Écrire Deux défenseures afro-colombiennes des droits humains sont poursuivies en justice

Sara Quiñonez et sa mère Tulia Maria Valencia, dirigeantes de communautés et défenseures des droits humains d’Alto Mira et Frontera, dans la municipalité de Tumaco, ont été injustement placées en détention et accusées d’infractions qu’elles n’ont pas commises.

Le 23 avril, les autorités colombiennes ont arrêté Sara Quiñonez et sa mère Tulia Valencia dans la ville de Cali, dans le sud-ouest de la Colombie. Ces deux dirigeantes accusées de « rébellion » et de « complot aggravé en vue de commettre un crime » sont incarcérées à la prison d’État près de Cali à Jamundi, dans le département du Valle del Cauca, en attendant l’audience d’appel ces prochaines semaines.

L’organisation Processus des communautés noires (PCN) a déclaré à Amnesty International que les accusations portées à l’encontre de Sara Quiñonez et Tulia Valencia ne sont pas fondées, car elles ne sont pas membres d’un mouvement de guérilla et ne se sont pas livrées aux pratiques illégales dont elles sont accusées. Le PCN a également signalé que le procès des deux femmes a été injuste et discriminatoire, parce qu’elles sont Afro-colombiennes et parce qu’elles défendent les droits humains.

Sara Quiñonez fait partie du conseil d’administration de la communauté afro-colombienne d’Alto Mira et Frontera. Défenseure des droits humains, elle lutte pour les droits à la terre de sa communauté, constamment harcelée par plusieurs entités armées qui cherchent à prendre le contrôle de leur territoire, et notamment des terres où la coca est cultivée. Tulia Valencia est une dirigeante locale reconnue, qui consacre sa carrière à promouvoir et protéger les droits individuels et collectifs de sa communauté. Toutes deux vivent à Cali ; elles ont été déplacées de leurs communautés après l’assassinat de deux autres dirigeants. Le PCN s’inquiète pour la vie et l’intégrité d’autres défenseures afro-colombiennes sur la côte pacifique de la Colombie, car ces femmes expriment haut et fort les revendications de leurs communautés et sont prises pour cibles en raison de leur travail.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a accordé des mesures de protection aux dirigeants du conseil d’administration du Conseil communautaire d’Alto Mira et Frontera, dont Sara Quiñonez, en mars 2018. Leur requête faisait suite à des faits de violence dans le département de Nariño, particulièrement dans la municipalité de San Andrés de Tumaco, et au meurtre de José Jair Cortés, dirigeant du Conseil communautaire, le 17 octobre 2017. Sara Quiñonez bénéficie également de mesures de protection assurées par l’Unité de protection nationale, qui a reconnu les risques auxquels elle est exposée en tant que dirigeante sociale.

Depuis des décennies, le Conseil communautaire afro-colombien d’Alto Mira et Frontera subit la violence et l’expropriation, imputables à des groupes paramilitaires, des mouvements de guérilla, des trafiquants de drogue, des soldats et des entreprises multinationales. Sara Quiñonez a été présidente, puis vice-présidente du Conseil communautaire ; Tulia Valencia est la dirigeante bien connue d’un groupe de femmes et est membre de comités locaux au sein du Conseil communautaire.

Le 6 octobre 2017, Amnesty International a signalé que neuf paysans (campesinos) ont été tués et plus d’une dizaine blessés dans la municipalité de Tumaco, dans le sud-ouest de la Colombie, semble-t-il par des membres de l’armée colombienne et de la police nationale. Des membres des forces de sécurité ont ouvert le feu sans discrimination sur des communautés rurales qui protestaient pacifiquement dans les régions d’Alto Mira et Frontera contre la lenteur de la mise en œuvre du programme pour le remplacement volontaire des cultures ilicites, défini dans le cadre de l’accord de paix signé en novembre 2016. Ces événements alertent les autorités sur la nécessité de protéger la population civile durant la mise en œuvre de l’accord de paix.

Depuis le 28 septembre 2017, les communautés paysannes d’Alto Mira et Frontera protestent pacifiquement contre la stratégie du gouvernement qui consiste à réduire les zones dédiées aux cultures illicites. D’après les manifestants, le gouvernement ne respecte pas les termes de l’accord de paix, qui dispose que ces actions doivent être volontaires et menées avec leur consentement.

Tumaco est l’une des principales régions productrices de feuilles de coca du pays. Alto Mira est le territoire qui englobe le plus grand nombre d’hectares de culture de coca. Aussi est-ce une région prioritaire pour la mise en œuvre du programme de remplacement des cultures illicites. Cependant, comme dans d’autres zones de cette région, l’accord de paix progresse avec lenteur et les communautés rurales s’inquiètent du manque d’action du gouvernement pour garantir leurs droits fondamentaux ou proposer des formes alternatives de développement.

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