Écrire Les exécutions liées aux stupéfiants se multiplient

Des milliers de personnes ont été condamnées à mort et risquent d’être exécutées, ou sont visées par des enquêtes ou des poursuites pour des infractions liées à la drogue qui sont passibles de la peine de mort, ce qui suscite des craintes de plus en plus vives dans le contexte d’une terrifiante augmentation du nombre d’exécutions en Iran.

En 2023, au moins 481 personnes ont été exécutées pour des infractions liées aux stupéfiants, soit plus de la moitié des 853 exécutions minimum ayant eu lieu.

Les membres de la minorité opprimée des Baloutches ont été touchés de manière disproportionnée, représentant 29 % de toutes les exécutions liées aux stupéfiants, alors qu’ils constituent environ 5 % de la population.

En 2023, Amnesty International a recensé au moins 853 exécutions, à mesure que les prisons iraniennes se sont transformées en lieux de massacre. Plus de la moitié (481) des exécutions étaient en relation avec des infractions liées aux stupéfiants. Le recours à la peine de mort a eu un impact disproportionné sur la minorité ethnique baloutche opprimée en Iran. Sur au moins 172 hommes et femmes baloutches exécutés, 138 l’ont été pour des infractions liées aux stupéfiants, ce qui représente 29 % de l’ensemble des exécutions pour ce motif. Les Baloutches résident principalement dans le Sistan-et-Baloutchistan, l’une des provinces les plus pauvres et sous-développées d’Iran, en raison du sous-investissement persistant du gouvernement central.

Les autorités iraniennes ont toujours négligé les causes profondes de l’implication dans les infractions liées aux stupéfiants, telles que le dénuement économique et la marginalisation systémique. Les personnes exécutées pour des infractions liées aux stupéfiants en 2023, en particulier celles appartenant à la minorité baloutche, sont souvent exécutées en secret, les familles n’ayant pas le droit de leur rendre une dernière visite. Les familles apprennent généralement les exécutions lorsque les autorités pénitentiaires les appellent pour leur dire de venir récupérer la dépouille de leurs proches. Selon des militants baloutches en faveur des droits humains, en l’espace de deux jours, les 30 juillet et 1er août 2023, les autorités ont exécuté secrètement au moins 11 hommes baloutches pour des infractions liées aux stupéfiants, sans en informer au préalable leurs familles ni leur accorder une dernière visite.

Avant 2017, les autorités iraniennes exécutaient chaque année des centaines de personnes pour des infractions liées aux stupéfiants.

Les protestations mondiales dénonçant les exécutions en relation avec les stupéfiants de 638 personnes en 2015 et de 328 personnes en 2016 ont conduit à la réforme de la loi iranienne relative à la lutte contre les stupéfiants en octobre 2017, qui prévoyait que des quantités plus importantes de drogues soient saisies avant de pouvoir imposer des condamnations à mort obligatoires. En janvier 2018, le responsable du pouvoir judiciaire de l’époque a interrompu les exécutions liées aux stupéfiants, et a ordonné des réexamens en vue d’une commutation potentielle dans le cadre des réformes.

Le nombre d’exécutions pour des faits liés aux stupéfiants est alors tombé à 25 en 2018, 30 en 2019 et 23 en 2020. Ces améliorations ont été de courte durée, après l’arrivée d’Ebrahim Raisi à la présidence en août 2021 et la nomination de Gholamhossein Ejei comme responsable du pouvoir judiciaire par la suite. De hauts représentants de la justice et de hauts fonctionnaires affectés au service de contre les stupéfiants ont depuis lors publiquement critiqué les réformes de 2017. Ces critiques s’ajoutent aux efforts déployés par les pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif dans le but de promulguer une nouvelle loi antidrogue qui, si elle est adoptée, élargira l’éventail des substances dont la saisie pourrait donner lieu à l’application de la peine de mort.

En avril 2022, le directeur des affaires juridiques du service de lutte contre les stupéfiants, Mohammad Tarahomi, a annoncé qu’un décret du Guide suprême iranien, Ali Khamenei, demandant que « les lois antidrogue soient mises à jour et réformées au Parlement » avait incité le pouvoir judiciaire et le service de lutte contre les stupéfiants à collaborer afin d’élaborer un nouveau projet de loi de lutte contre la drogue contenant 115 articles. En décembre 2022, le gouvernement a soumis un projet de loi de cinq articles au Parlement, sur la base d’instructions du président Ebrahim Raisi de donner la priorité à certaines sections du projet de loi et à la suite de ses appels publics à intensifier la « lutte implacable contre les stupéfiants ».

Au début du mois de janvier 2024, la Commission juridique et judiciaire du Parlement avait approuvé les principes généraux du projet de loi. Au lendemain du soulèvement « Femme. Vie. Liberté. », les autorités iraniennes ont intensifié leur recours à la peine de mort comme outil de répression politique, afin de tourmenter et de terroriser la population iranienne et d’imposer le silence et la soumission par la force brute. Le nombre d’exécutions enregistrées en 2023 est le plus élevé depuis 2015 et marque une augmentation de 48 % par rapport à 2022 et de 172 % par rapport à 2021.

Le recours à la peine capitale pour des infractions liées aux stupéfiants et les condamnations à mort automatiques sont contraires au droit et aux normes internationaux. L’article 6(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l’Iran a ratifié, et la garantie 1 des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, approuvées par le Conseil économique et social de l’ONU dans sa résolution 1984/50, prévoient que dans les pays où la peine de mort n’a pas encore été abolie, celle-ci ne peut être imposée que « pour les crimes les plus graves ».

Le Comité des droits de l’homme a précisé que l’expression « les crimes les plus graves » renvoie à des crimes impliquant un homicide intentionnel. « Les crimes qui n’ont pas la mort pour résultat direct et intentionnel, tels que [...] les infractions liées à la drogue [...], bien qu’ils soient de nature grave, ne peuvent jamais servir de fondement, au regard de l’article 6, pour imposer la peine de mort [...]. » L’imposition obligatoire de la peine de mort est également interdite par le droit international. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a indiqué que « l’imposition automatique et obligatoire de la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie [...] dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question ».

Amnesty International a appelé à de nombreuses reprises le Conseil économique et social des Nations unies, ainsi que ses organes subsidiaires, dont l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, à faire de l’abolition de la peine de mort une composante à part entière de tous les programmes de promotion d’une réforme des politiques liées à la drogue, de prévention de la criminalité et d’amélioration des systèmes de justice pénale partout dans le monde.

Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. Cette sanction viole le droit à la vie tel qu’il est proclamé par la Déclaration universelle des droits de l’homme et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où elle est encore en vigueur, notamment l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine capitale.

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