Avant son arrestation, le juge Abdulwahab Mohammad Qatran exprimait avec force son opposition aux autorités houthies de facto. Il avait partagé plusieurs publications sur X (anciennement Twitter) critiquant les actions des Houthis et les violations des droits humains qu’ils commettaient, dont leurs attaques en mer Rouge. Le 31 décembre 2023, il a écrit sur X que 30 millions de Yéménites n’autorisaient pas les Houthis à combattre les États-Unis. Selon l’un de ses fils, il a reçu plusieurs menaces de figures affiliées aux Houthis à la suite de cette publication.
Après l’arrestation du juge, sa famille a déposé des plaintes en bonne et due forme auprès du Conseil supérieur de la magistrature, du Parlement et du ministère des Droits humains pour demander sa libération. Elle n’a reçu aucune réponse à ce jour.
La détention arbitraire constitue une violation du Code de procédure pénale du Yémen et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Yémen est partie. Les juges ont par ailleurs le droit à la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Les Principes fondamentaux des Nations unies relatifs à l’indépendance de la magistrature prévoient ce qui suit : « Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme, les magistrats jouissent, comme les autres citoyens, de la liberté d’expression, de croyance, d’association et d’assemblée. »
Au regard de la Loi yéménite de 1991 relative à l’autorité judiciaire, le Conseil supérieur de la magistrature offre aux juges des protections supplémentaires sur le plan juridique. D’après l’avocat du juge, le procureur les a informés le 10 février, lui et son client, que les protections juridiques de ce dernier avaient été annulées après son arrestation, qui constitue donc une violation de l’article 87 de la Loi yéménite relative à l’autorité judiciaire, selon lequel « un juge ne doit pas être arrêté ou détenu tant que le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas donné son autorisation ».
Toutes les parties au conflit, y compris les autorités houthies de facto, le gouvernement reconnu par la communauté internationale et le Conseil de transition du Sud (CTS), procèdent à des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des manœuvres de harcèlement, des actes de torture et autres mauvais traitements et des procès iniques.
Depuis 2015, Amnesty International a recueilli des informations sur les cas de plusieurs dizaines de journalistes, de défenseur·e·s des droits humains, d’universitaires, de membres de la communauté baha’ie et d’autres personnes perçues comme étant des opposant·e·s ou exprimant des critiques, qui ont été soumis par les autorités houthies de facto à une détention arbitraire, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, une disparition forcée ou un procès inique pouvant donner lieu à une condamnation à mort. Ces personnes avaient toutes été ciblées pour avoir fait leur travail ou exercé leurs droits humains de manière pacifique, notamment leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de conviction.