D’après les informations qu’a reçues Amnesty International, Mojahed Kourkouri n’était pas présent lors des manifestations qui se sont déroulées à Izeh le 16 novembre 2022. Les proches de Kian Pirfalak, le garçon de neuf ans abattu par des agents des forces de sécurité ce jour-là, ont répété publiquement que Mojahed Kourkouri n’avait rien à voir avec cet homicide et en ont attribué à plusieurs reprises la responsabilité aux forces de sécurité iraniennes.
Amnesty International a recueilli des informations sur le fait que des membres des forces de sécurité en civil ont tiré mortellement à balles réelles sur Kian Pirfalak lors des manifestations qui ont eu lieu à Izeh, dans la province du Khuzestan, le 16 novembre 2022. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la voiture dans laquelle le garçon se trouvait avec sa famille. Lors des funérailles de Kian Pirfalak le 18 novembre 2022, sa mère, Mahmonir (Zeinab) Molaierad, a raconté publiquement les circonstances de sa mort en ces termes : « Je tiens à vous raconter ce qui s’est passé ce jour-là afin que [les autorités] ne puissent pas dire qu’il s’agissait de " terroristes ", parce qu’elles mentent. » Mahmonir Molaierad a expliqué qu’ils se rendaient à leur domicile, à Izeh, lorsqu’ils sont arrivés à un carrefour où étaient postés de nombreux policiers antiémeutes et agents en civil. Un agent leur a ordonné de s’arrêter et de faire demi-tour alors qu’ils avaient déjà passé les forces de sécurité.
Le père de Kian Pirfalak, qui conduisait, a obéi. Soudain, plusieurs agents en civils ont ouvert le feu sur la voiture. Kian Pirfalak a été mortellement touché et son père grièvement blessé. Mahmonir Molaierad a indiqué que pendant les tirs, elle a ouvert la porte avant côté passager, alertant les agents en criant que ses enfants étaient à bord et leur demandant d’arrêter de tirer. Trois des agents en civil qui tiraient se sont alors approchés de la famille, ont sorti le corps blessé de Kian Pirfalak du véhicule et l’ont emmené dans un immeuble proche.
Mahmonir Molaierad a déclaré : « Je ne sais pas pourquoi [ils nous ont tiré dessus] … Ils ont arrosé la voiture de balles… J’ai dit aux enfants de se cacher sous les sièges. Mon plus jeune s’est blotti sous le tableau de bord, mais Kian était dodu et ne passait pas sous le siège. » La mort de Kian Pirfalak a suscité un élan de colère et de solidarité, en Iran mais aussi dans le monde entier, particulièrement après la diffusion d’une vidéo où on le voit démarrer une présentation scolaire par les mots « Au nom d’un Dieu arc-en-ciel », puis de tester un bateau fabriqué en bâtonnets de glace. Le soir où Kian Pirfalak a été tué, des représentants de l’État, dont Valiollah Hayati, adjoint au gouverneur de la province du Khuzestan chargé de l’application des lois et de la sécurité, a affirmé que des « agents terroristes » étaient responsables de cet incident.
Lorsque les médias iraniens officiels ont cité Mojahed Kourkouri comme le suspect arrêté en lien avec l’homicide de Kian Pirfalak fin décembre 2022, la famille du garçon a démenti publiquement son implication. Amnesty International a déjà dénoncé la pratique des autorités iraniennes consistant à couvrir et dissimuler systématiquement leurs crimes et à nier leur responsabilité dans les homicides illégaux d’enfants perpétrés par les forces de sécurité. Elles préfèrent propager des récits qui affirment que les mineurs ont été tués par des « terroristes » ou des « émeutiers », ou que leur mort n’était pas due aux manifestations, mais à des suicides ou des accidents.
Selon les investigations d’Amnesty International, le 16 novembre 2022, outre Kian Pirfalak, les forces de sécurité ont aussi tiré à balles réelles et tué au moins trois autres mineurs : Sepehr Maghsoudi et Artin Rahmani à Izeh, et Danial Pabandi à Saqqez, dans la province du Kurdistan.
Fin avril 2023, l’avocat indépendant de Mojahed Kourkouri a appris que son client était incarcéré à la prison de Sheiban à Ahvaz, dans la province du Khuzestan ; il n’a pu lui rendre qu’une brève visite. Selon les informations dont dispose Amnesty International, Mojahed Kourkouri n’a pas été autorisé à recevoir des visites de sa famille depuis son arrestation.
Depuis la fin du mois d’avril 2023, les autorités iraniennes se livrent à une frénésie d’exécutions et ont ôté la vie à de nombreuses personnes, intensifiant le recours à la peine capitale comme outil de répression pour tenter d’instiller la peur au sein de la population et d’écraser les actes de résistance contre le pouvoir et la classe dirigeante. À ce jour, elles ont exécuté de manière arbitraire sept personnes en lien avec le soulèvement populaire, dont cinq en 2023.