Écrire Le fondateur d’une ONG condamné à une peine de prison

Walid Zarrouk, ancien agent pénitentiaire, qui a créé une organisation non gouvernementale (ONG) ayant pour mission d’observer le traitement réservé aux détenus en Tunisie, a été condamné à trois mois de prison pour diffamation à l’égard d’un représentant de l’État.
Ancien agent pénitentiaire, Walid Zarrouk a été condamné à trois mois d’emprisonnement le 21 octobre. Il a été déclaré coupable, sur la base d’accusations portées par un procureur adjoint, d’avoir imputé « à un fonctionnaire public [...] des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité », au titre de l’article 128 du Code pénal tunisien. Ses avocats ont formé un recours deux jours plus tard, mais aucune date n’a été fixée pour l’audience d’appel.
Walid Zarrouk avait été contacté par un ami policier le 16 septembre, qui lui avait demandé de venir à sa rencontre au poste de police d’al Gorjani à Tunis, la capitale. Quand il est arrivé, la police lui a présenté un mandat d’arrêt et l’a placé en garde à vue. Selon son épouse, ce mandat d’arrêt a été émis après que Sofiane Selliti, un procureur adjoint de Tunis, a déposé une plainte accusant Walid Zarrouk d’avoir tenu des propos diffamatoires sur sa page Facebook.
Walid Zarrouk, 36 ans, avait établi une ONG nommée Muraqib afin d’effectuer un suivi des conditions et des traitements prévalant dans les prisons et les postes de police, ainsi que des abus commis par l’appareil judiciaire. Ses avocats ont avancé que cette plainte et la condamnation qui en a découlé sont en représailles contre son travail au sein de cette ONG, qui se montre critique à l’égard de la justice.
Après son arrestation, Walid Zarrouk a été incarcéré pendant six jours au centre de détention de Bouchoucha, puis transféré à la prison de la Rabta, à Tunis, où ils se trouve toujours. Il a entamé une grève de la faim le 17 octobre afin de protester contre son arrestation, et a cessé de boire de l’eau le 22 octobre, pour dénoncer la décision du tribunal. Sa femme lui a rendu visite en prison le lendemain matin et a déclaré que sa santé se détériorait de manière visible.

Du temps où le président Ben Ali, chassé du sommet de l’État par le soulèvement de 2011, était encore au pouvoir, Walid Zarrouk travaillait comme formateur à la brigade canine des prisons. Durant le soulèvement de 2011, il était en poste dans la ville de Kasserine, où il a été témoin d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les prisons : il a dénoncé ces pratiques et réclamé une réforme du secteur de la sécurité. Après les troubles, il a créé le syndicat des prisons et de la rééducation, un syndicat d’agents pénitentiaires. Selon son épouse, il a été licencié après avoir publiquement accusé la police de corruption et critiqué le système de sécurité. Il a ensuite quitté le syndicat et établi sa propre ONG, nommée Muraqib, qui mène un travail d’observation des traitements et conditions que connaissent les détenus en prison et dans les postes de police. Il a été arrêté à cinq reprises depuis 2012, mais il s’agit de sa première condamnation.

Walid Zarrouk a été inculpé en vertu des articles 128, 245 et 247 du Code pénal tunisien, et de l’article 86 du code national des télécommunications. Il a été reconnu coupable d’une charge : avoir imputé « à un fonctionnaire public [...] des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité », au titre de l’article 128, et a été acquitté de toutes les autres. Quatorze charges supplémentaires retenues contre lui sont susceptibles de déboucher sur des condamnations similaires, selon ses avocats.

Walid Zarrouk avait été arrêté le 9 septembre 2013 après avoir laissé sur Facebook des commentaires critiques à l’égard de l’ancien ministre de la Justice et du procureur. Il a accusé Tarek Chkioua, le procureur de la République, de ne pas être neutre sur le plan politique, et a reproché à Nourredine Bhiri, l’ancien ministre de la Justice, de l’avoir reconduit dans ses fonctions, déclarant que le parquet était sous le contrôle du ministère. En 2012, il a été accusé de diffamation après avoir déclaré dans le journal Al Chourouk que les nominations au sein de la police étaient en relation avec le soutien à l’ancien président Ben Ali. Le chef de l’autorité carcérale a porté plainte contre lui et il a été privé de liberté pendant 14 jours et suspendu de ses fonctions. Le tribunal a en fin de compte décidé d’abandonner les charges, mais le parquet a fait appel de cette décision, et le procès est en cours. Walid Zarrouk a de nouveau été incarcéré pendant quatre jours quand il a publiquement accusé l’ancien ministre de la Justice de corruption.

Ines Ben Othman, l’épouse de Walid Zarrouk, a été condamnée à deux mois d’emprisonnement en janvier 2015 pour « outrage verbal à un représentant de l’État dans l’exercice de ses fonctions » au titre de l’article 125 du Code pénal tunisien. Pour en savoir plus, voir l’AU 3/15, (https://www.amnesty.org/fr/documents/mde30/001/2015/fr/) et sa mise à jour.

La liberté d’expression est un droit consacré par l’article 31 de la Constitution tunisienne de 2014. L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la Tunisie est partie, garantit le droit de critiquer publiquement les agents et institutions de l’État. Selon le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe qui contrôle la mise en œuvre du PIDCP, les personnalités et les institutions publiques doivent montrer une plus grande tolérance vis-à-vis de la critique que les personnes privées. De ce fait, les lois, pénales ou autres, qui accordent une protection spéciale contre la critique aux agents de l’État ne sont pas compatibles avec le respect de la liberté d’expression. Si certaines restrictions à la liberté d’expression peuvent être autorisées lorsqu’elles sont manifestement nécessaires et proportionnées pour protéger certains intérêts publics ou les droits d’autrui, l’emprisonnement sur cette base est une restriction disproportionnée.

Amnesty International a critiqué à maintes reprises le recours des autorités tunisiennes aux accusations de diffamation contre les détracteurs du gouvernement, les journalistes, les blogueurs et les artistes, et leur a demandé de réviser et de modifier les textes de loi, et notamment le Code pénal, qui étouffent la liberté d’expression.

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