Écrire En finir avec l’utilisation de la musique pour torturer des prisonniers

Le 11 novembre, le prisonnier d’opinion Mohammed al Roken a perdu connaissance dans sa cellule de la prison d’Al Razeen, aux Émirats arabes unis, après que les autorités ont diffusé délibérément de la musique à fort volume, ce qui pourrait s’apparenter à de la torture.

Le prisonnier d’opinion Mohammed al Roken a été réveillé le 11 novembre par une musique assourdissante diffusée par les haut-parleurs de la prison d’Al Razeen, à Abou Dhabi. Il a activé le signal d’alarme de sa cellule verrouillée mais personne n’a répondu, puis il a perdu connaissance. Les gardiens visionnant les images des caméras de surveillance installées dans les cellules sont arrivés quand ils l’ont vu à terre. Comme il était inconscient, ils l’ont emmené à l’infirmerie de la prison dans un fauteuil roulant.

Mohammed al Roken avait une tension élevée. Il a été ramené ensuite dans sa cellule, où il est enfermé de 22 heures à 5 heures du matin. Dans la matinée, la direction de la prison a recommencé à diffuser de la musique à fort volume. Mohammed al Roken a ressenti une douleur dans l’oreille et a été reconduit à l’infirmerie. Il s’est avéré qu’il souffrait d’une infection auriculaire, que la musique à très fort volume avait aggravée.

Mohammed al Roken purge une peine de 10 ans d’emprisonnement pour « tentative de renversement du régime », qui lui a été infligée le 2 juillet 2013 à l’issue du procès des « 94 Émiriens » – manifestement inique et sous-tendu par des considérations politiques. Plusieurs de ses coprévenus ont déclaré qu’ils avaient subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements, et ont présenté des éléments à l’appui, mais aucune de leurs allégations n’a fait l’objet d’une enquête indépendante. L’État n’a pas donné suite à la requête que lui avait adressée le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, qui désirait effectuer une visite dans le pays.

Mohammed al Roken est un éminent avocat de l’émirat de Doubaï, spécialiste des droits humains et ancien président de l’Association des juristes des Émirats arabes unis. Il a été arrêté le 17 juillet 2012 au petit matin par des agents de la sûreté de l’État alors qu’il se rendait en voiture dans un poste de police de Doubaï pour demander des renseignements à propos de Rashid Mohammed al Roken, son fils détenu, et de son gendre, Abdulla al Hajri, arrêté quelques heures auparavant. Le lendemain, 17 agents des forces de sécurité l’ont emmené chez lui afin d’effectuer une perquisition. Ils ont saisi tous les ordinateurs, iPads, livres, magazines et albums photos de la famille, ainsi que tous les DVD, y compris ceux des enfants. Pendant les trois mois suivants, Mohammed al Roken a été victime d’une disparition forcée et détenu à l’isolement dans un lieu tenu secret. En juillet 2013, il a été condamné à 10 ans d’emprisonnement, assortis de trois ans de mise à l’épreuve, à l’issue du procès manifestement inique de 94 personnes prônant des réformes.
Nombre des « 94 Émiriens » et d’autres personnes jugées par la chambre de sûreté de l’État de la Cour suprême fédérale ont affirmé avoir subi des actes de torture ou d’autres mauvais traitements en détention provisoire, période pendant laquelle ils étaient souvent maintenus au secret pendant plusieurs mois dans des locaux de la sûreté de l’État. La chambre n’a pas enquêté comme il se devait sur ces allégations, alors qu’il apparaît de plus en plus clairement que les agents de la sûreté de l’État infligent des violences aux détenus.
En mars 2013, le groupe de travail sur l’Examen périodique universel a recommandé aux Émirats arabes unis d’enquêter rapidement et de manière impartiale sur toutes les allégations de torture, et de poursuivre les personnes soupçonnées d’avoir commandité, réalisé ou approuvé ces actes. Il a aussi recommandé aux autorités émiriennes d’inviter le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture à effectuer une visite dans le pays. Dans son rapport adressé au Conseil des droits de l’homme en mai 2015, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats a signalé qu’on lui avait communiqué des éléments crédibles attestant les actes de torture et les autres mauvais traitements infligés à des personnes détenues au secret dans des lieux inconnus et a souligné que les informations obtenues sous la torture ou au moyen d’autres mauvais traitements ne devaient pas servir de preuve mais pouvaient être utilisées par les autorités émiriennes pour poursuivre les auteurs présumés.
Les haut-parleurs installés récemment à la prison d’Al Razeen diffusent par intermittence de la musique à très fort volume, notamment l’hymne national émirien et le serment d’allégeance au souverain, entre 22 heures et 2 heures du matin. Les 60 prisonniers condamnés dans la même affaire que Mohammed al Roken sont détenus à Al Razeen.
En août 2013, 18 prisonniers d’Al Razeen ont entamé une grève de la faim pour protester contre les mauvais traitements infligés par la direction de l’établissement, y compris les passages à tabac par des gardiens et les restrictions des visites familiales. En outre, ils se plaignaient d’être maintenus dans l’obscurité et affirmaient que la direction de la prison éteignait délibérément la climatisation par temps chaud. Trois prisonniers, qui figuraient parmi les six premiers à commencer leur grève de la faim, le 31 juillet 2013, ont perdu connaissance entre le 21 et le 28 août (voir l’AU 238/13 : http://www.amnesty.org/fr/library/asset/MDE25/009/2013/fr). Au moins 10 prisonniers d’opinion ont été victimes de mauvais traitements à la prison d’Al Razeen en juin 2014 (voir l’AU 149/14 : https://www.amnesty.org/fr/documents/mde25/013/2014/fr/).
En octobre 2015, le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan Mendez, a demandé à se rendre aux Émirats arabes unis au premier semestre 2016 et à enquêter sur les accusations de torture mettant en cause des agents de la sûreté de l’État. Les autorités n’ont pas donné suite à sa requête ni à celles des quatre autres rapporteurs spéciaux.
Amnesty International a rendu compte du procès des « 94 Émiriens » dans un rapport publié en novembre 2014, intitulé “There is no freedom here” – Silencing dissent in the United Arab Emirates, qui peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.amnesty.org/en/library/info/MDE25/018/2014/en (en anglais).

Nom : Mohammed al Roken
Homme

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