Écrire Expression d’intolérance avec une condamnation pour blasphème

Le gouverneur chrétien de Djakarta, « Ahok », a été condamné à deux ans d’emprisonnement le 9 mai 2017, après avoir été déclaré coupable de blasphème à l’égard de l’islam. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion et demande par conséquent sa libération immédiate et inconditionnelle.

Le 9 mai 2017, le gouverneur de Djakarta, Basuki Tjahaja Purnama, plus connu sous le nom d’« Ahok », a été déclaré coupable de blasphème et immédiatement condamné à deux ans d’emprisonnement au titre des articles 156 et 156(a) du Code pénal indonésien. Il a déclaré qu’il ferait appel auprès de la haute cour de Djakarta. Ahok, qui est chrétien, a été accusé d’avoir « insulté l’islam » dans une vidéo diffusée sur Internet, après qu’il eut annoncé publiquement qu’il se représenterait au poste de gouverneur de Djakarta aux élections de 2017.

Cette vidéo a été vivement critiquée par de nombreux groupes religieux extrémistes, et des manifestations de grande ampleur ont été organisées dans tout le pays entre novembre 2016 et mai 2017 pour demander qu’Ahok soit poursuivi pour diffamation envers l’islam.

Les dispositions des articles 156 et 156(a) du Code pénal relatives au blasphème prévoient des poursuites pénales pour « toute personne qui, en public et de façon délibérée, exprime des opinions ou se livre à des activités en principe assimilables à de l’hostilité et considérées comme irrespectueuses ou blasphématoires à l’égard d’une religion pratiquée en Indonésie ». Ces dispositions ont été utilisées pour poursuivre des personnes et les emprisonner pendant une période d’une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, alors qu’elles n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leurs droits aux libertés d’expression, de pensée, de conscience ou de religion, qui sont protégés par des traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels l’Indonésie est partie.

Ahok est la quatrième personne en Indonésie à être déclarée coupable de blasphème en 2017, après la condamnation de trois membres d’un groupe religieux minoritaire aujourd’hui dissous, le mouvement Fajar Nusantara, connu sous le nom de « Gafatar ». Ahmad Mushaddeq, Mahful Muis Tumanurung et Andry Cahya ont été déclarés coupables de blasphème par le tribunal de district de Djakarta-Est le 7 mars 2017.

La législation relative au blasphème a été utilisée tant par des musulmans que par des non-musulmans pour tenter d’étouffer la liberté d’expression et de religion en Indonésie, pays ayant la plus forte majorité musulmane au monde.

Bien que la Loi sur le blasphème (décret présidentiel n° 1/PNPS/1965) et l’article 156(a) du Code pénal aient été promulgués en 1965, ils n’ont été utilisés pour poursuivre qu’une dizaine de personnes entre 1965 et 1998, lorsque l’ancien président Suharto était au pouvoir, période pendant laquelle l’exercice du droit à la liberté d’expression était pourtant soumis à de fortes restrictions. Entre 2005 et 2014, selon les informations recueillies par Amnesty International, au moins 106 personnes ont été poursuivies et condamnées au titre de la législation relative au blasphème en Indonésie. Ahok est le premier haut représentant de l’État déclaré coupable de blasphème dans ce pays.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, et conformément à l’article 20(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, les États doivent interdire tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. Cette interdiction concerne l’incitation à la haine à l’égard de personnes appartenant à des groupes particuliers, y compris des groupes religieux ; elle ne s’applique cependant pas aux outrages envers des religions ou des convictions elles-mêmes. Pour qu’elle soit conforme au PIDCP, toute interdiction de ce type doit être formulée en des termes très précis, de façon à ne couvrir que les formes d’expression contenant à la fois un élément d’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse et un élément d’appel à la haine à l’égard des personnes concernées. De plus, de tels agissements ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales que s’il existe des preuves que les deux éléments étaient intentionnels.

Les dispositions des articles 156 et 156(a) du Code pénal relatives au blasphème prévoient des poursuites pénales pour « toute personne qui, en public et de façon délibérée, exprime des opinions ou se livre à des activités en principe assimilables à de l’hostilité et considérées comme irrespectueuses ou blasphématoires à l’égard d’une religion pratiquée en Indonésie ». Le droit international relatif aux droits humains autorise les États à imposer certaines restrictions à l’exercice de la liberté d’expression lorsqu’elles sont manifestement nécessaires pour protéger les droits d’autrui, mais il ne peut être invoqué pour protéger des systèmes de croyance contre la critique.

Le droit à la liberté de religion ou de conviction protège les droits des personnes et des groupes, mais pas les religions elles-mêmes, et n’englobe pas le droit de voir sa religion ou sa conviction à l’abri de la critique ou de la dérision. Par conséquent, les lois qui invoquent ce principe pour limiter la liberté d’expression, comme les lois sur le blasphème ou sur l’outrage à l’égard des religions, sont incompatibles avec le droit à la liberté d’expression et doivent être abrogées.

Ahmad Mushaddeq, Mahful Muis Tumanurung et Andry Cahya ont été déclarés coupables de blasphème par le tribunal de district de Djakarta-Est le 7 mars 2017. Ces trois hommes, dirigeants du mouvement Fajar Nusantara (Gafatar), aujourd’hui dissous, sont des adeptes du courant religieux Millah Abraham, considéré comme « hérétique » par les autorités indonésiennes parce qu’il mêle les enseignements religieux de l’islam, du christianisme et du judaïsme. Pour en savoir plus, voir : https://www.amnesty.org/fr/documents/asa21/5851/2017/fr/.

Par le passé, Amnesty International a déjà appelé les autorités indonésiennes à abroger toutes les dispositions législatives et règlementaires relatives au blasphème qui imposent des restrictions à l’exercice des droits aux libertés d’expression, de pensée, de conscience et de religion outrepassant ce qui est permis en vertu du droit international relatif aux droits humains, ou à modifier ces dispositions afin de les rendre conformes aux obligations internationales de l’Indonésie en matière de droits humains.

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