Écrire Un homme détenu dans des conditions déplorables et coupé de sa famille

James Gatdet, qui a été transféré illégalement depuis le Kenya, a été inculpé de plusieurs infractions, notamment de « trahison », une charge passible de la réclusion à perpétuité, voire de la peine de mort. Il est détenu au siège du Service national de la sûreté (NSS) dans des conditions déplorables. Les visites de sa famille et de ses avocats lui sont interdites depuis le 15 septembre.

James Gatdet a été transféré illégalement du Kenya au Soudan du Sud en novembre 2016. Le 23 août, il a été inculpé, en vertu du Code pénal de 2008, d’« incitation à la violence » (article 52), de « trahison » (article 64), de « publication ou communication de déclarations fallacieuses portant préjudice au Soudan du Sud » (article 75) et d’« atteinte à l’autorité du président ou outrage à sa personne » (article 76). La charge de trahison est passible de la réclusion à perpétuité, voire de la peine de mort.

La première audience a eu lieu le 30 août et la deuxième, le 6 septembre. À la première, les avocats de James Gatdet se sont dits préoccupés par ses mauvaises conditions de détention. Il avait déjà passé plus de sept mois à l’isolement, privé de lumière naturelle, d’activité physique et presque totalement d’interaction avec d’autres personnes. Après l’audience, il a été transféré dans une cellule ordinaire, où les conditions n’étaient pas meilleures.

Le 15 septembre, la Haute Cour a ajourné le procès en invoquant la section 265 du Code de procédure pénale de 2008, qui porte sur les pouvoirs en matière de réexamen et de révision. Aucune date n’a été fixée pour la prochaine audience. Depuis lors, James Gatdet n’est plus autorisé à recevoir de visites de sa famille ni de ses avocats. Amnesty International a recueilli des informations indiquant qu’il ne bénéficie pas non plus des soins médicaux dont il a besoin.

Depuis le début du conflit armé au Soudan du Sud, en décembre 2013, les arrestations arbitraires, les détentions prolongées et les disparitions forcées de personnes considérées comme des opposants au régime se sont multipliées ; elles sont orchestrées par le Service national de la sûreté (NSS) et la Direction du renseignement militaire. Amnesty International a recueilli des informations sur de nombreux cas de détention arbitraire par le NSS dans divers centres, où les détenus sont souvent victimes d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Amnesty International craint que de nombreuses autres personnes soient détenues arbitrairement dans des conditions déplorables, non seulement au siège du NSS à Djouba mais aussi dans d’autres lieux de détention gérés par cet organe ou par l’armée sur l’ensemble du territoire.

La Loi de 2014 relative au NSS accorde à cet organe des pouvoirs étendus en matière d’arrestation et de détention sans prévoir de surveillance judiciaire ni de garanties contre d’éventuels abus. Ce texte ne précise pas que les détenus ne peuvent être placés que dans des lieux de détention officiels et ne garantit pas les droits élémentaires à une procédure régulière comme le droit à un avocat ou le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Il donne carte blanche au Service national de la sûreté et du renseignement pour continuer à pratiquer la détention arbitraire comme elle l’a toujours fait et même à y avoir de plus en plus recours, ce en toute impunité.

Dans le centre de détention du siège du NSS, près de Djébel, les détenus consomment des aliments peu variés (haricots et ugali). Amnesty International a par ailleurs reçu des informations selon lesquelles il arrive que les détenus ne soient pas nourris pendant un jour entier. La plupart des détenus dorment sur le sol. Certains sont battus, en particulier pendant les interrogatoires ou à titre punitif. Les détenus ne peuvent sortir qu’une fois par semaine pendant environ une heure.

En raison des mauvaises conditions de vie ainsi que d’un accès insatisfaisant aux soins médicaux, la santé de plusieurs détenus s’est gravement détériorée. Certains ne pourraient pas marcher et présenteraient des symptômes comme du sang dans les urines, les selles et les vomissures. Certains détenus souffrent de problèmes médicaux préexistants, tels que l’hypertension, qui se sont aggravés au cours de leur détention. En juillet 2016, un détenu est mort, apparemment à la suite d’une parasitose intestinale qui n’a pas été soignée.

La charge d’« incitation à la violence » qui pèse sur James Gatdet est liée à une déclaration qu’il a publiée sur sa page Facebook le 8 juillet 2016, dans laquelle il accusait le président Kiir d’avoir tenté de faire arrêter l’ancien vice-président Riek Machar au palais présidentiel J1. Aux dires des enquêteurs, les gardes du corps de Riek Machar ont lancé en représailles une attaque au même endroit. Toutefois, selon les informations recueillies par Amnesty International, le plaignant n’avait pas la permission de James Gatdet ni une quelconque autorisation pour accéder au compte Facebook personnel de ce dernier et à la déclaration, qui aurait été supprimée le 13 juillet 2016.

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