Écrire Des dirigeants de minorités religieuses arrêtés et inculpés

Trois adeptes du mouvement religieux Millah Abraham ont été arrêtés et placés en détention par la police nationale indonésienne. Ils ont été inculpés de blasphème et de trahison, simplement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté de pensée, d’opinion et de religion. Les autorités doivent les libérer immédiatement et sans condition.

Ces trois détenus sont d’anciens dirigeants du mouvement religieux minoritaire appelé Gafatar (le mouvement Fajar Nusantara) qui a été dissous de force. Ce mouvement était adepte du Millah Abraham, qui entremêle les enseignements religieux de l’islam, du christianisme et du judaïsme. Ahmad Mushaddeq, Andry Cahya et Mahful Muis Tumanurung ont été arrêtés et placés en détention le 25 mai par le Service des enquêtes criminelles de la police nationale indonésienne ; ils ont tous été inculpés de blasphème au titre de l’article 156-a du Code pénal indonésien, et de trahison (makar) au titre des articles 107 et 110 de ce code.

Le 29 février, le procureur général, le ministre de l’Intérieur et les ministres des Affaires religieuses ont émis un décret ministériel conjoint (n° 93/2016). Ce texte, qui viole directement les obligations internationales qui incombent à l’Indonésie en matière de protection de la liberté de religion, interdit le mouvement Millah Abraham et le juge blasphématoire, qualifiant ses fidèles d’hérétiques.

Des fidèles du mouvement Millah Abraham et d’anciens membres de la communauté Gafatar ont par le passé été attaqués et emprisonnés uniquement en raison de leurs croyances religieuses. En janvier 2016, une foule a pris d’assaut et incendié neuf maisons appartenant à des membres de cette communauté dans le district de Menpawah (province de Kalimantan-Ouest). Après ces attaques, au moins 2 000 de ces membres ont été déplacés de force par les forces de sécurité locales vers des centres d’accueil temporaires dans le district de Kubu Raya et la ville de Pontianak (province de Kalimantan-Ouest), avant d’être transférés dans plusieurs lieux sur l’île de Java, sans consultation préalable.

Le mouvement Gafatar a été créé en janvier 2012 et il a des ramifications dans 14 provinces à travers l’Indonésie. Cependant, ce groupe religieux a été dissous en août 2015 par ses membres, qui n’ont pas pu obtenir d’autorisation d’enregistrement auprès du ministère de l’Intérieur.

Le Conseil des oulémas indonésien, association nationale de responsables religieux musulmans, considère que Gafatar est un avatar d’Al Qiyadah, organisation qui a été déclarée « hérétique » en novembre 2007. En avril 2008, Ahmed Moshadeq, le dirigeant d’Al Qiyadah, a été déclaré coupable au titre de l’article 156-a du Code pénal indonésien et condamné à quatre ans d’emprisonnement par le tribunal du district de Djakarta-Sud pour avoir dirigé une « secte hérétique » et prétendu être un prophète. En juin 2008, le tribunal du district de Makassar, dans la province de Sulawesi-Sud, a condamné 21 membres d’Al Qiyadah pour blasphème, également au titre de l’article 156-a du Code pénal. En juin 2015, six membres du Gafatar vivant dans la province de l’Aceh ont été déclarés coupables d’« insulte à la religion » en vertu de l’article 156 du Code pénal et condamnés à quatre ans d’emprisonnement par le tribunal du district de Banda Aceh. Ils sont détenus uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté de conviction, et doivent donc être libérés immédiatement et sans condition.

Le droit à la liberté de religion et de conviction est garanti par les articles 28-E et 28-I de la Constitution indonésienne. De plus, l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, dispose que « ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix » et que « nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix ».

Par le passé, Amnesty International a déjà appelé les autorités indonésiennes à abroger toutes les dispositions inscrites dans la législation et la réglementation imposant des restrictions du droit à la liberté d’expression, de pensée, de conscience et de religion qui outrepassent ce qui est permis en vertu du droit international relatif aux droits humains, ou à les modifier afin de les rendre conformes aux obligations internationales de l’Indonésie en matière de droits humains.

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