Jusqu’à présent, les autorités égyptiennes se sont appuyées sur la Loi sur la prostitution n° 10 de 1961 pour inculper les personnes soupçonnées d’avoir des relations sexuelles avec des personnes de même sexe de « pratique habituelle de la débauche », une infraction punie par des peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Le nouveau projet de loi constitue la première définition spécifique de l’« homosexualité » dans la législation égyptienne.
Ce projet de loi est présenté après que le drapeau arc-en-ciel a été déployé lors d’un concert de Mashrou Leila au Caire, la capitale de l’Égypte, le 22 septembre, à la suite de quoi les autorités égyptiennes ont entamé une répression des personnes LGBTI en Égypte. Les autorités ont effectué au moins cinq examens anaux sans le consentement des personnes arrêtées, ce qui est contraire à l’interdiction absolue par le droit international de la torture et de toute autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Les forces de sécurité ont également arrêté deux personnes qui auraient déployé le drapeau lors du concert. Elles ont aussi arrêté d’autres personnes, non liées à l’incident du drapeau, dans différents quartiers du Caire, Ismalia, Damietta et Sharm al Sheikh, en raison de leur orientation sexuelle supposée. Les autorités ont également utilisé des plateformes de rencontre en ligne pour piéger et arrêter des personnes qu’elles soupçonnaient d’être homosexuelles. Une femme, Sara Hegazy, figure au nombre des personnes actuellement interrogées.
Les 67 personnes arrêtées sont notamment inculpées de « pratique habituelle de la débauche », d’« incitation à la débauche » et de « promotion de la déviance sexuelle ». Sara Hegazy et un autre homme font l’objet de poursuites pour les mêmes chefs d’inculpation, en plus de celui d’« appartenance à un groupe interdit ». Ces charges sont passibles de peines de prison d’une durée allant jusqu’à 15 ans, en vertu du Code pénal et de la Loi relative à la prostitution. Sara Hegazy a indiqué au procureur qui l’a interrogée qu’elle avait été battue et harcelée sexuellement par ses compagnons de cellule dans le poste de police de Saida Zenab, au Caire, après que les forces de sécurité ont informé ses codétenus qu’elle était accusée de « pratique habituelle de la débauche ».
Le déploiement du drapeau arc-en-ciel lors du concert a provoqué un tollé public dans les médias locaux, qui ont réclamé la comparution en justice des personnes impliquées. À la suite de la campagne de dénigrement des médias locaux, le parquet égyptien a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la promotion de la « pratique habituelle de la débauche » et de « l’homosexualité » le 25 septembre. Il a en outre ordonné aux procureurs de la sécurité de l’État de mener des investigations sur les personnes qui avaient brandi le drapeau.
Le Conseil suprême des médias a également publié un communiqué interdisant à tous les médias de faire preuve de soutien, de solidarité ou de sympathie envers les personnes LGBTI et a appelé tous les médias à sensibiliser la population contre la « pratique habituelle de la débauche » et les personnes LGBTI, affirmant qu’elles « ne (faisaient) pas partie des traditions ni de la culture de la société égyptienne » et que « ce phénomène LGBTI (devait) prendre fin ».
Des avocats et des ONG ont indiqué à Amnesty International que le nombre de personnes maintenues en détention en raison de leur orientation sexuelle supposée suite à l’incident du 22 septembre était probablement plus élevé, mais que compte tenu de la fréquence à laquelle ces arrestations avaient lieu, il était difficile de donner un nombre exact.
Il s’agit de la pire campagne homophobe sanctionnée par l’État dans l’histoire récente de l’Égypte, mais cet incident n’est pas isolé. En 2001 les autorités avaient effectué une descente sur le Queen Boat, une boîte de nuit flottante sur le Nil, arrêtant 52 personnes. Vingt-trois hommes avaient ensuite été condamnés au titre de la Loi sur la prostitution. D’après l’Initiative égyptienne pour les droits personnels, ces quatre dernières années, sans prendre en compte les événements de la semaine dernière, plus de 250 hommes ont été arrêtés par les autorités en raison de leur orientation sexuelle supposée et traduits en justice.