Écrire Une exécution est reportée

L’exécution de Salar Shadizadi, qui était mineur au moment des faits qu’on lui reproche, a été différée, afin qu’il puisse demander à la famille de la victime de lui accorder son pardon. Un risque subsiste car les autorités n’ont pas encore prévu de rejuger Salar Shadizadi dans le cadre d’un procès équitable, conformément aux principes de la justice pour mineurs et sans requérir la peine de mort.

Le procureur général de la province du Gilan a confirmé moins de deux jours avant la date prévue pour l’exécution du jeune homme que celle-ci était reportée à janvier. Il a été renvoyé parmi les autres détenus, après un passage à l’isolement dans la prison Lakan de Rasht, dans le nord de la province du Gilan. C’est la troisième fois que Salar Shadizadi connaît l’angoisse du transfert en détention à l’isolement en prévision d’une exécution, avant qu’on ne lui annonce à la dernière minute que la mise à mort est reportée.

Salar Shadizadi, aujourd’hui âgé de 24 ans, a été déclaré coupable d’avoir poignardé un ami, et condamné à mort par la 11e chambre du tribunal pénal de la province du Gilan, en décembre 2007, en vertu du principe islamique de qisas (« réparation »). Il avait 15 ans au moment des faits. La Cour suprême a confirmé sa condamnation en mars 2008. En juillet 2013, Salar Shadizadi a sollicité une commutation de peine en vertu de l’article 91 du Code pénal islamique. Son cas a alors fait plusieurs allers-retours entre le tribunal pénal de la province du Gilan et la Cour suprême. Finalement, en avril 2015, la 13e chambre de la Cour suprême a rejeté le recours de Salar Shadizadi, déclarant : « Les personnes ayant atteint l’âge de la puberté [15 années lunaires pour les garçons, neuf pour les filles] sont présumées totalement mûres d’un point de vue psychologique [...] Le contraire doit être prouvé, ce qui n’est pas le cas ici. » La Cour a cité un avis de l’Organisation iranienne de médecine légale, datant de 2013, selon lequel Salar Shadizadi était en pleine possession de ses moyens au moment du crime, même s’il était impossible d’évaluer sa maturité psychologique des années après les faits.

Salar Shadizadi a été arrêté en février 2007 après la découverte, dans un jardin qui appartenait à sa famille, du cadavre d’un de ses amis. Salar Shadizadi a été accusé de meurtre. Dans un testament rédigé en prison en novembre 2015 sous forme de lettre, il a révélé, pour la première fois, dans quelles circonstances il avait provoqué « accidentellement » la mort « tragique » de son ami d’enfance en poignardant dans l’obscurité un objet en mouvement qui l’avait effrayé. L’objet était recouvert de tissu vert, et il a dit ne s’être rendu compte qu’il s’agissait de son ami qu’après l’avoir poignardé.

Tout avait commencé par un « jeu idiot » : son ami l’avait mis au défi de sortir de nuit dans le jardin familial, en sachant que Salar Shadizadi avait peur du noir et que sa grand-mère le mettait en garde depuis l’enfance contre les « mauvais esprits » (jen) qui hantaient les lieux. Dans cette lettre, Salar Shadizadi a aussi écrit que l’atmosphère du poste de police où il avait été détenu, sans aucun contact avec sa famille ou un avocat, était si intimidante et coercitive qu’il n’avait pas osé raconter ce qui s’était réellement passé. Il avait eu l’intention de rétablir la vérité pendant son procès mais y avait renoncé car son avocat l’avait convaincu de se taire et de ne pas faire d’aveux.

Son exécution, prévue pour le 1er août 2015, a été reportée à la dernière minute, probablement à la suite du tollé international suscité par l’affaire. Son exécution avait déjà été programmée puis reportée en juillet 2013. Cette fois-là, les autorités avaient empêché l’exécution au dernier moment car Salar Shadizadi avait sollicité une commutation de peine en vertu de l’article 91 du Code pénal islamique révisé, adopté en mai 2013. Ce texte permet aux juges de remplacer la peine de mort par un autre châtiment s’ils estiment qu’un mineur délinquant déclaré coupable de meurtre n’avait pas conscience de la nature de son crime ou de ses conséquences, ou s’il existe des doutes quant à « son développement et sa maturité psychologiques » au moment des faits.

Le tribunal pénal de la province du Gilan a adressé Salar Shadizadi à l’Organisation iranienne de médecine légale afin qu’elle détermine s’il avait atteint le stade de la « maturité psychologique » et s’il était en mesure de comprendre la nature et les conséquences de son acte à l’époque du crime. Celle-ci a estimé « qu’aucun élément ne permettait de conclure à une altération du discernement au moment du crime, mais qu’il était impossible d’évaluer le développement mental du jeune homme sept ans après les faits ». Face à ces conclusions, et ne sachant comment appliquer le Code pénal islamique révisé de 2013 dans le cas des mineurs délinquants condamnés à mort avant l’adoption de ce texte, le tribunal pénal de la province du Gilan a saisi la Cour suprême afin qu’elle tranche la question de la commutation sur la base des nouvelles dispositions. En novembre 2014, la 13e chambre de la Cour suprême a statué que toute requête en commutation s’appuyant sur le Code pénal islamique révisé devait être formée devant la juridiction ayant prononcé la condamnation à mort.

L’affaire de Salar Shadizadi a été renvoyée une nouvelle fois devant cette chambre en avril 2015. Le Conseil général de la Cour suprême avait rendu un « arrêt pilote » (ra’ye vahdat-e ravieh) dans une autre affaire en décembre 2014 et conclu que toutes les personnes attendant d’être exécutées pour des infractions commises alors qu’elles avaient moins de 18 ans pouvaient obtenir un nouveau procès. Malgré cela, la 13e chambre a rejeté la requête de Salar Shadizadi .

Pourtant, aux termes de l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant, « ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans ».

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