Écrire Escalade inquiétante de la répression des ONG

L’enquête sans fondement sur les organisations égyptiennes de défense des droits humains a pris une nouvelle dimension. Le 7 décembre, Azza Soliman, avocate et éminente défenseure des droits des femmes, a été arrêtée et inculpée. Le 12 décembre, la justice doit prendre une décision quant au gel éventuel de ses avoirs. Par ailleurs, le président est en passe de promulguer une nouvelle loi draconienne sur les organisations non gouvernementales (ONG).

L’affaire n° 173 de 2011, dite l’« affaire des financements étrangers », a pris une nouvelle dimension. Sous-tendue par des considérations politiques, elle porte sur l’enregistrement et le financement des organisations égyptiennes de défense des droits humains. Un juge d’instruction a ordonné, dans ce cadre, l’arrestation de l’avocate et défenseure des droits des femmes Azza Soliman. Des policiers se sont rendus à son domicile et l’ont emmenée dans un poste de police, avant de la déférer au juge. Elle devait répondre de trois charges préliminaires, notamment de « réception de fonds étrangers en vue de porter atteinte aux intérêts de l’État ». Elle a été libérée moyennant une caution de 20 000 livres égyptiennes (1 108 dollars des États-Unis).

Le 12 décembre, la justice devrait prendre une décision quant au gel éventuel de ses comptes en banque personnel et professionnel (celui de son cabinet). Azza Soliman l’a appris par voie de presse et n’a pas été informée officiellement de l’audience. Sa banque lui a indiqué verbalement qu’elle gelait ses comptes, tout en refusant de lui fournir un document officiel qui justifierait cette mesure. Elle l’a renvoyée vers un jugement rendu le 17 novembre par le tribunal pénal du Caire, qui ordonnait le gel de ses avoirs à la demande de l’un des juges de l’affaire n° 173. Ce jugement était intervenu alors que ni Azza Soliman ni aucun de ses collaborateurs n’avaient été convoqués aux fins de l’enquête. Par ailleurs, Azza Soliman fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire, dont elle n’a eu connaissance qu’en se rendant à l’aéroport le 19 novembre.

Il est prévu que le président, Abdel Fattah al Sissi, promulgue une nouvelle loi draconienne sur les associations, qui accorderait au gouvernement et aux forces de sécurité des pouvoirs très étendus sur les ONG.

Le 17 septembre, un tribunal du Caire a confirmé la décision de gel des avoirs prononcée contre cinq défenseurs des droits humains et trois organisations de défense des droits humains par les juges chargés d’instruire l’affaire n° 173. La décision du tribunal pénal de Zeinhom visait nommément les personnes suivantes : Hossam Bahgat, journaliste d’investigation ; Gamal Eid, fondateur du Réseau arabe d’information sur les droits humains ; Bahey el Din Hassan, directeur de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme (CIHRS) ; Mostafa al Hassan, directeur du Centre Hisham Moubarak pour le droit, et Abdel Hafez Tayel, directeur du Centre égyptien pour le droit à l’éducation. Le tribunal a également gelé les avoirs de trois organisations, le CIHRS, le Centre Hisham Moubarak pour le droit et le Centre égyptien pour le droit à l’éducation, mais rejeté les décisions de gel des avoirs d’autres collaborateurs d’ONG et des proches de certains des prévenus.

Les cinq défenseurs des droits humains visés risquent d’être poursuivis et jugés, tout comme d’autres défenseurs égyptiens des droits humains (notamment Azza Soliman) faisant l’objet de la même enquête. Ils pourraient encourir jusqu’à 25 ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 livres égyptiennes (27 528 dollars des États-Unis) s’ils sont reconnus coupables d’avoir reçu des fonds étrangers en vue de porter atteinte aux « intérêts nationaux », à la « paix », à l’« unité » ou à la « sécurité » du pays, en vertu de l’article 78 du Code pénal. Azza Soliman doit répondre de deux autres charges, à savoir la « création d’une entité menant des activités similaires à celles d’une association », passible d’une peine d’emprisonnement en vertu de l’article 86bis du Code pénal, et l’« évasion fiscale ».

L’enquête sur les ONG a pris une nouvelle dimension au cours de l’année écoulée : les avoirs de plusieurs défenseurs des droits humains et organisations de défense des droits humains de premier plan ont été gelés, des membres du personnel d’ONG ont été interrogés et plusieurs d’entre eux ont été frappés d’une interdiction de sortie du territoire. Rien qu’en novembre 2016, cinq défenseurs égyptiens des droits humains se sont vu imposer une interdiction de sortie du territoire : Malek Adly, directeur du Centre pour les droits économiques et sociaux ; Ahmed Ragheb, de la Communauté nationale pour les droits humains et le droit ; Azza Soliman ; Aida Seif El Dawla, cofondatrice du Centre Al Nadeem pour la réhabilitation des victimes de violence, et Abdel Hafez Tayel.

En février, l’État a ordonné la fermeture du Centre Al Nadeem, un centre de santé qui fournit des services vitaux à des centaines de victimes de torture. Cette organisation a continué de fonctionner et elle a contesté devant la justice la décision du gouvernement. Le 10 novembre, elle a appris que ses avoirs financiers avaient été gelés sur ordre de la Banque centrale égyptienne. Le 16 novembre, son compte en banque a été débloqué après qu’elle a prouvé qu’elle était dûment enregistrée auprès du ministère de la Santé et n’avait pas besoin de le faire au titre de la loi répressive sur les associations adoptée sous le régime du président Moubarak (Loi n° 84 de 2002).

Le 15 juin, le tribunal pénal du nord du Caire a statué en faveur du gel des avoirs de l’Institut Al Andalus pour les études consacrées à la tolérance et à la lutte contre la violence et de son directeur, Ahmed Samih. Ce dernier n’a pris connaissance de la demande de gel de ses avoirs que le 12 juin, en lisant un journal d’État. Il était indiqué que cette demande émanait des juges instruisant l’affaire n° 173. D’autres fondateurs et membres du personnel d’ONG ont aussi été frappés d’interdictions de sortie du territoire dans le cadre de cette affaire et de la répression globale de la société civile. Parmi ces personnes figurent notamment la directrice du groupe Nazra pour les études féministes, Mozn Hassan, le directeur du CIHRS, Mohamed Zaree, les directeurs du Centre arabe pour l’indépendance du pouvoir judiciaire et des professions juridiques, Nasser Amin et Hoda Abd el Wahab, et le directeur de la Commission égyptienne pour les droits et les libertés, Mohamed Lotfy.

Le droit à la liberté d’association est garanti par l’article 75 de la Constitution égyptienne et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Égypte est partie. Le droit de circuler librement est protégé par l’article 62 de la Constitution égyptienne et l’article 12 du PIDCP.

Noms : Azza Soliman (f), Hossam Bahgat (h), Gamal Eid (h), Bahey el Din Hassan (h), Mostafa al Hassan (h), Abdel Hafez Tayel (h), Mozn Hassan (f), Hoda Abd el Wahab (f), Mohamed Zaree (h), Ahmed Samih (h), Malek Adly (h), Ahmed Ragheb (h), Aida Seif El Dawla (f), Mozn Hassan (f), Mohamed Zaree (h), Nasser Amin (h), Hoda Abd el Wahab (f), Mohamed Lotfy (h) et de nombreux autres défenseurs des droits humains

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