Écrire Le harcèlement à l’encontre de journalistes d’investigation doit cesser

Les 14 et 15 mai, deux journalistes de Disclose, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal, ainsi qu’un journaliste de Radio France, Benoît Collombat, ont été convoqués pour une audition par les services de renseignement français, après l’ouverture par le parquet de Paris d’une enquête préliminaire à leur encontre pour compromission du secret de la défense nationale. En avril, ils avaient publié les « Yemen papers », une série de documents classés « confidentiel défense » portant sur la vente d’armes françaises à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis et leur utilisation contre des civils dans le contexte de la guerre civile au Yémen. Les actes de ces journalistes sont protégés par le droit à la liberté d’expression et l’enquête dont ils font l’objet doit être close.

Le 15 avril 2019, le média d’investigation Disclose a publié les « Yemen papers », une série de documents classés « confidentiel défense » portant sur la vente d’armes françaises à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis et leur utilisation contre des civils dans le contexte de la guerre civile au Yémen. Ces informations sont disponibles à cette adresse : https://made-in-france.disclose.ngo/fr. Les 14 et 15 mai 2019, Geoffrey Livolsi et Mathias Destal, journalistes de Disclose, et Benoît Collombat, journaliste de Radio France, ont été convoqués pour une audition par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), les services de renseignement français, après l’ouverture par le parquet de Paris d’une enquête préliminaire à leur encontre pour compromission du secret de la défense nationale.

Les gouvernements ne devraient jamais poursuivre en justice ou pénaliser d’une autre façon les personnes qui, bien que soumises à une obligation de confidentialité ou de secret, révèlent pour des raisons de conscience, de manière responsable, des informations sur des atteintes aux droits humains. De plus, les autres personnes, y compris les journalistes, qui communiquent des informations sur des violations des droits humains ne devraient jamais être soumises à de telles mesures. Il en est de même, en règle générale, pour la divulgation ou la communication d’informations touchant à d’autres questions d’intérêt public.

Le droit à la liberté d’expression englobe le privilège qu’a tout journaliste de ne pas révéler ses sources d’information. Ce privilège, comme le droit dont il dépend, peut être soumis à certaines restrictions légitimes. Le droit à la liberté d’expression peut faire l’objet de restrictions pour, entre autres objectifs, sauvegarder la sécurité nationale ou l’ordre public, à condition que ces restrictions soient nécessaires et proportionnées à la réalisation de l’objectif visé. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, dans l’Observation générale n° 34, a déclaré que « les États parties devraient reconnaître et respecter l’élément du droit à la liberté d’expression qui recouvre le privilège limité qu’a tout journaliste de ne pas révéler ses sources d’information » (par. 45).

Compte tenu des violations des droits humains dénoncées par les journalistes français, l’enquête préliminaire à leur encontre constitue une restriction disproportionnée du droit à la liberté d’expression et devrait être immédiatement close.

En vertu de la Loi française de 1881 sur la liberté de la presse, le secret des sources des journalistes est protégé, et il ne peut y être porté atteinte que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi (article 2). Dans cette affaire, l’intérêt qu’a l’État français à dissimuler des informations essentielles sur la contribution potentielle du gouvernement français à la violation du droit international humanitaire au Yémen ne constitue pas un « impératif prépondérant d’intérêt public ».

Au contraire, informer le grand public d’un risque sérieux que des armes françaises servent à prendre des civils pour cible au Yémen relève de l’intérêt public, car cela constitue une violation du droit international humanitaire. De plus, les documents publiés contredisent la version des autorités selon laquelle les armes françaises ne seraient pas directement utilisées dans le conflit et serviraient uniquement à des fins défensives, et montrent que le gouvernement français ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu du Traité sur le commerce des armes.

La France a ratifié le Traité sur le commerce des armes, qui est entré en vigueur le 24 décembre 2014. Selon l’article 6 du traité, un État partie ne doit pas autoriser la vente d’armes s’il a connaissance que ces armes pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou d’autres crimes de guerre.

En vertu du droit pénal français, les personnes qui divulguent des informations ayant un caractère de secret de la défense nationale sont passibles de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende (articles 413-10 et 413-11 du Code pénal).

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