Alexeï Navalny est une figure de proue de l’opposition en Russie, mobilisé contre la corruption et n’hésitant pas à critiquer le président Vladimir Poutine et le gouvernement russe. En août 2020, il a été empoisonné ; les experts ont par la suite conclu qu’il s’agissait de l’agent neurotoxique Novitchok de type militaire. Avec l’accord des autorités russes, il a été évacué vers Berlin, en Allemagne, pour y être soigné lorsqu’il était dans le coma.
Une fois remis, Alexeï Navalny est retourné à Moscou le 17 janvier 2021 et a tout de suite été placé en détention arbitraire. Il était accusé d’infractions aux conditions de sa liberté conditionnelle dans le cadre d’une peine avec sursis (non privative de liberté) prononcée précédemment pour des raisons politiques. Le 4 février 2021, cette peine avec sursis a été remplacée par une peine d’emprisonnement de deux ans et huit mois. Le 22 mars 2022, il a été reconnu coupable d’autres accusations arbitraires à caractère politique, notamment de fraude, et condamné à neuf ans d’emprisonnement supplémentaires. Le 4 août 2023, il a été déclaré coupable et condamné à 19 ans d’incarcération au total pour divers chefs d’accusation, notamment financement et incitation à l’« extrémisme » et « réhabilitation de l’idéologie nazie ».
Le 1er décembre 2023, les autorités ont porté de nouvelles accusations contre Alexeï Navalny, cette fois en vertu de la 2e partie de l’article 214 du Code pénal russe (« vandalisme motivé par la haine ou commis par un groupe de personnes »).
Depuis son arrestation, Alexeï Navalny n’a cessé d’être la cible de traitements plus sévères dans chaque établissement pénitentiaire où il a été placé. Il purgeait sa peine dans la colonie pénitentiaire à régime strict (de très haute sécurité) IK-6, dans l’oblast de Vladimir, à 240 km à l’est de Moscou. Mais il a reçu l’ordre d’être transféré dans une colonie pénitentiaire à « régime spécial » (un régime carcéral encore plus strict que là où il se trouve actuellement) selon les termes de sa dernière condamnation, sauf si elle est annulée en appel.
Pendant sa détention, Alexeï Navalny a été placé plusieurs fois en cellule disciplinaire, pour de prétendues infractions au règlement, notamment à 23 reprises dans une cellule « SHIZO » (cellule d’isolement disciplinaire) où il n’était pas autorisé à recevoir de visites ni de lettres, à faire de l’exercice ni à marcher dehors, pas plus qu’à acheter des denrées à la boutique de la prison.
L’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus définit l’isolement prolongé d’un détenu comme une période de 15 jours ou plus dans des conditions excluant tout véritable contact humain pendant au moins 22 heures par jour. Un tel traitement constitue une violation de l’interdiction absolue de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
En Russie, la limite légale de la période pendant laquelle un prisonnier peut être placé dans une cellule « SHIZO » est de 15 jours consécutifs. Pourtant, au 27 septembre 2023, Alexeï Navalny avait déjà passé 12 mois dans une cellule dite de confinement de type unique (EPKT), qui est la forme de sanction disciplinaire la plus sévère et la plus longue pour un prisonnier, réservée à ceux qui ne cessent d’enfreindre le règlement pénitentiaire. On ignore si, pendant ce temps, il aurait partagé la cellule avec d’autres prisonniers.
Le 12 décembre 2023, il est apparu qu’Alexeï Navalny n’était plus officiellement inscrit dans la colonie pénitentiaire IK-6. Les autorités russes refusent de fournir la moindre information sur le sort d’Alexeï Navalny et le lieu où il se trouve depuis que ses avocats ont eu de ses nouvelles pour la dernière fois, le 5 décembre. S’il est possible qu’il soit en train d’être transféré vers une autre colonie pénitentiaire, les autorités ont l’obligation de communiquer les informations concernant tous les transferts de prisonniers rapidement.
Amnesty International a précédemment fait état des pratiques cruelles et inhumaines employées par les autorités russes durant les transferts de prisonniers. Ces transferts en Russie peuvent durer des semaines sans qu’aucune information ne soit fournie aux proches des prisonniers. Ils mettent quasi systématiquement en danger la santé et le bien-être des détenu·e·s, qui sont exposés à des mauvais traitements et à des actes de harcèlement.