Le Comité des grâces et des libérations conditionnelles de l’Ohio a voté contre la recommandation d’une mesure de clémence en faveur de Raymond Tibbetts, malgré le fait qu’un membre du jury de son procès lui ait déclaré qu’il n’aurait pas voté pour une condamnation à mort si les circonstances atténuantes révélées depuis lui avaient été présentées à l’époque. Le gouverneur de l’État peut encore lui accorder une grâce.
Le 8 février 2017, cinq jours avant la date où Raymond Tibbetts devait être exécuté pour le meurtre de Fred Hicks, commis en 1997, le gouverneur de l’Ohio a prononcé un sursis de huit mois et renvoyé le dossier devant le Comité des grâces après avoir reçu une lettre l’appelant à faire preuve de clémence envoyée par un homme qui était membre du jury lors du procès en 1998 et avait depuis pris connaissance des circonstances atténuantes qui n’avaient pas été présentées à l’époque. Cet ancien juré a écrit : « Si j’avais su ce que je sais aujourd’hui, je n’aurais pas recommandé la peine de mort. »
En 2011, une juge fédérale a estimé que l’avocat ayant défendu Raymond Tibbetts en première instance n’avait « pas procédé à des travaux préparatoires élémentaires » pour présenter les circonstances atténuantes liées à son enfance traumatisante, et elle a souligné que des éléments de preuve révélés après le procès avaient « mis en évidence un environnement beaucoup plus chaotique et violent » au sein du foyer parental et en famille d’accueil que ce dont les jurés avaient entendu parler. Ces informations « choquantes » et « profondément troublantes » leur auraient donné des raisons « impérieuses » d’opter pour la réclusion à perpétuité, a-t-elle écrit. Aux termes de la législation de l’Ohio, il aurait suffi qu’un seul juré vote contre l’application de la peine de mort pour que Raymond Tibbetts soit condamné à la réclusion à perpétuité.
Le Comité des grâces, qui avait recommandé au gouverneur de refuser la grâce en janvier 2017, a réexaminé le dossier lors d’une audience complémentaire le 14 juin 2018. Le 22 juin, il a de nouveau voté contre la recommandation d’une mesure de clémence, par huit voix à une. La majorité de ses membres a indiqué douter du fait que le juré, qui lui avait affirmé être « presque absolument certain » qu’il aurait voté pour la réclusion à perpétuité s’il avait su ce qu’il sait aujourd’hui, aurait pris une décision différente lors du procès si les circonstances atténuantes en question avaient été présentées au jury. Le Comité a également entendu des représentants du ministère public de l’État et du comté, ainsi que quatre membres de la famille de la victime, qui l’ont appelé à refuser la clémence. Les procureurs ont soutenu qu’une telle mesure nuirait au système de jugement par jury. Pourtant, celui-ci a été compromis quand l’avocat de la défense n’a pas présenté les circonstances atténuantes aux jurés.
Lorsque l’application obligatoire de la peine capitale a été abolie en 1976, la Cour suprême des États-Unis a statué que le prononcé des peines dans les affaires où l’accusé encourt ce châtiment devait être individualisé, afin que « l’application aveugle de la peine de mort » laisse place à un examen des « facteurs humains ou atténuants découlant des diverses faiblesses de l’humanité » avant que la décision de vie ou de mort ne soit prise. Si un jury est maintenu dans l’ignorance de circonstances atténuantes incontestables parce qu’un avocat n’a pas enquêté sur celles-ci et ne les a pas présentées, tout vote en faveur de l’application de la peine capitale qui s’ensuit revient à infliger le châtiment suprême en étant mal informé.
En recommandant de refuser la clémence, le Comité des grâces n’a pas tenu son rôle de rempart contre les injustices auxquelles tribunaux n’ont pas remédié. Le gouverneur doit rejeter sa recommandation et commuer la condamnation à mort de Raymond Tibbetts. Aux termes du sursis qu’il a ordonné en février, l’exécution est actuellement fixée au 17 octobre 2018.