Écrire Un homme expulsé risque d’être victime de mauvais traitements

Le 20 octobre 2018, Ali Mohamed al Showaikh a été expulsé des Pays-Bas et arrêté à son arrivée à l’aéroport international de Bahreïn. Il est détenu depuis plus de dix semaines, sans possibilité de consulter un avocat, et l’unité du ministère public chargée des infractions à caractère terroriste intente des poursuites contre lui. Tout porte à croire qu’il a été soumis à des mauvais traitements.

Le 20 octobre 2018, Ali Mohamed al Showaikh, 27 ans, a été expulsé vers Bahreïn par les autorités néerlandaises, alors que son passeport était valide et qu’il avait fait part de sa volonté de quitter les Pays-Bas pour tout pays autre que Bahreïn, où il pensait qu’il risquait d’être victime de persécutions. Il a été arrêté à son arrivée à l’aéroport international de Bahreïn et a été emmené par la Direction des enquêtes criminelles (CID) pour être interrogé. Les autorités de la CID l’ont maintenu en détention pendant 11 jours avant de le transférer au centre de détention de Dry Dock, à Manama, la capitale de Bahreïn. Durant cette période, il a comparu devant l’unité du ministère public chargée des infractions à caractère terroriste, a été accusé de diverses infractions liées au terrorisme et a signé des « aveux » sous la pression. Il n’a pas pu consulter d’avocat.

Le 4 novembre, la famille d’Ali Mohamed al Showaikh a été autorisée à lui rendre visite pour la première fois à la prison de Dry Dock. Le même jour, son avocat a demandé au ministère public de l’informer de tous les nouveaux éléments de cette affaire, conformément au Code de procédure pénale.

Cependant, pendant plus de deux mois, les autorités bahreïnites ne l’ont pas informé des interrogatoires, transferts, comparutions devant l’unité du ministère public chargée des infractions à caractère terroriste et autres développements de l’affaire. Le 27 novembre, Ali Mohamed al Showaikh a de nouveau comparu devant l’unité du ministère public chargée des infractions à caractère terroriste en l’absence de son avocat, et sa détention provisoire a été prolongée. Le 27 décembre, il a comparu pour la troisième fois devant l’unité du ministère public chargée des infractions à caractère terroriste.

Cette fois, son avocat a pu être présent mais n’a pas été autorisé à s’entretenir avec lui en privé ou à consulter les documents. La détention provisoire d’Ali Mohamed al Showaikh a été prolongée d’un mois supplémentaire sans qu’il ait la possibilité de contester la décision devant un tribunal.

Ali Mohamed al Showaikh travaillait pour l’entreprise Sadad, un service électronique de transfert d’argent. En 2011, au début du soulèvement à Bahreïn, il a participé à au moins une manifestation au rond-point de la Perle. Après cela, il ne s’est pas impliqué dans les événements qui ont secoué le pays.

Ali Mohamed al Showaikh a quitté Bahreïn en février 2017 quand il a appris qu’il était accusé d’avoir abrité des fugitifs. Il s’est tout d’abord rendu en Iran, puis aux Pays-Bas en octobre pour y demander l’asile. En octobre 2018, les autorités néerlandaises ont rejeté sa demande d’asile, au motif qu’il n’avait pas prouvé qu’il risquait d’être victime de persécutions s’il retournait à Bahreïn, et l’ont placé en détention à Rotterdam. Ali Mohamed al Showaikh avait remis son passeport au camp de demandeurs d’asile néerlandais dans lequel il vivait afin qu’il soit conservé en lieu sûr, et n’a donc pas pu quitter librement les Pays-Bas. En conséquence, il a été renvoyé de force à Bahreïn le 20 octobre. Les autorités néerlandaises n’ont pas envisagé d’autres solutions, comme par exemple permettre à Ali Mohamed al Showaikh de se rendre dans un pays tiers. Elles l’ont au contraire renvoyé de force à Bahreïn, bien que ce pays soit connu pour arrêter les dissidents à leur arrivée à l’aéroport international de Manama.

L’unité du ministère public chargée des infractions à caractère terroriste a été établie par le décret n° 68 de 2014. Cette unité suit des procédures spéciales différentes de celles applicables dans le cadre d’affaires pénales classiques, lui octroyant notamment le pouvoir d’autoriser la mise en détention pendant une durée pouvant aller jusqu’à six mois sans ordonnance judiciaire. Son fonctionnement est régi par une définition exceptionnellement vague du « terrorisme », instaurée par la loi antiterroriste (n° 58 de 2006), qui englobe les infractions « [portant] atteinte à l’ordre public », « [portant] atteinte ... à l’économie nationale », « portant atteinte à la sécurité nationale », etc.

Les Pays-Bas sont tenus de respecter le principe de « non-refoulement », qui interdit d’expulser des personnes vers tout pays ou territoire où elles courraient un risque réel de subir de graves violations des droits humains. Ce principe est protégé par de nombreux instruments internationaux et relève désormais du droit international coutumier, qui lie tous les États, que ceux-ci aient ou non ratifié les instruments en question. Le renvoi forcé d’une personne dans un pays où elle risque d’être torturée et de subir d’autres mauvais traitements constitue une violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à laquelle les Pays-Bas sont partie.

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