexandra Skotchilenko a été transférée dans un centre de détention temporaire, un établissement plus petit où elle risque de rencontrer à nouveau des difficultés pour obtenir le régime alimentaire et les soins médicaux qui lui sont nécessaires.