Écrire Il faut libérer une demandeuse d’asile transgenre placée en détention

Alejandra a fui son pays, le Salvador, pour échapper aux attaques et au chantage qu’elle y subissait en raison de son identité transgenre, avant de déposer une demande d’asile aux États-Unis en novembre 2017. Elle est détenue depuis décembre au centre de détention de Cibola, au Nouveau-Mexique, où elle et d’autres femmes transgenres se sont plaintes de ne pas recevoir les soins médicaux dont elles ont besoin dans un délai adéquat. Les services de l’immigration des États-Unis doivent la libérer immédiatement dans l’attente de la décision concernant sa demande d’asile.

Alejandra (n° de dossier d’immigration américain : A# 216-269-450) est une femme transgenre de 43 ans originaire du Salvador. Esthéticienne et militante des droits humains dans son pays, elle a fini par le fuir après avoir subi une attaque et une agression sexuelle aux mains de membres d’une organisation criminelle transnationale et de l’armée salvadorienne en raison de son identité transgenre. Déjà attaquée, et notamment rouée de coups, à plusieurs reprises entre 2013 et 2016 par des membres d’organisations criminelles, elle en a gardé des cicatrices sur le cuir chevelu, le visage et une jambe. En avril 2018, Alejandra a été entendue par un tribunal chargé des affaires d’immigration au centre de détention de Cibola, où elle est actuellement détenue, pour présenter les motivations de sa demande d’asile.

Elle a en outre requis une libération conditionnelle, qui lui a été refusée par le Service de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE) sans qu’une justification détaillée soit fournie à son avocat. Pourtant, elle ne présente aucun risque de fuite dans l’attente de la décision d’un juge de l’immigration sur sa demande d’asile, étant donné qu’elle logerait chez sa nièce transgenre qui a déjà obtenu l’asile et s’est installée aux États-Unis.

Le 8 mai, lorsque Amnesty International s’est entretenue avec Alejandra, elle s’est plainte du fait qu’elle et d’autres femmes transgenres détenues à Cibola ne recevaient pas les soins médicaux dont elles avaient besoin dans un délai adéquat, en précisant notamment qu’elles devaient attendre pour recevoir certains examens médicaux et traitements palliatifs après en avoir fait la demande en bonne et due forme. Le 8 juin, Alejandra a informé son avocat qu’elle souffrait de forts maux de tête, de vomissements et de saignements de nez depuis 11 jours. Bien qu’elle ait demandé des soins médicaux à six reprises pendant cette période, elle n’avait pas bénéficié d’un examen médical à l’infirmerie. Le 25 mai, une autre demandeuse d’asile transgenre, Roxana Hernandez, est morte dans un hôpital situé à proximité, une semaine après son arrivée à Cibola, alors qu’elle présentait des symptômes de pneumonie et de déshydratation apparus, semble-t-il, pendant sa détention par le Service de contrôle de l’immigration et des douanes. Alejandra est devenue déprimée et inquiète de subir le même sort en détention aux mains de l’ICE.

La détention ne doit être utilisée qu’en dernier recours par les autorités chargées de l’immigration, après une appréciation au cas par cas. La libération conditionnelle doit être accordée pour des raisons humanitaires lorsque la personne ne constitue pas une menace pour la sécurité publique et ne présente aucun risque de fuite.

Parmi les 12 femmes transgenres interrogées par Amnesty International en mai 2018 qui étaient détenues (3) ou avaient été détenues (9) à Cibola, la moitié (6) se sont plaintes de l’insuffisance des soins médicaux fournis sur place. Les problèmes les plus graves qu’elles ont identifiés étaient le temps d’attente des nouveaux détenus pour recevoir des médicaments contre le VIH après leur arrivée, ainsi que celui de toutes les personnes pour obtenir des traitements hormonaux, antirétroviraux et autres. Les personnes interrogées ont également souvent évoqué le manque de réactivité du personnel infirmier aux demandes d’examens ou de soins – certaines avaient été suivies d’une prise en charge médicale trois jours ou deux semaines après, et d’autres pas du tout. Malgré ces préoccupations, les demandeurs d’asile n’obtiennent presque jamais de libération conditionnelle du centre de détention de Cibola pendant le traitement de leur dossier, y compris les femmes transgenres souffrant de graves problèmes de santé.

La détention des demandeurs d’asile ne doit être qu’une mesure prise en dernier recours, lorsque les autres solutions non privatives de liberté se sont révélées ou ont été jugées insuffisantes dans le cas de la personne en cause. Le fait de détenir des demandeurs d’asile ou d’autres migrants uniquement en raison de leur statut migratoire constitue une détention arbitraire au regard du droit international. Selon le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce type de détention arbitraire de demandeurs d’asile peut « très rapidement, si ce n’est immédiatement » constituer une forme de mauvais traitement pour les personnes dans des situations de vulnérabilité accrue, en particulier les femmes, les personnes âgées, les personnes souffrant de problèmes de santé ou les minorité sociales, parmi lesquelles figurent les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI).

Aux termes du droit international, les États-Unis sont tenus de veiller à ce que les droits humains des migrants et des demandeurs d’asile soient respectés, protégés et concrétisés. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) proclame clairement le droit de ne pas être détenu arbitrairement. La détention ne doit être utilisée qu’en dernier recours ; elle doit être justifiée pour chaque personne concernée et contrôlée par les autorités judiciaires. Elle n’est adaptée que lorsque les autorités peuvent faire la preuve dans chaque cas qu’une telle mesure est nécessaire et proportionnée à l’objectif visé, que les motifs invoqués sont prévus par la loi et que d’autres mesures (obligation de se présenter régulièrement aux autorités ou libération sous caution, par exemple) ne seraient pas efficaces. Dans son rapport publié en juillet 2017 à l’issue de sa visite aux États-Unis, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a écrit : « [L]a détention obligatoire des immigrants, en particulier des demandeurs d’asile, est contraire aux normes internationales relatives aux droits humains [...]. Le Groupe de travail a fait observer que le système actuel de détention des immigrants et des demandeurs d’asile était, dans bien des cas, punitif, déraisonnablement long, inutile et coûteux alors qu’il existait d’autres solutions au sein de la collectivité, [et] non fondé sur une évaluation individualisée de la nécessité et de la proportionnalité de la détention, réalisée dans des conditions dégradantes et dissuasive à l’égard de demandes d’asile légitimes. »

En vertu du PIDCP, de la Convention contre la torture et du droit international coutumier, les États-Unis sont tenus de ne pas renvoyer des personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de torture ou d’autres graves atteintes à leurs droits fondamentaux : c’est le principe de « non-refoulement ». Ces garanties sont impératives pour protéger les réfugiés fuyant les violences et les persécutions.

Le droit fédéral des États-Unis prévoit que toute personne appréhendée à la frontière « doit être placée en détention » dans l’attente d’une procédure d’expulsion, mais qu’elle peut bénéficier d’une libération conditionnelle accordée au cas par cas pour des « raisons d’urgence humanitaire » ou des « raisons d’utilité publique notables », lorsqu’elle ne constitue aucunement une menace pour la sécurité et ne risque pas de s’enfuir. Le Service de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE) laisse à la discrétion des directeurs et directrices de ses bureaux locaux la décision d’accorder aux personnes dont les craintes semblent fondées une telle libération conditionnelle au cas par cas – qui s’applique aux personnes dont le maintien en détention n’est pas d’utilité publique –, ainsi que celle de prolonger la détention de personnes en situation d’urgence médicale. Ces pouvoirs discrétionnaires leur permettent de décider qui détenir ou libérer sous caution, surveillance ou autres conditions.

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