Benjamin Cole a été inculpé du meurtre avec circonstances aggravantes de sa fille de neuf mois, qui est morte le 20 décembre 2002 et dont le décès a été attribué à une fracture de la colonne vertébrale ayant entraîné une déchirure de l’aorte. Dans une déclaration à la police qui a été filmée, Benjamin Cole a expliqué qu’il avait tenté de faire cesser les pleurs de l’enfant, qui était couchée sur le ventre. Il l’aurait poussée énergiquement par les chevilles, ce qui l’aurait fait se retourner sur le dos. Cette action aurait provoqué la blessure fatale. Le parquet a proposé à Benjamin Cole un accord pour éviter la peine capitale : s’il plaidait coupable, il serait condamné à la perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Il a refusé cette proposition et l’affaire a été jugée lors d’un procès qui s’est déroulé fin 2004, à l’issue duquel il a été déclaré coupable et condamné à mort.
Les avocat·e·s de Benjamin Cole ont décrit un client incapable de communiquer de façon rationnelle et cohérente avec eux. En 2003, notamment, ceux qui l’ont défendu en première instance ont mis en doute sa « capacité à comprendre la nature des accusations portées contre lui et à aider réellement ses avocats », et en 2004, ils ont indiqué : « Ses réponses aux questions concernant sa défense n’ont aucun rapport avec celles-ci, n’y répondent pas et semblent reposer sur des pensées et des idées irréalistes et irrationnelles. » À deux reprises, il a pourtant été déclaré apte à être jugé.
En 2008, les avocat·e·s assistant Benjamin Cole en appel ont engagé un psychiatre pour réévaluer l’état de santé mentale de leur client. Le psychiatre a conclu qu’il était dans l’incapacité d’aider ses avocat·e·s et que ses propos n’étaient « pas fondés sur un mode de pensée rationnel » mais découlaient d’une « schizophrénie de type paranoïde » se manifestant dans une « hyperreligiosité » et des « délires de persécution et de grandeur ». Il a estimé que ses troubles mentaux existaient « bien avant » le crime et pourraient y avoir contribué. Il a évoqué la possibilité d’un syndrome de stress post-traumatique et mis en avant ses antécédents familiaux de troubles mentaux et son enfance marquée par la consommation de substances toxiques, l’inceste et les violences psychologiques, physiques et sexuelles. Étant donné que son compte rendu ne figurait pas dans le dossier des procédures d’appel devant les juridictions d’État, les instances fédérales n’ont pas pu l’examiner en raison de la Loi de 1996 relative à la répression du terrorisme et à l’application de la peine de mort (AEDPA), qui limite la possibilité de faire réexaminer les décisions de juridictions d’État par la justice fédérale.
Benjamin Cole a vu son exécution programmée une première fois en 2015 (avant d’être suspendue à la suite d’une procédure judiciaire relative à l’injection létale). Dans ce contexte, un psychologue engagé par la défense a conclu que Benjamin Cole représentait « un exemple typique de patient atteint de schizophrénie chronique (avec symptômes catatoniques) ayant gravement régressé, dont l’état est probablement encore davantage compromis par la lésion cérébrale détectée par neuro-imagerie ». Il a qualifié ses troubles mentaux de « chroniques », « persistants » et « graves ». Il a également souligné que les conséquences de la « lésion cérébrale située dans la matière blanche profonde de la région fronto-pariétale de l’hémisphère gauche de son cerveau qui a été découverte par neuro-imagerie en septembre 2004 », mais dont l’évolution n’a pas été suivie, étaient indéterminées. Le psychologue a conclu en 2016 que Benjamin Cole n’était pas apte à être exécuté.
En avril 2022, après avoir accompagné les avocat·e·s de Benjamin Cole en prison auprès de celui-ci, il a déclaré n’avoir observé aucun comportement chez lui qu’il estimerait « rationnel ou cohérent » et que son « tableau clinique actuel correspond[ait] à son diagnostic de schizophrénie grave et chronique avec catatonie, ainsi qu’à la lésion cérébrale organique constatée par IRM ».
En 2022, un médecin qualifié en neuroradiologie a en outre réexaminé l’IRM de 2004 et conclu qu’elle révélait des détails « visiblement anormaux » et venait « à l’appui des conclusions de pathologies multiples ». Il a estimé que l’endroit où se trouvait la lésion cérébrale « pourrait exacerber » la schizophrénie de Benjamin Cole et que sa nécessité d’utiliser un fauteuil roulant pourrait être liée à cette lésion et à un possible syndrome parkinsonien.
L’exécution d’un prisonnier ne comprenant pas de manière rationnelle son châtiment enfreint la Constitution des États-Unis. Le droit international interdit de condamner à mort des personnes atteintes de troubles psychosociaux (mentaux) ou de déficiences intellectuelles. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, créé dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) pour veiller à l’application de ce traité, a souligné : « Les États parties doivent s’abstenir d’imposer la peine de mort à des personnes qui, par rapport aux autres, ont des difficultés particulières pour se défendre elles-mêmes, comme les personnes qui présentent un grave handicap psychosocial ou intellectuel qui les empêche de se défendre effectivement et les personnes dont la responsabilité morale est limitée. Ils devraient également s’abstenir d’exécuter des personnes qui ont une moindre aptitude à comprendre les raisons de leur condamnation... ».
États-Unis ont ratifié le PIDCP en 1992. Les organes chargés de veiller à l’application de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées interdisent de prononcer la peine de mort contre des personnes dont les troubles mentaux et déficiences intellectuelles compromettent l’efficacité de leur défense. Les États-Unis n’ont pas ratifié ce texte, mais en le signant en 2009, ils se sont engagés au regard du droit international à ne rien faire qui irait à l’encontre de ses objectifs.
Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. Dix exécutions ont eu lieu aux États-Unis jusqu’à présent en 2022, dont trois dans l’Oklahoma. Cet État a procédé à 117 des 1 550 exécutions enregistrées aux États-Unis depuis que la Cour suprême a approuvé les nouvelles lois relatives à la peine capitale, en 1976 ; il se classe au deuxième rang derrière son voisin le Texas. Ensemble, le Texas et l’Oklahoma représentent 10 % de la population des États-Unis et 45 % des exécutions qui ont eu lieu dans le pays depuis 1976.