Écrire Une détenue en grève de la faim a été hospitalisée

Les autorités palestiniennes ont transféré Suha Jbara, militante en faveur de la justice sociale, dans un hôpital de Jéricho, à la suite d’une dégradation de son état de santé. Cette femme observe une grève de la faim depuis le 22 novembre pour protester contre sa détention arbitraire. Sa prochaine audience doit avoir lieu le 20 décembre 2018.

Le 11 décembre 2018, Suha Jbara, militante en faveur de la justice sociale, a été transférée dans un hôpital de la ville de Jéricho, en Cisjordanie, pour y recevoir des soins d’urgence, sa santé s’étant gravement détériorée au bout de 22 jours de grève de la faim. Selon ses proches, Suha Jbara a été attachée à son lit d’hôpital, malgré son état de santé. Elle a refusé de se soumettre à des examens médicaux ou de prendre des vitamines ou des compléments alimentaires tant qu’elle n’aurait pas été transférée dans un hôpital à Ramallah pour y être soignée. Suha Jbara a déjà, à au moins trois reprises, été emmenée à l’hôpital de Jéricho puis renvoyée en prison.

Cela fait maintenant plus de cinq semaines que Suha Jbara est détenue sans inculpation et, à ce jour, les tribunaux n’ont toujours pas permis sa libération sous caution. Selon certaines informations, elle présente ces derniers temps une faiblesse générale, une grande fatigue et des vertiges, et elle est incapable de marcher sans assistance. Suha Jbara a dit à Amnesty International qu’elle avait cessé de s’alimenter le 22 novembre pour dénoncer les actes de torture subis pendant ses interrogatoires et la manière inique dont elle est traitée par le ministère public et les tribunaux.

Depuis cette date, les autorités la soumettent à un harcèlement incessant pour la convaincre de cesser sa grève de la faim. « Le plus difficile dans cette grève de la faim, ce sont les pressions que tout le monde exerce sur moi pour que j’arrête », a-t-elle dit à Amnesty International. Peu de temps après avoir cessé de s’alimenter, elle a été emmenée à l’hôpital pour une brève période, puis reconduite à la prison de Jéricho, où on l’a placée à l’isolement afin de la punir pour sa grève de la faim, alors qu’il s’agit d’une forme de protestation légitime.

Suha Jbara, 31 ans, trois enfants à charge, est une ressortissante palestinienne, américaine et panaméenne. Elle milite en faveur de la justice sociale et participe aux activités d’organisations caritatives musulmanes. Elle mène également des activités destinées à soutenir les familles de Palestiniens emprisonnés en Israël. Le 3 novembre 2018, elle a été arrêtée à son domicile, à Turmusaya, près de Ramallah, en Cisjordanie. Selon sa famille, cinq véhicules des forces de sécurité palestiniennes sont arrivés devant chez elle et les agents ont exigé d’entrer, menaçant d’enfoncer la porte. Suha Jbara a été conduite au Centre de détention des renseignements généraux à Ramallah, où elle a fait une crise psychique et physique et s’est évanouie. Elle a été brièvement admise au Complexe médical de la Palestine, à Ramallah, puis emmenée au Centre d’interrogatoire et de détention de Jéricho. La famille de Suha Jbara n’a su où elle se trouvait que le 7 novembre, date à laquelle elle a été présentée au tribunal.
Le 7 novembre, Suha Jbara a comparu devant le tribunal de première instance de Jéricho, où sa détention a été prolongée de quinze jours. Elle a ensuite été transférée dans la prison de Jéricho : le Centre pénitentiaire et de réinsertion de Jéricho. Des procureurs des services du procureur général ont interrogé Suha Jbara et enregistré son témoignage le 5 novembre au Centre de détention et d’interrogatoire de Jéricho. Elle a dit à Amnesty International que les procureurs avaient recueilli ses déclarations alors que des membres des forces de sécurité armés étaient présents dans la pièce. Elle a ajouté qu’on lui avait posé des questions sur des collectes et distributions illégales de fonds, mais qu’on ne lui avait pas permis de lire son témoignage avant de le signer.
Amnesty International a rencontré Suha Jbara en prison le 4 décembre et a recueilli directement son témoignage au sujet des mauvais traitements que lui ont fait subir les agents chargés de l’interroger. Selon ce témoignage, Suha Jbara a été interrogée pendant trois jours consécutifs, au cours desquels elle a été torturée par plusieurs agents de sexe masculin. Elle a ajouté qu’elle avait reçu des coups très violents dans la poitrine et dans le dos, et qu’on l’avait secouée, projetée contre un mur et menacée de violences sexuelles. « Il n’a pas cessé de m’insulter, employant un vocabulaire sexuel très grossier et violent, il a menacé de faire venir un médecin pour vérifier ma virginité, m’a traitée de putain et a menacé de s’en prendre à ma famille et de m’enlever mes enfants », a-t-elle témoigné.
Le 6 décembre, le tribunal de première instance de Jéricho, en Cisjordanie occupée, a approuvé la prolongation de la détention de Suha Jbara pour une nouvelle période de quinze jours, à la demande de l’accusation. Ses avocats se voient refuser l’accès à son dossier, qui est détenu par le procureur général.

Amnesty International a recueilli des informations indiquant que les forces palestiniennes, en Cisjordanie et à Gaza, continuent à arrêter arbitrairement des personnes qui manifestent pacifiquement ou expriment des critiques envers les deux autorités. Parmi les personnes appréhendées et détenues se trouvent des journalistes, des étudiant.e.s, des personnes critiques à l’égard des autorités et des défenseur.e.s des droits humains. Amnesty International constate avec inquiétude que nombre de ces arrestations sont arbitraires et que les procédures judiciaires ne sont pas conformes aux normes relatives aux procès équitables. De plus, Amnesty International est vivement préoccupée par le fait que les forces de sécurité palestiniennes recourent systématiquement à la torture et à d’autres mauvais traitements contre les détenus, et ce en toute impunité, alors que l’État de Palestine a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture le 29 décembre 2017.

La Commission indépendante des droits humains, institution nationale palestinienne de défense des droits humains, reçoit chaque année des centaines de plaintes pour actes de torture et autres mauvais traitements imputés aux forces de sécurité palestiniennes ; en octobre, plus de 200 plaintes avaient été reçues pour l’année 2018.

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