Écrire Un kurde iranien torturé condamné à mort

Reza (Gholamreza) Rasaei, kurde iranien, risque d’être exécuté en lien avec les manifestations qui se sont déroulées à travers l’Iran de septembre à décembre 2022.

Le 7 octobre 2023, à l’issue d’un procès manifestement inique, la deuxième chambre du tribunal pénal n° 1 de la province de Kermanchah l’a déclaré coupable de « meurtre » et l’a condamné à mort, en retenant ses « aveux » extorqués sous la contrainte comme « preuve ».

Entre septembre et décembre 2022, l’Iran a été le théâtre d’un soulèvement populaire sans précédent contre le régime de la République islamique, déclenché par la mort en détention de Mahsa (Zhina) Amini le 16 septembre 2022, quelques jours après son arrestation arbitraire par la « police des mœurs » iranienne. Les autorités ont fréquemment et illégalement utilisé des munitions réelles, des projectiles en métal et du gaz lacrymogène, et ont roué de coups des manifestant·e·s.

Des centaines de manifestant·e·s et de passant·e·s, dont des dizaines de mineur·e·s, ont été tués illégalement par les forces de sécurité. Des milliers d’autres personnes ont été blessées, mais beaucoup ont renoncé aux soins médicaux par peur d’être arrêtées. Plus de la moitié des personnes tuées appartenaient à la minorité baloutche opprimée de la province du Sistan-et-Baloutchistan ou à la minorité kurde opprimée des provinces du Kurdistan, de Kermanchah et de l’Azerbaïdjan occidental.

À partir de début novembre 2022, des organisations de défense des droits humains des Kurdes ont fait état d’une « atmosphère très sécuritaire » dans la province de Kermanchah, marquée par une large présence des forces de sécurité. Cette situation était révélatrice du renforcement de la répression par les autorités à l’approche des manifestations prévues du 15 au 19 novembre 2022 pour commémorer les massacres commis lors de manifestations en novembre 2019.

À ce jour, les autorités ont exécuté arbitrairement sept hommes en lien avec les manifestations du mouvement « Femme. Vie. Liberté. », à l’issue de procès iniques entachés d’allégations de torture. Le 19 mai 2023, l’Iran a exécuté Majid Kazemi, Saleh Mirhashemi et Saeed Yaghoubi. Leur procès s’était tenu en décembre 2022 et janvier 2023 et ils avaient été condamnés à mort pour des accusations excessivement vagues et générales d’« inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh). Les autorités avaient engagé ces poursuites sur la base d’allégations sans fondement s’appuyant sur des « aveux », obtenus sous la torture, selon lesquels ces hommes auraient utilisé des armes à feu pendant des manifestations au cours desquelles trois membres des forces de sécurité avaient été tués. Elles ne les ont toutefois pas inculpés ou déclarés coupables d’homicide pour ces morts.

Le 10 mai, les autorités ont annoncé que leur déclaration de culpabilité et leur condamnation avaient été confirmées par la Cour suprême, en dépit de violations des règles de procédure, de graves vices de procédure, de preuves insuffisantes et d’allégations de torture n’ayant jamais donné lieu à des enquêtes. Selon les informations obtenues par Amnesty International, les trois hommes ont été torturés alors qu’ils étaient soumis à une disparition forcée et ont été contraints à faire des déclarations dans lesquelles ils se mettaient eux-mêmes en cause.

La torture est une violation du droit international, qui en interdit l’usage en toutes circonstances. Une déclaration obtenue au moyen de la torture, de mauvais traitements ou de toute autre forme de contrainte ne peut être retenue à titre de preuve dans une procédure pénale, si ce n’est contre les auteurs présumés de tels actes. Étant donné le caractère irréversible de la peine de mort, les procès de personnes passibles de ce châtiment doivent respecter scrupuleusement toutes les normes internationales garantissant le droit à un procès équitable.

Toute personne arrêtée ou détenue parce qu’elle est soupçonnée d’une infraction pénale doit être traitée dans le plein respect des obligations de l’Iran en matière de droits humains, notamment des droits constitutifs du droit à un procès équitable. Il s’agit notamment du droit de choisir son avocat, de bénéficier des services d’un avocat dès l’arrestation, pendant la phase précédant le procès et pendant le procès, d’être présenté dans les meilleurs délais à un magistrat relevant de la justice civile ordinaire, de contester la légalité de la détention devant un tribunal indépendant et impartial, d’être présumé innocent, de garder le silence et de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s’avouer coupable, d’avoir pleinement accès aux éléments de preuve pertinents, de ne pas être détenu sur la base d’accusations formulées en termes vagues, d’interroger les témoins à charge et d’obtenir l’interrogatoire des témoins à décharge, d’être entendu équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et d’avoir un jugement argumenté prononcé publiquement.

Amnesty International recueille sans cesse des informations faisant état de violations systématiques du droit à un procès équitable en Iran dès l’arrestation et tout au long de l’enquête, du procès et de la procédure d’appel. Les tribunaux, en règle générale, ne font aucun cas des allégations de torture et d’autres mauvais traitements, sur lesquelles ils n’ordonnent pas d’enquête, et s’appuient sur des « aveux » extorqués sous la torture pour prononcer des déclarations de culpabilité et des peines, y compris dans les affaires pouvant aboutir à une sentence capitale. En vertu du droit international, l’imposition de la peine de mort à l’issue d’un procès inique constitue une privation arbitraire du droit à la vie.

En Iran, les minorités ethniques et religieuses sont victimes de discriminations en droit et dans la pratique. Les autorités limitent l’accès des minorités ethniques à l’éducation, à l’emploi et aux fonctions politiques. En 2023, Amnesty International a en outre constaté que les autorités iraniennes ont intensifié leur recours à la peine de mort comme instrument de répression politique contre les membres des minorités kurde et baloutche. Les minorités religieuses, parmi lesquelles les yarsans, font également l’objet de discriminations en droit et dans la pratique, notamment en matière d’éducation, d’emploi, d’adoption et d’accès aux fonctions politiques et aux lieux de culte.

Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort, en toutes circonstances. La peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

Amnesty International ne cesse d’appeler tous les pays où elle est encore en vigueur, y compris l’Iran, à instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, en vue de l’abolition totale de la peine de mort.

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