Écrire L’exécution illégale d’un ressortissant malaisien a été programmée

Les autorités singapouriennes ont programmé l’exécution de Nagaenthran K Dharmalingam, ressortissant malaisien, pour le 10 novembre. En violation du droit international et des normes internationales, il a été automatiquement condamné à la peine de mort après avoir été déclaré coupable d’avoir transporté 42,72 grammes de diamorphine en avril 2009.

Plusieurs experts médicaux ont déterminé qu’il présentait un fonctionnement intellectuel à la limite du retard mental et des déficiences cognitives, susceptibles d’avoir eu un impact sur sa capacité à évaluer les risques et sur son récit des circonstances de l’infraction.

Nagaenthran K Dharmalingam a été automatiquement condamné à la peine de mort le 22 novembre 2010, après avoir été déclaré coupable d’avoir importé à Singapour 42,72 grammes de diamorphine (héroïne) en avril 2009. La Cour d’appel a confirmé sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort en juillet 2011. Le droit international et les normes internationales interdisent d’imposer des peines de mort automatiques, car elles privent les juges de la possibilité de prendre en considération d’éventuelles circonstances atténuantes relatives à l’affaire. En outre, aux termes du droit international et des normes associées, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves » impliquant un homicide volontaire. Une autre source d’inquiétude est le fait que le ministère public s’appuie sur des présomptions juridiques, en vertu de la Loi singapourienne relative à l’usage illicite de stupéfiants, ce qui signifie que toute personne dont il est établi qu’elle a en sa possession une certaine quantité de substances prohibées peut être considérée comme ayant connaissance de la nature de la substance et de sa quantité ; et aussi comme ayant l’intention de se livrer au trafic de cette substance, à moins qu’elle ne puisse prouver le contraire, ce qui constitue une atteinte au droit à la présomption d’innocence.
Depuis l’entrée en vigueur en 2013 de modifications apportées à la Loi relative à l’usage illicite de stupéfiants, les juges singapouriens ont une marge de manœuvre en matière de condamnation dans les affaires où le rôle de l’accusé·e est limité au transport de stupéfiants (« coursier ») si le ministère public délivre un certificat d’assistance substantielle ; ou dans le cas de personnes présentant des troubles mentaux ou des handicaps intellectuels ayant un impact considérable sur leur responsabilité mentale dans les actes et omissions en relation avec l’infraction. Cela signifie, et c’est alarmant, que si le parquet ne fournit pas de certificat d’assistance après qu’il a été déterminé qu’un accusé a fait office de « coursier », le tribunal est privé de pouvoirs discrétionnaires d’appréciation et doit condamner l’accusé à mort, transférant dans les faits au parquet la décision de condamner. En février 2015, à la suite des changements apportés à la loi, Nagaenthran K Dharmalingam a demandé une commutation de sa peine en réclusion à perpétuité, mais bien qu’il ait rempli les conditions pour être considéré comme un « coursier », le parquet ne lui a pas délivré de certificat d’assistance, et sa condamnation automatique à la peine capitale a été confirmée en septembre 2017. D’autres motions et appels ont été rejetés par la suite.
Des experts médicaux ayant évalué Nagaenthran K Dharmalingam en 2013, 2016 et 2017 ont déterminé qu’il présentait un fonctionnement intellectuel à la limite du retard mental et des déficiences cognitives, qui « ont pu contribuer à ce qu’il accorde sa loyauté de manière inconsidérée et à ce qu’il n’évalue pas correctement les risques liés aux actes qui lui sont reprochés ». La Cour d’appel n’a pas pris ces préoccupations en considération, affirmant que « sa déficience présumée en matière d’évaluation des risques a pu le rendre plus susceptible d’adopter un comportement dangereux ; cela ne diminue cependant en rien sa culpabilité. » De même, la Cour a rejeté l’affirmation selon laquelle les différents troubles psychiatriques présentés par Nagaenthran K Dharmalingam, notamment son trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité du sous-type inattentif, ainsi qu’un fonctionnement intellectuel limité, auraient affecté sa capacité à faire état de sa connaissance d’éléments pertinents d’une manière convaincante, et aussi ses rapports avec les autorités, notamment quand il a été interrogé par des membres de la Brigade des stupéfiants de Singapour, sans qu’un·e avocat·e ne soit présent, après son arrestation. Cela a également pu avoir des répercussions sur les informations qu’il a fournies au parquet pour l’obtention du certificat d’assistance requis afin de faire valoir le pouvoir discrétionnaire des juges en matière de condamnations. Les organes chargés de veiller à l’application de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels Singapour est partie, ont précisé que ces traités interdisent de prononcer la peine de mort contre des personnes dont les troubles mentaux et déficiences intellectuelles compromettent l’efficacité de la défense.
Singapour doit abandonner sa stratégie consistant à recourir à la peine de mort afin de lutter contre des problèmes liés aux stupéfiants, et privilégier des approches fondées sur des données factuelles et des démarches citoyennes face à la drogue, ancrées dans le respect de la santé publique et des droits humains. Non seulement l’utilisation par Singapour de lois et de politiques draconiennes n’a pas permis de lutter contre la dépendance à la drogue dans le pays, mais elle ne fournit par ailleurs pas de protection efficace contre les risques liés aux drogues. Amnesty International demande aux autorités singapouriennes de renoncer à la pendaison programmée de Nagaenthran K Dharmalingam, et d’instaurer un moratoire officiel sur toutes les exécutions, à titre de première étape vers l’abolition totale de la peine capitale.
Les autorités singapouriennes ont informé la famille de Nagaenthran K Dharmalingam, qui vit en Malaisie, de son exécution programmée, par le biais d’une lettre datée du 26 octobre. Du fait des restrictions liées à la pandémie de Covid-19, Nagaenthran K Dharmalingam n’a pas vu sa famille depuis plus de deux ans. C’est seulement maintenant que cinq membres maximum de sa famille sont autorisés à voyager et lui rendre visite en prison. Des militant·e·s ont signalé que les restrictions toujours en vigueur en relation avec la pandémie et les exigences en termes de confinement ont ajouté des difficultés financières et logistiques à un processus déjà intrinsèquement cruel.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception. À ce jour, 108 pays du monde ont renoncé à la peine de mort pour tous les crimes, et plus des deux tiers ont aboli ce châtiment en droit ou en pratique.

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