Écrire Le dirigeant du principal parti d’opposition a été incarcéré.

Le 3 septembre, Kem Sokha, président du principal parti d’opposition dissous, a été arrêté chez lui dans le quartier de Tuol Kork, à Phnom Penh, pour des accusations de trahison à caractère politique. S’il est reconnu coupable, il encourt jusqu’à 30 ans d’emprisonnement. La libération sous caution lui a été refusée.

Le 3 septembre, à 12h30, Kem Sokha, membre du Parlement et président du principal parti d’opposition qui n’avait pas encore été dissous, le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC), a été arrêté par huit membres de l’unité des gardes du corps du Premier ministre Hun Sen et 100 policiers à son domicile, dans le quartier de Tuol Kork, à Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Le 4 septembre, le juge d’instruction du tribunal de première instance de Phnom Penh a ordonné son placement en détention provisoire au « Centre correctionnel n° 3 » dans la province de Tbong Khmum, où il demeure détenu, en vue de mener une enquête sur les accusations de « collusion avec une puissance étrangère » (article 443 du Code pénal cambodgien) dont il fait l’objet. L’Assemblée nationale dominée par le parti au pouvoir lui a retiré son immunité parlementaire le 11 septembre, ouvrant la voie à des poursuites pénales. S’il est déclaré coupable, Kem Sokha encourt jusqu’à 30 ans de réclusion.

Le 31 octobre, la Cour suprême l’a débouté de son dernier recours pour une libération sous caution. Le 24 novembre et le 14 décembre, le juge d’instruction, accompagné de deux procureurs adjoints lors de la deuxième entrevue, a interrogé Kem Sokha.
Kem Sokha souffre de graves problèmes de santé qui nécessitent une attention médicale régulière. Depuis son arrestation il y a plus de trois mois, il n’a été soigné qu’une seule fois par un médecin et son épouse n’a pu que récemment lui apporter ses médicaments. Les documents de ses avocats sont vérifiés lorsqu’ils rencontrent leur client et on pense que leurs conversations sont filmées en vidéo et probablement écoutées par les gardiens présents dans la pièce. D’autres visiteurs n’ont pas été autorisés à lui rendre visite. Kem Sokha n’est pas autorisé à communiquer avec les autres détenus.

Son arrestation intervient dans le contexte des tentatives visant à affaiblir et démanteler le principal parti d’opposition du Cambodge, en amont des élections générales prévues le 29 juillet 2018. Le PSNC a été dissous le 16 novembre et 118 de ses membres, dont des parlementaires, se sont vus interdire d’exercer toute activité politique pendant cinq ans.

Les poursuites engagées contre Kem Sokha se fondent sur l’enregistrement vidéo d’un discours qu’il a prononcé en Australie en 2013, dans lequel il déclare avoir reçu des conseils du gouvernement américain sur la manière de façonner un mouvement militant pacifique cambodgien.

Au cours des mois qui ont suivi l’élection du conseil communal en juin et en amont de l’élection générale de 2018, le parti au pouvoir a commis une série d’actes de répression politique flagrants contre le principal parti d’opposition, le PSNC. Il a notamment interpellé et poursuivi ses membres pour des accusations de complot forgées de toutes pièces, contraignant plus de la moitié des législateurs du PSNC à fuir le pays, par peur d’être arrêtés.
Le 6 octobre 2017, le ministère de l’Intérieur a saisi la Cour suprême pour demander la dissolution du PSNC, au motif qu’il aurait bafoué la Loi sur les partis politiques par des actes participant d’une « révolution de couleur » qui aurait été menée par l’opposition dans le but de renverser le gouvernement en place. Le PSNC aurait « conspiré avec des puissances étrangères », avec l’aide présumée du gouvernement américain et en collusion avec la société civile.

Le 16 novembre 2017, à l’issue d’une audience de trois heures boycottée par les avocats représentant le PSNC, la Cour suprême, présidée par un juge connu pour être très proche du Premier ministre Hun Sen et qui est membre de plusieurs comités de haut niveau du parti au pouvoir, a décidé de dissoudre le PSNC. Les avocats représentant le ministère de l’Intérieur ont fait valoir, sans présenter aucune preuve, que le PSNC faisait partie d’un complot financé par les États-Unis pour renverser le gouvernement avant l’élection de l’an prochain. Ils ont aussi accusé plusieurs membres importants de la société civile d’être « complices » du PSNC.

Dans les semaines ayant précédé l’audience à la Cour suprême et le jour de l’audience, le parti au pouvoir a menacé quiconque protesterait contre la dissolution du PSNC de violences ou de poursuites judiciaires. Outre ces menaces, la présence de forces militaires et de sécurité lourdement armées a été renforcée autour de Phnom Penh, des barrages routiers ont été érigés, les habitants de la province se sont vus empêcher d’entrer dans Phnom Penh la veille de l’audience, et des contingents importants des forces de sécurité ont effectué des descentes nocturnes dans les locaux de plusieurs organisations de défense des droits humains et de surveillance électorale, à la recherche de manifestants qu’elles auraient pu héberger la veille de l’audience.

Le 26 novembre 2017, le Premier ministre Hun Sen a menacé de fermer le Centre cambodgien pour les droits de l’homme (CCHR), ONG locale renommée et indépendante qui défend les droits humains et a été initialement fondée par Kem Sokha en 2002. Kem Sokha a quitté l’organisation en 2007 pour reprendre ses activités politiques, le CCHR ayant pris des mesures pour garantir que son mandat et sa mission se fondent sur les principes d’indépendance et d’impartialité politique. Le 2 décembre 2017, le Premier ministre Hun Sen a annoncé que le CCHR ne serait finalement pas fermé, car il « respectait la loi » et que les résultats de l’enquête du ministère de l’Intérieur étaient satisfaisants.

Cette répression visant le PSNC s’inscrit dans le cadre d’une attaque plus vaste contre les voix indépendantes dans le pays, en particulier la société civile et les médias indépendants, qui s’est traduite par la réduction au silence de plus de 30 fréquences radio, la fermeture d’agences de presse indépendantes, la suspension et la fermeture de plusieurs ONG indépendantes de défense des droits humains, la détention arbitraire prolongée de militants et la multiplication des menaces et des actes d’intimidation contre les détracteurs dans le pays.

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