En décembre 2012, soit 10 mois après l’adoption de la stratégie nationale d’intégration des Roms en Italie, la municipalité de Giugliano a décidé de construire un nouveau camp dans la localité de Masseria del Pozzo, pour y relocaliser temporairement les personnes d’origine rom. Les travaux de construction ont été achevés en 2013 et les Roms ont été transférés dans le camp situé près d’une décharge, dans la zone connue sous le nom de Terra dei Fuochi, qui selon plusieurs enquêtes de la police est utilisée pour l’élimination illégale de déchets industriels toxiques provenant de différentes régions d’Italie.
Lorsque le camp a été mis en place, aucun logement n’avait été fourni par les autorités locales et les familles roms avaient été autorisées à construire leurs propres abris et quelques conteneurs avaient été installés sur le terrain avec des installations sanitaires de base, notamment des douches et des toilettes. Lorsque les chercheurs d’Amnesty International se sont rendus sur les lieux en février 2016, les conditions de vie générales dans ce camp situé à proximité de déchets toxiques étaient déplorables et impropres à l’habitation humaine, le système d’évacuation des eaux usées présentait de graves problèmes et les logements ne satisfaisaient pas aux exigences minimales en matière d’hébergement. Les habitants du camp se sont entretenus avec les chercheurs d’Amnesty International et ont évoqué l’odeur insupportable dans la zone qui serait due aux émanations de biogaz et d’autres émanations non identifiées qui se dégagent régulièrement de la décharge couverte voisine.
Un tribunal a récemment ordonné que le terrain soit saisi et que les autorités municipales déplacent les familles hors de ces conditions de vie dangereuses. Face à la fermeture du camp, la municipalité de Giugliano, la région de Campanie, la préfecture de Naples et le ministre de l’Intérieur ont autorisé la construction d’un nouveau camp spécifique. Des ONG ont critiqué ce projet car il soulève des inquiétudes quant aux risques de ségrégation, au manque de garanties minimales en matière de sécurité d’occupation et à l’absence de mesures d’intégration nécessaires. Le projet fait état de « conditions de logement convenables et de l’intégration des familles roms », mais dans la pratique, il ne prévoit que 44 préfabriqués pour 236 personnes. Le projet prévoit effectivement d’autres mesures visant à garantir « un processus d’intégration sociale et de légalité » de la situation des habitants, parmi lesquelles figurent des activités d’accueil des jeunes enfants, des informations quant aux inscriptions dans les écoles, des campagnes de sensibilisation de la communauté rom pour encourager un comportement favorisant des rapports positifs avec les habitants des environs, des activités de formation professionnelle pour les jeunes, etc. Cependant, les fonds nécessaires au financement de ces mesures n’ont pas encore été affectés.
Le 13 juin, la municipalité de Giugliano a annoncé aux habitants roms qu’en attendant la construction du nouveau camp et à titre de solution provisoire, ils seraient relocalisés hors du camp de Masseria del Pozzo le 23 juin. La solution provisoire proposée par les autorités consiste à relocaliser les habitants sur un terrain au milieu de champs et loin de la ville voisine. Le terrain n’est actuellement équipé d’aucune structure d’hébergement, ne permet pas l’accès aux services essentiels tels que l’eau et est mal desservi par les transports. Les autorités ont indiqué aux habitants qu’ils seraient autorisés à emmener leurs caravanes et que des toilettes chimiques et une citerne d’eau seraient installées sur le terrain. Ces installations sont loin de répondre aux critères de logement adéquat prévus par les normes internationales en matière de droits humains. Amnesty International craint également que les personnes ne possédant pas de caravane se retrouvent sans abri.
Bien que les éléments recueillis par Amnesty International confirment que les familles roms doivent être relocalisées hors du camp de Masseria del Pozzo de toute urgence, la municipalité doit veiller à ce que les droits humains de ces personnes ne soient pas bafoués dans le cadre de la gestion de cette situation d’urgence.
L’Italie est partie à plusieurs traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains interdisant les expulsions forcées, qui sont des expulsions sans notification adéquate, sans réelle consultation des personnes concernées, sans les garanties juridiques nécessaires et sans mesures de relogement dans des conditions adaptées. L’Italie est tenue de veiller à ce qu’un nouveau logement convenable soit fourni aux familles concernées et à ce qu’elles ne se retrouvent pas sans abri ou exposées à d’autres violations des droits humains à cause d’une expulsion. Les victimes doivent bénéficier de recours utiles et doivent notamment se voir offrir une indemnisation pour tout préjudice subi et une solution de relogement convenable doit être proposée aux personnes ne pouvant pas subvenir à leurs propres besoins. Ces obligations s’appliquent aux autorités à tous les niveaux, notamment aux autorités municipales.