Écrire Un journaliste inculpé pour un message sur Facebook

Le journaliste et poète jordanien Tayseer Salman al Najjar a comparu devant la chambre pénale de la Cour d’appel fédérale à Abou Dhabi une première fois le 18 janvier, puis à nouveau le 1er février, pour « atteinte à la réputation et au prestige de l’État émirien », à la suite d’un commentaire qu’il a publié sur son compte Facebook. Sa prochaine audience a été fixée au 15 février.

Tayseer Salman al Najjar, poète et journaliste spécialisé dans la culture pour le journal al Dar, a été déféré devant la chambre pénale de la Cour d’appel fédérale à Abou Dhabi, la capitale des Émirats arabes unis, le 18 janvier. Il s’agissait de sa première comparution devant un tribunal depuis son arrestation en décembre 2015. Il a été officiellement inculpé de « publication d’informations dans le but de porter atteinte à la réputation et au prestige de l’État émirien », à la suite d’un commentaire qu’il a publié sur son compte Facebook en 2014. Dans celui-ci, il avait fait l’éloge de la résistance des Palestiniens à Gaza et critiqué plusieurs pays, dont les Émirats arabes unis, mais il nie les avoir « insultés ». L’audience a été reportée au 1er février afin qu’il puisse être assisté par un avocat. La prochaine audience de son procès a été fixée au 15 février.

Le 3 décembre 2015, Tayseer al Najjar (43 ans) se trouvait à l’aéroport d’Abou Dhabi et s’apprêtait à partir en Jordanie pour rendre visite à sa famille quand on lui a indiqué qu’il n’était pas autorisé à quitter les Émirats arabes unis et qu’il devait se présenter une fois par jour aux autorités chargées de la sécurité. Le 13 décembre 2015 dans la matinée, il a été convoqué par téléphone aux services de la Sûreté de l’État, à Abou Dhabi. Il a appelé son épouse à 19 heures, juste avant d’entrer dans les locaux, et a été arrêté peu de temps après. Pendant près de deux mois, sa famille n’a pas su où il se trouvait ni les motifs de son arrestation. Ce n’est que le 18 février 2016, quand il a été autorisé à appeler, qu’elle a appris qu’il était détenu à l’isolement dans les locaux des services de la Sûreté de l’État, où il faisait l’objet de « fortes pressions » visant à lui arracher des « aveux ». Une dizaine de jours plus tard, il a de nouveau téléphoné à son épouse pour lui indiquer qu’il avait été transféré à la prison d’al Wathba, à Abou Dhabi, où il demeure incarcéré. Tayseer al Najjar était détenu depuis un peu plus d’un an dans l’attente de son procès. Pendant toute cette période, il n’avait pas pu contacter un avocat.

Tayseer Salman al Najjar est marié et père de cinq jeunes enfants qui vivent en Jordanie. Il a déménagé aux Émirats arabes unis en avril 2015 pour y travailler chez Al Jewa, une grande maison d’édition, en amont du lancement en janvier 2016 d’un nouvel hebdomadaire, al Dar, pour lequel il devait écrire des articles dans les pages culturelles.

En juillet 2014, pendant le conflit de Gaza, Tayseer al Najjar avait publié le message suivant sur sa page Facebook : « Message destiné aux journalistes et écrivains qui n’apprécient pas la résistance à Gaza […] Dans une affaire, il y a toujours une partie qui a raison et l’autre qui a tort. Celle qui a raison est la résistance à Gaza, tous les autres sont mal intentionnés, par exemple Israël, les Émirats arabes unis, Al-Sissi [président de l’Égypte] et d’autres régimes qui n’ont plus honte de se couvrir de honte. »

Depuis 2011, les autorités des Émirats arabes unis mènent une répression sans précédent contre la liberté d’expression et d’association dans le pays. L’espace accordé à l’expression des voix dissidentes a été fortement réduit et de nombreuses personnes – tant des citoyens émiriens que des ressortissants étrangers – qui critiquent le gouvernement, sa politique ou la situation des droits humains aux Émirats arabes unis sont harcelées, arrêtées, torturées, jugées dans le cadre de procès iniques et emprisonnées. Les autorités ont arrêté, détenu et poursuivi plus de 100 militants, défenseurs des droits humains et détracteurs du gouvernement, notamment des avocats, des juges et des universitaires de premier plan, sur la base d’accusations très larges et sans nuance liées à la sécurité nationale ou à la cybercriminalité, et ce, dans le cadre de procédures non conformes aux normes internationales en matière d’équité des procès. Des personnes précédemment victimes de disparition forcée ont déclaré avoir été torturées ou maltraitées et contraintes à faire des « aveux » lors d’interrogatoires, en l’absence d’un avocat. Il arrive souvent que la chambre de sûreté de l’État de la Cour suprême fédérale autorise l’usage de ces « aveux », en violation du droit international relatif aux droits humains, et déclare les accusés coupables même lorsqu’ils reviennent sur ces « aveux ».

Le 29 novembre 2016, la Loi fédérale n° 11/ 2016 est entrée en vigueur. Elle concerne l’Autorité judiciaire fédérale, qui a mis en place une procédure d’appel pour les affaires liées à la sûreté de l’État. Les procès qui se déroulent devant la chambre de sûreté de l’État de la Cour suprême fédérale ne sont pas conformes aux normes internationales d’équité. Amnesty International a exprimé sa préoccupation, en particulier quant à l’absence de procédure d’appel dans cette instance, qui empêche les prévenus de contester ses décisions. Le 20 décembre 2016, l’organisation a adressé au ministre de la Justice des Émirats arabes unis un courrier dans lequel elle saluait l’adoption de la nouvelle loi mais lui faisait part de sa crainte que, si celle-ci ne s’accompagnait pas de modifications du Code de procédure pénale notamment en ce qui concerne la gestion des affaires relatives à la sécurité nationale et à d’autres domaines liés, la mise en place de la procédure d’appel ne règle pas le problème de l’iniquité des procès dans ce type d’affaires.

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