Écrire Un étudiant emprisonné injustement par un tribunal d’exception

Le 4 juillet 2022, une cour de sûreté de l’État a déclaré le chercheur égyptien Ahmed Samir Santawy coupable de diffusion de « fausses informations » et l’a condamné à trois ans d’emprisonnement.

Sa déclaration de culpabilité est fondée uniquement sur des publications dans les médias sociaux critiquant les violations des droits humains en Égypte et la mauvaise gestion par l’État de la pandémie de COVID-19. Les jugements des cours de sûreté de l’État ne sont pas susceptibles d’appel.

Ahmed Samir Santawy est un prisonnier d’opinion : il est détenu de façon arbitraire depuis février 2021 et doit être libéré immédiatement et sans condition.

Ahmed Samir Santawy est chercheur et étudiant en anthropologie à l’université d’Europe centrale, à Vienne (Autriche). Ses recherches portent essentiellement sur l’histoire des droits reproductifs en Égypte. Il a été arrêté le 1er février 2021, alors qu’il était en vacances en Égypte, et il est depuis maintenu en détention de façon arbitraire. Après son arrestation, il a été soumis à une disparition forcée pendant cinq jours puis il a comparu devant le procureur général de la sûreté de l’État, une section spéciale du parquet chargé des infractions liées à la « sûreté de l’État ». Dans un premier temps, le service du procureur général de la sûreté de l’État a ordonné sa détention dans l’attente des résultats d’investigations concernant l’affaire n° 65/2021 portant sur des charges infondées liées au terrorisme, sur la base d’éléments d’enquête secrets de l’Agence de sécurité nationale, dont ni Ahmed Samir Santawy ni ses avocats n’ont été autorisés à prendre connaissance. Le 22 mai 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État a ouvert une nouvelle enquête à son sujet portant la référence 774/2021 et l’a envoyé en jugement le 28 mai 2021 pour cette nouvelle affaire.

Lors de l’audience du 22 mai 2021 devant le procureur général de la sûreté de l’État, Ahmed Samir Santawy a déclaré qu’il avait été battu la veille par le sous-directeur de la prison de Liman Tora. Ses avocats ont demandé son transfert à l’Autorité médicolégale afin de permettre l’examen de ses blessures. La famille de Zyad el Elaimy, ancien député et avocat spécialiste des droits humains, détenu arbitrairement dans la prison de Liman Tora uniquement en raison de ses opinions et de ses activités politiques pacifiques, a également porté plainte auprès du parquet au motif que des responsables de l’administration pénitentiaire avaient frappé Zyad el Elaimy et Ahmed Samir Santawy le 21 mai 2021. Le 25 mai 2021, le ministère de l’Intérieur a démenti ces allégations, les attribuant aux médias favorables au mouvement interdit des Frères musulmans. Aucune enquête n’a été ordonnée sur ces allégations, pas plus que sur les précédentes plaintes d’Ahmed Samir Santawy déposées devant le parquet concernant la disparition forcée, les actes de torture et les autres mauvais traitements qu’il aurait subis après avoir été arrêté, le 1er février 2021, par l’Agence de sécurité nationale.

Ahmed Samir Santawy a entamé fin juin 2021 une grève de la faim qu’il a menée pendant 40 jours pour protester contre sa première condamnation du 22 juin 2021. Le 28 janvier 2022, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a établi que le gouvernement égyptien détenait de façon arbitraire Ahmed Samir Santawy en violation du droit international relatif aux droits humains, et a demandé sa libération immédiate.

L’impossibilité de faire appel des décisions rendues par les juridictions d’exception prive les accusé·e·s de leur droit de voir leur déclaration de culpabilité et leur peine réexaminées par une juridiction supérieure, ce qui constitue une composante fondamentale du droit à un procès équitable. La condamnation d’Ahmed Samir Santawy par un tribunal d’exception pour des publications sur les réseaux sociaux illustre de manière préoccupante l’érosion de l’état de droit en Égypte et l’utilisation de ces juridictions comme instrument de répression. Dans les mois qui ont précédé la levée de l’état d’urgence en Égypte en octobre 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État a envoyé en jugement devant des cours de sûreté de l’État plusieurs dizaines de personnalités politiques de l’opposition, de militant·e·s et de défenseur·e·s des droits humains, dont Abdelmoneim Aboulfouttoh, Ezzat Ghoneim, Alaa Abdel Fattah, Zyad el Elaimy, Mohamed Baker et Mohamed Radwan, dit Mohamed « Oxygen ».

Les cours de sûreté de l’État ont depuis octobre 2021 déclaré coupables et condamné à des peines de trois à 15 ans d’emprisonnement, à l’issue de procès iniques, des dizaines d’opposant·e·s politiques, de détracteurs/trices du gouvernement et de défenseur·e·s des droits humains. L’article 19 de la loi relative à l’état d’urgence prévoit que les procès en cours se poursuivront même après la levée de l’état d’urgence.

L’interdiction générale de la diffusion d’informations, sur la base de notions vagues et ambiguës (« fausses informations » ou « désinformation »), est incompatible avec le droit international relatif aux droits humains et les normes internationales en la matière, car elle ne respecte pas les principes de nécessité et de proportionnalité. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a estimé que l’interdiction générale d’exprimer une opinion erronée ou une interprétation incorrecte d’événements était contraire à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Égypte est partie. Aux termes du droit international, la détention, si elle résulte de l’exercice de droits humains ou repose sur une procédure inéquitable, est arbitraire même quand le droit interne l’autorise.

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